Depuis l’été 2013, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) déploie une installation artistique sur l’avenue du Musée, qui devient piétonne. Cette année, La Dérive y coule. Il s’agit d’une peinture qui illustre des fragments de glaciers coulant vers le centre-ville de Montréal.

« Je vois cette installation comme un hommage très poétique aux glaciers menacés par le réchauffement climatique », explique Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du MBAM. Pensée et créée par le Collectif Incognito, cette installation fait allusion à la fonte rapide des glaciers qui précarise espèces et populations du Grand Nord.

La Dérive est à la fois le titre d’un poème de Joséphine Bacon, spécifiquement rédigé pour cette installation, et une toile de 50 mètres de long. La fresque bleu et blanc, située en plein cœur de Montréal, représente un cours d’eau couronné de fragments de glace, détachés de la banquise et ornés des vers du poème.

  • Un vers en innu du poème La Dérive inscrit sur l’installation.

    PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

    Un vers en innu du poème La Dérive inscrit sur l’installation.

  • « Moi, je fais de la mise en scène au théâtre, je dirige des émissions de télévision, mais diriger une rue, je n’avais jamais fait ça », dit en rigolant André Robitaille en parlant de la création de La Dérive.

    PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

    « Moi, je fais de la mise en scène au théâtre, je dirige des émissions de télévision, mais diriger une rue, je n’avais jamais fait ça », dit en rigolant André Robitaille en parlant de la création de La Dérive.

  • Sur la surface de ces quatre blocs de ciment se trouve un code QR pour accéder à la bande sonore du poème.

    PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

    Sur la surface de ces quatre blocs de ciment se trouve un code QR pour accéder à la bande sonore du poème.

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Le comédien et animateur André Robitaille, qui a dirigé le projet en tant que directeur artistique du Collectif Incognito, explique que la collaboration avec Joséphine Bacon est née d’un désir d’amener un « changement social, ou d’au moins influencer une réflexion », dit-il.

Expérience immersive

Assis sur l’une des quatre banquises de ciment, les passants peuvent scanner un code QR avec leur appareil mobile et se prêter à l’expérience immersive. Une bande sonore d’un peu moins de cinq minutes accompagne le visuel de la fonte des glaces. Le poème La Dérive est récité en innu par Joséphine Bacon, traduit en français par André Robitaille et en anglais par Laurence Lebœuf.

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« On a essayé de faire une mise en scène. On a placé Joséphine derrière la nuque qui te parle à l’oreille, et en anglais et en français, ça tourne, comme un vent qui tourne autour et une banquise solide qui est derrière toi », affirme M. Robitaille.

La conservatrice en chef souligne que c’est la première fois que le MBAM intègre un aspect audio à son installation extérieure. Même si les installations précédentes peuvent également être qualifiées d’immersives, puisque les visiteurs pouvaient toucher aux œuvres, celle-ci offre une dimension auditive en plus. « Avec ce que tu mets dans tes oreilles, ça devient en trois dimensions, constate M. Robitaille. C’est de l’asphalte et des blocs de ciment, mais l’art prend tout son sens avec le son aussi. »

Selon Mme Desmarais, l’objectif de l’installation est de lancer un dialogue à propos des impacts qu’a l’être humain sur son environnement. « J’ai eu des frissons », dit Mme Desmarais en rappelant sa première expérience de l’installation immersive. « D’avoir un moment de réflexion, dans le calme, en écoutant de la poésie au centre-ville, on est complètement transporté de notre réalité. Je me suis retrouvée très émue par les mots de Joséphine, par ses larmes chaudes et la majesté des glaciers », récite-t-elle.

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Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du musée, et André Robitaille, directeur artistique du Collectif Incognito, ont collaboré avec la poétesse Joséphine Bacon pour la réalisation de cette œuvre.

Pour André Robitaille, « c’est la banquise qu’on a ramenée ici, pour nous ramener à l’ordre ». Décrivant son parcours créatif avec la poétesse, il raconte comment les peuples des Premières Nations résidant dans le Grand Nord « perdent leurs traces » en raison de la fonte des glaces. « C’est la dérive dans tous les sens du mot, dit-il. Il faut se laisser dériver là-dedans, mais il y a un danger et il faut dire que ça dérive. »

« Ça fait partie du musée »

Présentée jusqu’en octobre, l’installation s’inscrit dans une série d’expositions qui illustrent la relation des peuples entre eux et avec l’environnement. La Dérive fait écho à deux expositions à l’intérieur du musée, soit Écologies : ode à notre planète et Riopelle : à la rencontre des territoires nordiques et des cultures autochtones.

André Robitaille a confié à La Presse avoir eu l’idée de l’installation La Dérive en sortant de l’exposition Riopelle avec sa famille. « C’était évident pour moi qu’il devait y avoir un certain prolongement avec la visite à l’intérieur, ça fait partie du musée », dit-il.

Même si l’art laisse place à l’interprétation, pour l’animateur, cette œuvre représente les glaciers ramenés à la terre, en faisant allusion à la connexion qu’ont les peuples autochtones avec l’environnement. « Un jour, j’aimerais amener de vrais blocs de glace pour que ça soit éphémère et qu’ils fondent pendant tout l’été, visualise-t-il. C’est le Grand Nord en plein centre-ville de Montréal. »

Consultez le site du Musée des beaux-arts de Montréal