Seule galerie québécoise à exposer plusieurs de ses artistes à Venise, parallèlement à la 59e Biennale, Art Mûr y présente Terra Nova dans un grand local de l’île de Giudecca. Avec les œuvres de sept artistes dont c’est, pour plusieurs, le baptême du feu dans la cité des Doges, notamment Karine Giboulo et Eddy Firmin.

Art Mûr a déjà organisé une exposition parallèle à la Biennale, en 2015, avec notamment les œuvres de Guillaume Lachapelle, mais cette année, la galerie montréalaise est parvenue à louer un espace de près de 300 m⁠2 dans l’île de Giudecca, à deux pas des pavillons du Kirghizistan, du Guatemala et de la Géorgie.

« Ce n’est pas facile de trouver un lieu, dit Rhéal Lanthier, cofondateur d’Art Mûr. Ça prend des contacts. Mais on est très heureux de se trouver dans l’ancien pavillon de l’Estonie. On doit d’ailleurs remercier Pier Paolo Scelsi, le directeur du Giudecca Art District, et son équipe pour toute l’aide qu’ils nous ont offerte pour concrétiser ce projet. On a une superficie plus grande que certains pavillons nationaux ! »

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François St-Jacques et Rhéal Lanthier, fondateurs de la galerie Art Mûr, à Venise

L’espace permet à Art Mûr de présenter de grandes installations, comme Code Switching, de Nadia Myre, ou Rose, de Jannick Deslauriers. « C’est agréable d’avoir de l’espace pour montrer des œuvres qui ont plus de volume, dit Rhéal Lanthier. Quand tu viens à Venise, tu ne t’attends pas à voir des petits cadres. La pièce de Jannick va très bien dans l’espace. C’est une pièce intéressante, qui fait référence à une œuvre de Frida Kahlo qui, après avoir perdu son bébé, avait fait une peinture dans laquelle elle est à l’hôpital avec des tubes qui la connectent. À cause de la pandémie, du masque, Rose parle de notre condition humaine actuelle et à venir. »

  • Nadia Myre a présenté son installation Code Switching aux visiteurs, lors du vernissage de l’exposition Terra Nova.

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    Nadia Myre a présenté son installation Code Switching aux visiteurs, lors du vernissage de l’exposition Terra Nova.

  • Vue de l’exposition

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    Vue de l’exposition

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Terra Nova a ouvert le 22 avril et se terminera le 2 juillet. Trois artistes étaient au vernissage : Nadia Myre, Jessica Houston et Eddy Firmin, qui venait pour la première fois à la Biennale de Venise. « Il était sur un nuage », dit Rhéal Lanthier. « C’était une belle expérience, dit Eddy Firmin. Exposer en parallèle de la Biennale de Venise, avec son galeriste, est une occasion unique de montrer son travail sur une scène mondiale. »

Karine Giboulo en est, elle aussi, à sa première expérience à Venise. Elle expose son œuvre Kutupalong, qui faisait partie de l’expo Errance sans retour, sur le drame des Rohingya, présentée au Musée national des beaux-arts du Québec, en 2020. « Tout le mérite revient à François St-Jacques et Rhéal Lanthier d’avoir organisé cette exposition porteuse de sens avec des artistes dont j’admire le travail, dit-elle. C’est aussi l’occasion de faire connaître la réalité tragique du peuple rohingya, trop peu médiatisée. Kutupalong est le résultat d’échanges quotidiens par appel vidéo avec le réfugié et poète Kala Miya du camp de Kutupalong, au Bangladesh. Son poème Freedom accompagne l’installation. »

Les artistes sont heureux de pouvoir diffuser leur travail en Europe et de rencontrer des collectionneurs du monde entier. « La Biennale de Venise, c’est la plus vieille biennale d’art, dit Rhéal Lanthier. C’est le sommet ! Alors, pouvoir présenter plusieurs de nos artistes, c’est formidable. Les grosses galeries sont toutes à Venise. On rejoint là presque toute la planète. Des collectionneurs passent, mais aussi beaucoup de conservateurs, de commissaires. Cette année, le Musée des beaux-arts de l’Ontario y a présenté des conférences, notamment sur les artistes autochtones. Nadia Myre y a participé. »

Jessica Houston présente son corpus Letters to the Future, que nous avions vu (et beaucoup apprécié) lors de son lancement à la galerie Occurence, à Montréal, il y a un an. Art Mûr a aussi créé un espace pour projeter la vidéo de Robbie Cornelissen Terra Nova, qui donne son nom à l’expo d’Art Mûr. Une œuvre que la galerie avait montrée dans ses locaux de la rue Saint-Hubert, l’an dernier, lorsqu’elle a célébré son 25e anniversaire. La version présentée à Venise est différente, de plus grande ampleur, précise Rhéal Lanthier.

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Vue du site de projection de la vidéoTerra Nova, de l’artiste néerlandais Robbie Cornelissen

Art Mûr est fière de faire rayonner ses artistes à l’extérieur du pays et surtout à Venise, où l’impact est tellement plus important qu’ailleurs. Sa présence à la Biennale a coûté environ 80 000 $ à la galerie, soit 50 000 $ pour la location de l’espace et 30 000 $ pour le transport des sept caisses d’œuvres.

« Malheureusement, même si on pensait obtenir son appui, on n’a pas eu le soutien du Conseil des arts du Canada pour ce projet, dit Rhéal Lanthier. Et on est toujours en attente d’une réponse de la SODEC. Notre objectif à Venise est moins de vendre que de nous faire une renommée et d’obtenir une plus-value pour nos artistes. C’est un investissement à long terme. Pour construire leur carrière. Et quand on est sur place, on prend vraiment conscience de l’importance de l’évènement. »

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La galerie ad hoc d’Art Mûr à Venise, le jour de l’ouverture