Stanley Février a fait de la justice le fer de lance de sa pratique artistique. Œuvrant pour que les artistes de la diversité obtiennent la visibilité à laquelle ils ont droit dans le monde de l’art québécois, l’artiste d’origine haïtienne fait avancer les choses. L’installation performative Musée d’art actuel/Département des invisibles, qu’il présente dès le 15 juin au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), en est l’illustration.

Cela fait à peu près six ans que Stanley Février construit son credo artistique sur l’équité à réaliser entre les musées et les artistes au Québec. On se souvient de son action d’éclat, en 2019, au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) quand, avec une cinquantaine d’artistes et d’étudiants de la diversité, il avait perturbé le cours des choses, en l’occurrence un vernissage, avec une manifestation qui visait à réclamer plus de visibilité dans les musées et centres d’art.

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La conservatrice Projets et engagement communautaires au MBAM, Iris Amizlev, et l’historienne de l’art Laura Delfino sont les commissaires de Musée d’art actuel/Département des invisibles, de Stanley Février.

Depuis, il ne cesse de marquer des points, forçant le milieu de l’art à adopter une attitude plus conforme à la réalité de la société québécoise. Dans une action symbolique qui mime l’institution d’art, il a créé un Musée d’art actuel/Département des invisibles, le MAADI, dont il est le « directeur général et conservateur en chef ». Un musée doté de dizaines d’œuvres qu’il a personnellement achetées ces dernières années à ses collègues artistes de la diversité, notamment noirs, trop souvent ignorés, dit-il.

Compte tenu de la tradition de diversité qu’il développe depuis une quinzaine d’années, le MBAM a donc fourni des espaces au MAADI afin de donner de la visibilité à ces artistes rendus « invisibles ». On y trouve celles et ceux qui ont soutenu Stanley Février dès le début de sa quête d’équité, notamment My-Van Dam, Eliza Olkinitskaya, Maria Ezcurra, Livia Daza-Paris, Clovis-Alexandre Desvarieux ou encore Esther Calixte-Béa.

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Stanley Février devant l’œuvre Chimères tenaces, de l’artiste Oski (Joseph Alex Olivier Vilaire)

Mais aussi des artistes qui présentent un travail intéressant et peu connu. Comme Montserrat Duran Muntadas, qui exploite le textile et le verre et qui n’a guère eu de visibilité, hormis avec La Guilde qui fait connaître ses œuvres depuis des années. Ou encore Claudia Bernal, qui a une pratique interdisciplinaire de plus de 30 ans, et dont le MAADI expose une installation qui évoque les effets du colonialisme et du capitalisme au Mexique.

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Vue de l’installation Chamanika urbaine, de Claudia Bernal, à gauche

Les œuvres évoquent l’identité des artistes, leurs racines, leurs vibrations et cet état d’être qui en font des fusibles de la vie qui, souvent, nous protègent véritablement de l’effroi. Les commissaires Laura Delfino et Iris Amizlev ont admirablement préparé l’exposition, de façon totalement originale. Avec, notamment, une densité d’œuvres inhabituelle pour un musée. « C’est révolutionnaire, dit Iris Amizlev. On n’a jamais vu quelque chose comme ça. Et la façon dont Stanley a créé cette exposition, pour partager son pouvoir avec 27 artistes, c’est un geste communautaire, touchant et extraordinaire. »

  • La peinture Bwa Kayiman, de Clovis-Alexandre Desvarieux

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    La peinture Bwa Kayiman, de Clovis-Alexandre Desvarieux

  • Manditel/Nappe-tablier, 2008, Maria Ezcurra

    PHOTO FOURNIE PAR LE MBAM

    Manditel/Nappe-tablier, 2008, Maria Ezcurra

  • Looking forward, 2021, CODE BLANC : My-Van Dam, Stanley Février, Maryam Izadifard

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    Looking forward, 2021, CODE BLANC : My-Van Dam, Stanley Février, Maryam Izadifard

  • Entités. 715 000 000 001 —P, 2021-2022, Vanessa Suzanne

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    Entités. 715 000 000 001 —P, 2021-2022, Vanessa Suzanne

  • Jardin transplanté, 2019-2020, Anahita Norouzi

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    Jardin transplanté, 2019-2020, Anahita Norouzi

  • Mémoire de l’eau, 2020-2022, Maryam Izadifard

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    Mémoire de l’eau, 2020-2022, Maryam Izadifard

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Stanley Février se demande pourquoi cela a finalement pris tant d’années pour que les institutions d’arts visuels entrouvrent la porte aux artistes des couches minoritaires de la société, que ce soit les femmes, les personnes d’origine étrangère ou les autochtones. « J’espère qu’à partir de maintenant, on va être capable de mettre en place des structures de transformation réelle, dit-il. Pas de devoir mimer l’institution en la colonisant avec mon MAADI. La rencontre n’est pas d’accepter cette exposition. La rencontre, c’est le début d’un dialogue. Ce sont des engagements. On est à une étape et il faudra que les institutions aillent plus loin. »

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Trois œuvres de l’exposition : en haut à gauche, Les oubliés, de Jésús Castro Rosas ; en haut à droite, Baba et Annie, une peinture de Muriel Ahmarani Jaouich ; et devant, le berceau de Montserrat Duran Muntadas intitulé Pendant que tu dormais.

Stanley Février agira comme le boss du MAADI lors de performances-explications qui auront lieu en juin et en juillet, les vendredis et samedis, de 14 h à 17 h. Par ailleurs, le mercredi 15 juin, à 17 h 30, à l’auditorium Maxwell-Cumings du musée, il évoquera son parcours artistique lors d’une conférence en compagnie de la commissaire indépendante Filipa Esteves et d’Iris Amizlev. Par ailleurs, pour donner la chance d’une visite éclairante de cette exposition, le musée fournira des guides-ressources le jeudi et le dimanche, de 14 h à 16 h.

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