L’espace New City Gas développe son offre en accueillant en première canadienne l’exposition Formes intangibles, de l’artiste japonais Shohei Fujimoto. Il s’agit d’une expérience immersive présentée par Produkt et Artechouse composée d’un mélange d’œuvres numériques et d’époustouflants ballets de lasers qui donnent corps et insufflent de la vie à la lumière et à la technologie.

L’effet est saisissant : au cœur de l’édifice autrefois utilisé pour transformer le charbon en source d’énergie pour l’éclairage, 660 faisceaux lasers rouges interprètent une élégante chorégraphie. Les rayons partent du sol et s’élèvent jusqu’à la voûte industrielle sur lesquelles ils dessinent des points lumineux mouvants, presque émouvants.

L’imposante installation, déjà présentée à New York en 2020 et repensée pour habiter l’édifice de New City Gas, est l’attraction majeure et l’œuvre qui donne son nom à l’exposition Formes intangibles, présentée jusqu’au 10 avril. Les sept œuvres d’art qui la composent cherchent à évoquer le vivant — tant les liens entre les gens que la nature ou même la matière qui nous compose — à travers une exploration visuelle basée sur les mathématiques, les formes géométriques et, bien entendu, la lumière.

Fujimoto, formé en sciences, en mathématiques et en art, invite les spectateurs de ses œuvres à « explorer l’essence de l’existence, le comportement des organismes vivants et les phénomènes qui entourent la vie ». Sa réflexion philosophique trouve son incarnation dans des œuvres abstraites, chacune dotée de son environnement sonore propre.

PHOTO DUO-TANG STUDIOS, FOURNIE PAR NEW CITY GAS

Image tirée de Density Compression, œuvre numérique de Shohei Fujimoto

Cinq d’entre elles sont des projections de moyenne dimension déployées autour des installations principales. Deux sont basées sur des formules mathématiques qui prennent corps sous nos yeux sous la forme d’images mouvantes, souvent sphériques. Density Compression, par exemple, s’ouvre sur celle d’un cercle en expansion, comme notre univers, et plonge dedans jusqu’à évoquer l’infiniment petit, creuset de la vie.

Une autre série de trois œuvres mise quant à elle sur un faisceau lumineux blanc, détourné, déformé ou trafiqué, souvent par des jeux de miroirs en mouvement, évoquant la relation entre le passé et le futur (le chaînon manquant étant le présent) dans le cas de Power Of One #Surface, le vide (Power Of One #Empty) ou peut-être le fil du temps (Power Of One #Extrude). Intangible #Umbra, une installation de lasers rouges de moyenne envergure, donne littéralement de la densité à la lumière en synchronisant la danse des faisceaux lumineux à leur « ombre » numérique projetée sur un écran géant.

La beauté étrange des images

Il n’y a rien de vraiment interactif dans Formes intangibles, même si le visiteur peut, s’il le désire, intervenir en passant ses mains parmi les jets de lasers rouges et en observer les transformations qu’il provoque tout là-haut au plafond. L’exposition nous enveloppe, toutefois, tant sur le plan auditif (bruissements, pulsations, textures) que sur le plan visuel, bien évidemment. Sans nécessairement comprendre la démarche de l’artiste, on se laisse happer par la beauté parfois étrange des images qu’il crée et dans laquelle on peut projeter nos propres visions ou questions, qui renvoient aux liens entre les gens comme à la matière qui nous constitue.

L’œuvre maîtresse en vient ainsi à évoquer tant une forêt d’arbres qui se balancent que ces réseaux de neurones ou de terminaisons nerveuses qui nous font vivre et ressentir le monde qui nous entoure. L’un des segments de cette impressionnante et emballante chorégraphie de lasers renvoie même, si on le veut, au flux sanguin propulsé par les valves et muscles de notre cœur.

Jusqu’au 10 avril, à New City Gas