Prix Borduas
Il était temps de visiter son atelier du Plateau-Mont-Royal. Au moins pour honorer cet artiste de 82 ans récompensé par Québec pour sa contribution à l’art contemporain. Et pour sa démarche tournée vers l’humain et la poésie, comme l’ont montré ses sculptures et ses performances en faveur de la justice sociale. En 2005, il avait créé Les incendiaires, neuf lits métalliques recouverts de charbon, pour rendre hommage à des sans-abri morts à Montréal. Il avait présenté la même œuvre quelques semaines plus tard à Paris, « au nom des morts dans la rue ».
« Le prix Borduas était une surprise, dit-il. Je l’ai pris comme une reconnaissance des pairs. Ça valide mon travail d’une certaine façon. »
Le fondeur
André Fournelle n’est pas né André Fournelle. Il est né britannique, en 1939, à Newcastle. Ses parents seraient morts lors de bombardements nazis. La Croix-Rouge anglaise l’a envoyé au Canada où il a été adopté à l’âge de 1 an par des Québécois. Fasciné dans sa jeunesse par les sciences, la musique et la poésie, il a fréquenté brièvement – à cause de son tempérament frondeur ! – l’École des beaux-arts de Montréal, avant de travailler dans une fonderie. C’est là qu’il a acquis les techniques de fabrication de l’acier, adorant tout ce qui touche au métal en fusion.
« C’est à partir de là que j’ai créé avec mon copain Marc Boisvert notre fonderie expérimentale à Pierrefonds. » Entre-temps, il a connu Armand Vaillancourt, son père spirituel qui l’a amené à devenir sculpteur.
Contestataire et humaniste, comme Vaillancourt, André Fournelle s’est engagé politiquement dans les années 1960 et 1970, au Québec et en Europe. Organisant des performances et des coups d’éclat. Documentant les démolitions « sauvages » d’édifices résidentiels. Ami de Serge Lemoyne et de Marcelle Ferron, il a poursuivi ses créations de sculptures, le plus souvent monumentales, durant toute sa carrière. Métal, néons, charbon, pierre, sable, feu. Il a tout essayé, comme en témoigne son site internet où ses créations sont consignées.
Visitez le site d’André FournelleL’atelier-maison
Son atelier est aussi sa maison. Un grand lit, un lit d’appoint, une cuisine et une salle à manger qui se confondent avec son lieu de travail. Des œuvres dans tous les coins de l’appartement rempli de documents, de livres et de trophées qu’il a créés, comme celui du Festival du film de Montréal. Il travaille dans ces espaces tous les jours grâce à une bonne forme physique. « Mais le métal est plus lourd qu’avant ! », dit-il en riant.
Art public
André Fournelle a beaucoup contribué à l’art public. En 1999, il réalise Lumières et silences, une ligne de feu orchestrée près du pont des Arts, à Paris. En 2000, à Taiwan, il installe une œuvre en hommage à Joseph Beuys. En 2008, son Arche de feu est inaugurée à Douai, en France. Au Québec, ses œuvres publiques sont à Granby, Jonquière, Saguenay, Gatineau, Rivière-du-Loup, Québec, Val-d’Or, Sherbrooke, Rigaud et Montréal. Prolixe, il n’a toutefois pas encore bénéficié d’un hommage muséal à la mesure de son talent. Ce pourrait toutefois être le cas prochainement, des projets d’exposition le concernant étant en gestation dans deux musées québécois.