L’atelier
En entrant dans l’atelier, on aperçoit, contre un mur, Seuil, réalisée avec une porte d’un vieux wagon du métro montréalais associée à un système électronique. Michel de Broin l’a programmée pour qu’elle s’ouvre à la même heure que lorsqu’elle fonctionnait. Devant l’œuvre, on a constaté que « le métro » était sur la ligne verte, entre LaSalle et Charlevoix ! Une présence fantomatique qui anime cet atelier où l’on trouve une multitude d’œuvres, de maquettes, de photographies et de plans de projets.
En visitant le lieu aménagé sur trois étages, on a eu l’impression que Michel de Broin avait atteint une nouvelle dimension, toujours architecturale et harmonieuse mais moins technologique. « Les œuvres techniques sont comme des bébés, c’est fragile et il faut toujours s’en occuper ! », dit-il.
Grosse année 2021
L’année 2021 aura été intense pour Michel de Broin. D’abord, il est devenu papa d’une petite fille. Ça change une vie ! Et puis la pandémie lui a donné du temps pour créer. L’été dernier, il a fait installer une sculpture flottante, Treasure, dans le Silbersee, un lac en Allemagne. Une commande obtenue grâce à sa renommée et aux contacts noués en Europe quand il a habité à Paris, puis à Berlin entre 2005 et 2011.
Ne pouvant se rendre en Allemagne, il avait demandé qu’on lui envoie un échantillon de sable du lac. « J’ai traduit la géométrie d’un grain de sable en un solide composé de plans miroirs assemblés pour former un monolithe et conçu pour flotter comme un glaçon », dit l’artiste de 51 ans. L’œuvre traite de la relation entre la nouvelle utilisation récréative du site et l’ancienne, l’exploitation d’une carrière de sable.
La Biennale d’art numérique de Montréal lui a aussi donné l’occasion, en 2021, de montrer, pour la première fois dans la métropole, sa chaîne de montage qui crée des châteaux de sable. Son œuvre la plus complexe, le sable étant difficile à dompter. « Une œuvre sophistiquée pour réaliser des châteaux de sable que des enfants feraient beaucoup mieux ! », s’amuse Michel de Broin.
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La diminution des expos en 2020-2021 a amené Michel de Broin à se concentrer sur l’art public. Une activité qui lui a souvent permis de briller avec des œuvres phares comme Dendrites, à l’entrée de Montréal. Même si les concours sont complexes et frustrants quand on perd, il y trouve du plaisir. « Pour que ça marche, il faut désirer le site, le contexte et l’architecture, donc être sélectif dans les projets », dit-il.
L’an dernier, il a planté ses Sporophores dans le parc Pierre-Dansereau d’Outremont. Treize grandes sculptures en bronze, en continuité avec ses œuvres exposées chez Division en 2018. Elles semblent émerger d’un mycélium souterrain, tels des champignons, avec des formes évoquant la tendresse humaine avec un côté technique. Une de ses œuvres préférées.
« J’ai essayé de faire quelque chose que je trouvais beau, comme des tuyaux qui seraient amoureux, mais c’est subjectif, dit-il. Elles ont aussi un caractère monstrueux. Récemment, j’étais dans le parc. Une grand-mère était avec un enfant de 12 ans. Elle lui disait qu’elle ne comprenait pas c’était quoi, ces “choses”-là ! Le petit garçon lui a répondu qu’il les adorait ! »
Fin décembre, il a installé Bestiaire à Bromont. Un bronze perché sur un rocher et qui réunit des membres de cerfs et de chevaux, « pour former un nœud à la croisée des chemins » et évoquer la résistance des animaux. En 2021, il a aussi créé une œuvre suspendue pour la nouvelle entrée du collège Gérald-Godin, à Montréal. Une sorte de salle de classe faite de 60 chaises qui fait penser à une cellule ou à un ensemble solidaire. « Comme une salle de classe utopique, sans hiérarchie, un assemblage dynamique de toutes les composantes de la classe, et qui protège », dit-il.
Projets à l’étranger
Michel de Broin planche actuellement sur deux commandes de l’étranger. Pour la Corée du Sud, où il a déjà une œuvre d’art public, il prépare Stellation, une sculpture inspirée de Majestic, située dans les jardins du Musée des beaux-arts du Canada. Il s’agira d’une structure d’acier faite de grands lampadaires classiques. Elle sera installée près de six immeubles du Gocheok IPARK, à Séoul.
Enfin, il va insérer deux œuvres sur la place créée lors du réaménagement des entrepôts victoriens de Coal Drops Yard, près de la gare King’s Cross, à Londres. Le commissaire qui l’a invité avait bien aimé Dendrites. L’artiste en est au stade du concept et des propositions. « C’est très excitant, car ce quartier commercial, avec de la mode et du design, est vraiment très chouette », dit-il.
Michel de Broin « continue son chemin dans le brouillard », lui qui a toujours su puiser dans ce qui lui venait à l’esprit. L’art public a un peu pris le dessus sur sa production pour les galeries ces derniers temps. « Mais c’est tellement intéressant de faire de beaux projets dans l’espace public, dit-il. C’est un beau privilège plutôt que de créer une œuvre qui s’en va dans une collection privée. »
« Je n’ai pas de programme établi d’avance, ajoute-t-il, mais quand un projet apparaît, il me porte et je rencontre alors un paquet de défis. Leur résolution m’active. Quand tout va trop bien, je suis super anxieux. Je suis à mon meilleur quand ça va mal et qu’il faut résoudre des problèmes. Mais là, j’ai hâte à la fin de la pandémie pour avoir des assistants dans l’atelier… Ça aide ! »