Après s’être frottée au printemps et à l’automne, c’est dans la chaleur de l’été que Papier, la foire d’art contemporain, s’installe pour une 15édition. L’évènement, qui attire chaque année des milliers d’amateurs d’art, premiers acheteurs ou collectionneurs, s’ouvre ce vendredi au Grand Quai du Vieux-Port de Montréal.

Habituellement tenue en avril, Papier s’était posée en novembre l’an dernier, un changement expliqué par la pandémie. « C’était un peu trop serré de revenir en avril [cette année], alors on a coupé la poire en deux, pour ensuite retourner à notre plage normale [l’an prochain] », explique la directrice générale de l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC), Julie Lacroix. « Cela nous permet pour la première fois d’avoir une terrasse où se trouvera une installation de l’artiste Dean Baldwin. »

L’évènement retrouve le Grand Quai, un lieu ouvert, majestueux et lumineux qu’il a adopté en 2019. Un total de 39 galeries québécoises et ontariennes présenteront les œuvres de plus de 400 artistes au cours de cette édition, notamment Claude Vermette, Caroline Monnet, Manuel Mathieu, Nadia Myre et Marc Séguin. Une sélection d’œuvres à moins de 2000 $, voire moins de 1000 $, sera aussi proposée.

Le défi de Papier, qui s’est ouverte à tous les médiums en 2019, est maintenant de concilier sa mission originale – rejoindre les premiers acheteurs et le grand public – au désir de s’imposer comme un incontournable auprès des grands collectionneurs, indique Julie Lacroix.

« Maintenant, on a des œuvres d’intérêt muséal, de grand format, les artistes les plus connus ou les plus collectionnés par les institutions, on les retrouve de plus en plus nombreux à la foire. Aujourd’hui, Papier, c’est vraiment un bon portrait de l’excellence de l’art canadien. »

Nouveauté et continuité

La foire ouvre ses portes cette année à quatre nouvelles venues, soit les galeries Central Art Garage (Ottawa), Lalani Jennings (Guelph), Parc Offsite (Montréal) et Jano Lapin (Montréal), qui fera ses débuts à titre d’exposant virtuel. Héritage de la pandémie, l’offre virtuelle de Papier demeure avec une plateforme web ainsi qu’une application, Collectionner, qui utilise la réalité augmentée.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La Presse a eu un aperçu de la foire Papier, qui s’ouvre ce vendredi. Sur la photo, la galerie Paul Petro Contemporary.

« Nous avons ouvert la galerie en 2020, pendant la pandémie », souligne Eli Kerr, fondateur de Parc Offsite, rencontré lors du montage de son kiosque, mercredi. « C’était un bon moment pour bâtir une communauté avec les amis, les artistes, le public. D’être ici deux ans plus tard montre que cela va bien. » Habituée à présenter des expositions solos dans son local du Mile End, la galerie mariera le travail de trois artistes montréalais sur les murs de son kiosque.

« Les trois jours ici ne sont pas nécessairement les plus importants [en termes de ventes], mais on sème pour le reste de l’année », souligne le galeriste Pierre-François Ouellette, qui présentera les œuvres d’une vingtaine d’artistes, dont Ludovic Boney (Mémoires ennoyées) et Chih-Chien Wang. « En 2019, il y a 11 000 personnes qui sont venues. C’est beaucoup plus que les gens qui rentrent chez moi en un an. D’avoir ce public qui veut voir de l’art, c’est extraordinaire. »

L’aspect événementiel contribue, selon lui, à attirer un large public.

Ça permet de briser des barrières et de se rendre compte que finalement, on n’est pas à New York. Les gens qui vous accueillent dans les galeries, ce ne sont pas des gens qui sont derrière le comptoir à faire leurs affaires. On est accueillant à Montréal !

Pierre-François Ouellette, directeur d’une galerie d’art

En 2019 et 2021, des ventes de 1,5 million de dollars ont été réalisées lors de la foire.

Cinq projets spéciaux ponctueront l’espace cette fin de semaine. Ces installations artistiques de grand format ont été créées par des artistes émergents : Kyle Alden Martens, Nicholas Crombach, Dexter Barker-Glenn, Clara Cousineau et Michelle Forsyth. Sera également présentée en primeur canadienne l’œuvre vidéo Bring MTo Heal (Saint George), de l’artiste anglais Amartey Golding.

La place des femmes

L’AGAC poursuit son programme éducatif en abordant des enjeux de l’art actuel à travers six visites guidées et neuf tables rondes, dont l’une sur la place des femmes dans l’art contemporain, qui sera animée par l’instigatrice du projet Post-Invisibles, Mylène Lachance-Paquin. Lancé en mars dernier, Post-Invisibles souhaite redonner leur juste place aux femmes en arts visuels.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Mylène Lachance-Paquin, instigatrice du mouvement Post-Invisibles, en visite au kiosque de la galerie Zalucky Contemporay.

Au Canada, environ 34 % des artistes représentés en galerie sont des femmes, selon celle qui est titulaire d’une maîtrise en muséologie. Or, 10 % plus de femmes que d’hommes obtiennent un diplôme dans le cadre d’études universitaires.

« Pour être muséalisée, il faut que tu aies un galeriste qui te vende dans le milieu, expose Mylène Lachance-Paquin. Si tu n’es pas vue en galerie, ta cote ne montera pas et tu ne seras pas acquise, collectionnée. C’est peut-être l’impression que les choses vont bien, mais parfois, il faut juste un petit constat de la situation pour se réajuster. »

Les choses évoluent néanmoins, croit Juliana Zalucky, directrice de la galerie torontoise Zalucky Contemporary, dont cinq des sept artistes représentés à Papier sont féminines. « Je fais partie d’une génération de galeristes qui est beaucoup plus sensible à l’égalité des sexes, déclare-t-elle. Il y a un mouvement qui est commencé. »

Du 26 au 28 août au Grand Quai du Vieux-Port de Montréal. Le prix d’entrée à Papier est de 15 $. Les billets, horodatés, doivent être achetés en ligne.

Consultez le site de la foire