Les évènements organisés par des centres d’art pour se financer sont généralement des expositions qui consistent à accrocher des œuvres au mur. C’est tout. Clark, depuis trois ans, organise un concept de Maison modèle qui permet à un artiste d’organiser in situ un déploiement d’œuvres à vendre en se servant des lieux comme cadre d’un aménagement intérieur.
La quatrième Maison modèle du Centre Clark s’intitule Mixtape pour espaces communs. Bon, peut-être que compilation aurait pu remplacer mixtape, mais on comprend que le titre englobe le processus qui a conduit Nicolas Grenier à créer sa Maison modèle : un agrégat d’œuvres et une création faite en équipe. Avec cette gang de Clark qui suscite toujours autant l’admiration. Et la volonté de l’artiste d’opter pour le thème de la cohabitation.
« Je me souvenais de ce que Dominique Pétrin avait fait pour la Maison modèle, alors la barre était haute, dit Nicolas Grenier. Comme j’avais des expos et plein de projets, je ne me voyais pas entreprendre ça seul, mais Alexandra [Briand-Soucy, coordonnatrice au développement à Clark] a été assez convaincante en me disant que c’était un projet collectif. En plus, j’adore le Centre Clark depuis longtemps. Sa programmation est excellente et il mérite d’être soutenu. »
Le thème de cohabitation est parti d’une maison multigénérationnelle, ce qui a conduit Nicolas Grenier et ses assistants de Clark à choisir des artistes d’âges variés, de démarches et d’origines différentes, notamment des membres du Centre. Cela donne une expo avec des créateurs réputés comme Pierre Ayot, Massimo Guerrera, Marion Wagschal, Skawennati, Karen Tam ou encore Caroline Monnet. Et d’autres que l’on découvre avec plaisir.
L’intégration, c’est de mettre des œuvres ensemble sans écraser le contenu et la complexité de chacun.
Nicolas Grenier
Sa Maison modèle IV est ainsi devenue une conversation entre artistes dans un environnement tout blanc dans lequel il a créé des pièces, une baie vitrée de style montréalais et même une terrasse ! Avec toute une série d’objets et de meubles. Et des espaces qui cohabitent. Le salon avec la cuisine, la salle de bains dans l’aire la plus passante et une salle à manger dans le coin le plus petit de la maison !
Dans la chambre, le lit posé sur le sol, près d’un dessin de Massimo Guerrera, évoque la personnalité de l’artiste qu’on est content de retrouver à travers ses créations à l’encre, gesso, acrylique et crayon. Et placer Guerrera à côté d’une œuvre du regretté Mathieu Lefèvre génère une proximité Montréal-Brooklyn qui rappelle la série d’évènements que Clark avait lancée il y a dix ans en impliquant les deux métropoles.
Une œuvre de Pierre Ayot près d’un contenant de produits recyclés. Une femme autochtone fière, de Skawennati, près d’un buste de Jules César qui baisse les yeux. Une peinture sur tissu de Raúl Aguilar Canela près d’une étude d’Hédy Gobaa. Et une œuvre fascinante d’Erzulie qui reprend un extrait sonore d’un média haïtien sur la dénonciation des criminels évadés de prison à la suite du tremblement de terre de 2010. L’expo-bénéfice offre une variété de styles tout en étant une expo dans une expo.
« C’est rare, en ce moment, surtout en temps de pandémie, de pouvoir monter ce genre de projet collectif, dit Nicolas Grenier. Ça fait vraiment du bien. » Oh que c’est vrai ! Et cette cohabitation devrait être possible partout.