L’Association des musées canadiens souhaite contribuer activement à la préservation du patrimoine de l’Ukraine et faire échec à la guerre que mène Vladimir Poutine dans ce pays.

C’est ce que déclare Massimo Bergamini, directeur général et PDG par intérim de l’Association des musées canadiens (AMC), dans une lettre ouverte publiée dans La Presse ce vendredi.

« La résistance courageuse du peuple ukrainien nous montre que la flamme de l’identité nationale brûle toujours vivement en lui. En tant que chefs de file du secteur culturel canadien, nous avons la responsabilité de protéger cette flamme, mais aussi de la faire briller dans notre pays et de donner l’exemple afin que d’autres fassent de même », écrit M. Bergamini dans sa lettre.

Joint par La Presse, celui-ci indique vouloir passer de la parole aux actes et aider ses homologues ukrainiens dans leur course pour préserver leur patrimoine mis à mal par les bombardements russes dans toutes les villes principales du pays.

« Une des choses que j’essaie de faire est de joindre des représentants du secteur muséal sur le terrain pour connaître leurs besoins », dit-il en entrevue téléphonique.

M. Bergamini souhaite également attirer l’attention du gouvernement canadien.

PHOTO JEAN-MARC CARISSE, FOURNIE PAR MASSIMO BERGAMINI

Le directeur général et PDG par intérim de l’Association des musées canadiens (AMC), Massimo Bergamini.

Nous voulons dire au fédéral que nous sommes prêts à être des partenaires dans leurs démarches humanitaires.

Massimo Bergamini, directeur général et PDG par intérim de l’Association des musées canadiens

Massimo Bergamini entend tenir une rencontre ce vendredi ou dans les jours à venir avec des représentants de musées, d’associations muséales, des propriétaires de galeries d’art et autres dirigeants du milieu pour établir un plan d’action et voir comment et avec quels moyens ils peuvent apporter leur aide sur le terrain. L’AMC compte près de 500 établissements membres et un réseau de 2700 partenaires partout au pays.

Dans sa lettre, M. Bergamini expose ses préoccupations face aux conditions dans lesquelles les acteurs du patrimoine ukrainien doivent agir pour protéger leurs biens. « Partout en Ukraine, le personnel et les bénévoles des musées s’efforcent de protéger les riches collections d’art historique, écrit-il. Cependant, la ruée pour sauvegarder les livres, les peintures et d’autres artefacts a laissé peu de temps pour penser à l’utilisation de matériaux d’emballage spécialisés, ou encore à l’entreposage à température et humidité contrôlées. »

Effacer la mémoire collective de l’Ukraine

Par ailleurs, le directeur de l’AMC s’en prend vertement à Vladimir Poutine, qui, dit-il, a décidé de mettre l’Ukraine « à feu et à sang » et d’effacer sa mémoire collective.

« En plus de viser les hôpitaux, les écoles, les abris et les bâtiments résidentiels, les forces russes lancent à présent leurs missiles de façon délibérée sur les musées, les sites historiques et autres maisons de la culture de l’Ukraine », argue-t-il.

Or, le patrimoine est la mémoire des pays, rappelle-t-il. « Les musées, les galeries d’art, les bibliothèques et les archives sont les dépositaires et les gardiens des histoires d’un peuple. Ils nous permettent de nous rappeler qui nous sommes et d’où nous venons. Pour détruire une nation, les conquérants cherchent toujours à éliminer sa mémoire collective et les artefacts qui la soutiennent – et c’est exactement ce que Poutine essaie de faire. »

La démarche de M. Bergamini s’inscrit dans un mouvement international. Ainsi, après le déclenchement de l’invasion, le Conseil international des musées (ICOM) condamnait celle-ci et appelait toutes les parties impliquées à « respecter les conventions internationales pour la protection du patrimoine et des musées en période de conflit ».

L’Association of Art Museum Directors (AAMD), organisme regroupant des membres canadiens, américains et mexicains, est allée dans le même sens dans un communiqué daté du 3 mars. « L’Ukraine a un riche héritage culturel, argue-t-on. Ses musées contiennent des objets datant de l’Antiquité, des périodes byzantines et médiévales et du XVIIe siècle à aujourd’hui. Ses collections incluent des œuvres d’art ukrainiennes, d’art populaire, ethnographique et des icônes religieuses d’une grande rareté. »

L’UNESCO a aussi joint sa voix à ces appels.

Depuis le début du conflit, des musées et établissements culturels, dont certains sont devenus des refuges pour les civils, ont été frappés par des bombes. Dans les villes, de nombreuses œuvres d’art (sculptures, fontaines, statues, etc.) ont été protégées avec des sacs de sable dans l’espoir de les préserver.

Le Canada donne 4,8 millions pour le patrimoine

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé jeudi la remise d’une contribution de 4,8 millions de dollars destinée à protéger les sites culturels et patrimoniaux de l’Ukraine. Il a fait cette annonce à Bruxelles au terme d’une visite où il a participé au sommet de l’OTAN, à une réunion du G7 et à différentes rencontres bilatérales. Les fonds ont été réunis par Patrimoine canadien et Parcs Canada, ainsi que par le Conseil des arts du Canada, qui est responsable de la Commission canadienne pour l’UNESCO. Ils seront d’ailleurs remis au Fonds d’urgence pour le patrimoine de l’UNESCO, qui en fera la gestion. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février, les administrateurs et les employés de musées, de sites patrimoniaux, de bibliothèques et d’institutions culturelles de toutes sortes sont engagés dans une course pour protéger, inventorier et cacher les trésors patrimoniaux du pays.

André Duchesne, La Presse