La galerie Robertson Arès a offert au peintre et graveur François Vincent de présenter le fruit de son travail généré durant la pandémie. Cela donne Terre promise, un corpus éclatant de maîtrise et de profondeur.

Le chemin raffiné de François Vincent dans cet espace artistique délicat qu’il s’est construit depuis une trentaine d’années se poursuit. Au sortir de son exposition, nous nous disions, avec le collègue photographe, combien les œuvres de cet artiste remplissent les attentes de nos quêtes de beauté et d’apaisement. Elles reflètent l’état d’esprit et la résilience qui nous ont habités durant les pénibles confinements de la pandémie, une période qui aura été très féconde pour François Vincent.

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Près de la voie ferrée, 2020-2021, huile sur panneau, 24 x 33 po

Artiste dans la jeune soixantaine, il s’est fait plaisir pendant ces deux dernières années. Et son travail de précision nous fait une fois de plus prendre des vessies pour des lanternes, soit des peintures pour des sculptures ! Terre promise est fait d’assemblages de sphères colorées qui font penser aux billes de l’enfance, à des boutons de vêtements originaux ou à des poignées de porte d’Arlequin. Virtuose de l’illusion, François Vincent maîtrise si bien la matérialisation de l’immatériel (nuances, ombrages et touches de lumière) que, de loin, on pense avoir affaire à des objets de nacre, de bois ou de cuir et non à des cercles peints sur toile.

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Une des œuvres de François Vincent en forme de clin d’œil à la galerie Robertson Arès

L’artiste montréalais a une façon de peindre qui illustre sa fascination pour la troisième dimension. On est devant ses toiles et on a tendance à vouloir allonger le bras pour toucher ces pastilles multicolores et pénétrer en leur centre pour se perdre dans les paysages qu’elles introduisent avec des effets qui rappellent les mises au point d’un appareil photo. Des paysages souvenirs, parfois nostalgiques, qui ont fourni des titres aux œuvres : Le sable des montagnes rouges, Sentiers, La chaîne des Monts Silence, etc.

  • La chaîne des Monts Silence, 2021-2022, huile sur toile, 36 x 48 po

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    La chaîne des Monts Silence, 2021-2022, huile sur toile, 36 x 48 po

  • Mise au foyer, 2022, huile sur toile, 36 x 48 po

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    Mise au foyer, 2022, huile sur toile, 36 x 48 po

  • Le sable des montagnes rouges, 2021-2022, huile sur toile, 36 x 48 po. Avec une belle teinte turquoise et un fond ocré.

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    Le sable des montagnes rouges, 2021-2022, huile sur toile, 36 x 48 po. Avec une belle teinte turquoise et un fond ocré.

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Pour élaborer ses peintures étranges et symboliques, François Vincent commence, en bon dessinateur qu’il est, par peupler ses carnets d’une kyrielle de croquis en noir et blanc ou dans des teintes pastel. Des carnets qui sont, eux-mêmes, de petits bijoux d’art. Puis surgit l’idée, cette fois-ci, pour Terre promise, le temps, l’espace et le jeu.

En examinant ces petites sphères que l’on croit polies et qui se révèlent très mates, on trouve toute une narration. Une ligne d’horizon, un cube bleu, une géographie. Des références qui en font des objets porteurs de mémoire, de réflexions philosophiques. Comme si elles se transformaient en montres à gousset qui donneraient des heures précises du passé, révélant des moments marquants de l’existence.

En face de ces œuvres, en alternant la distance du coup d’œil, on a de la peine à saisir comment l’artiste parvient à rendre imperceptibles, de loin, ses coups de pinceau successifs. Et tangible ce double effet d’une vision 3D et d’une profondeur infinie. Avec un sens de la lumière inouï, issu, on s’en doute, de l’expérience du « savoir voir », cette base des arts visuels, qui s’apprend moins qu’elle ne s’acquiert. Grâce à un regard sensible, appliqué, minutieux qui accorde une grande richesse d’expressions.

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Le seul diptyque de l’exposition rappelle Premiers arrivants, l’immense toile de 15 panneaux de François Vincent, accrochée à l’entrée principale du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, en 2014.

S’ajoute la fascination chez François Vincent pour la polychromie. Son jeu de rendus de la peinture qui cherche l’accord harmonieux entre gouache, gesso et peinture à l’huile. Et son travail acharné des fonds de toile. Ce souci de la précision se conjugue quand même à une fantaisie bienvenue que l’on discerne quand l’on constate que les ombres varient d’un « objet » à l’autre, chacun étant baigné par son propre soleil. Et puis, chez cet artiste, il y a, à la base, le goût du travail monacal, contemplatif. Une sorte d’ascèse dynamique. Petits gestes et lenteur, dans le silence de son atelier de Villeray. Une approche tranquille à la Giorgio Morandi.

Voyez l’artiste travailler dans son atelier

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Vue de la salle d’exposition

L’exposition comprend trois estampes, des eaux-fortes et aquatintes que François Vincent a exposées l’an dernier à la galerie R3 de Trois-Rivières, dans le cadre de la 12Biennale internationale de l’estampe contemporaine. Et qui rappellent que le peintre est aussi un pionnier dans ce domaine et un fidèle de l’Atelier circulaire et du monde si précieux de la gravure québécoise.

Deux estampes de François Vincent
  • Plage, 2020, eau-forte et aquatinte, 7 x 9,5 po

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    Plage, 2020, eau-forte et aquatinte, 7 x 9,5 po

  • Pleine lune, 2020, eau-forte et aquatinte, 7 x 9,5 po

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    Pleine lune, 2020, eau-forte et aquatinte, 7 x 9,5 po

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La galerie Robertson Arès, spécialisée dans l’art contemporain avant-gardiste, a pris une gageure en invitant, avant la pandémie, François Vincent pour un solo en ses murs. Emily Robertson en avait envie depuis l’expo du peintre à la galerie Orange en 2009. « Je m’étais dit qu’un jour, on travaillerait ensemble », dit-elle.

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La galeriste Emily Robertson

Cette association a du sens. François Vincent est un hybride, à la fois classique et contemporain, qui génère des œuvres actuelles qui intriguent, allument, enrichissent l’esprit. La rencontre d’une galerie et d’un artiste est aussi essentielle que celle entre ses œuvres et les visiteurs. Elles ouvrent, toutes deux, des chemins nécessaires à cet art si salutaire quand il émane d’un terreau fertile et inspiré.

Jusqu’au 6 mai à la galerie du 1490, rue Sherbrooke Ouest, à Montréal.

Consultez le site de la galerie