(Paris) À la tête de deux temples de l’art en l’espace de quatre ans : future présidente-directrice du Louvre, Laurence des Cars dirige le musée d’Orsay à Paris, où elle a développé une programmation innovante et ouverte aux jeunes générations.

Elle sera au 1er septembre la première femme à accéder à la tête du plus grand musée du monde.

Fille du journaliste et écrivain Jean des Cars, petite-fille du romancier Guy des Cars, cette spécialiste de l’art du XIXe et du début du XXe siècle se veut une présidente de son temps, se mobilisant pour un accès plus large des enfants au musée, pour les restitutions d’œuvres spoliées par les nazis ou encore pour des expositions en lien avec des débats d’actualité.

Cette femme brune de 54 ans, au tempérament décidé, a fait briller depuis quatre ans le musée de l’art moderne et impressionniste grâce à une très intéressante et audacieuse programmation.

Elle a été notamment derrière l’expo-évènement « Le modèle noir » en 2019 : « c’était un sujet sensible pour lequel j’avais convoqué les meilleurs historiens. Quand je l’avais annoncée, j’avais senti de la peur autour de la table. En fin de compte, pas un gramme de polémique », a-t-elle raconté à l’AFP dans un entretien en avril.

Son objectif : faire bouger les lignes grâce à l’art : avant l’exposition, se rappelle-t-elle, « quand un visiteur se trouvait au musée devant l’Olympia d’Edouard Manet, il regardait Victorine (la maîtresse blanche allongée) qui le défiait, mais jamais Laure (la servante noire) ! Le pari a été gagné si l’expo lui a fait voir le tableau autrement ».

À l’Élysée, le choix s’est porté sur cette femme énergique qui a démontré sa capacité à « relever les défis sociétaux » sur les enjeux sensibles : place des femmes, restitutions, provenance des œuvres.  

« Laurence des Cars a une approche juste sur ces questions » et « a su procéder avec apaisement, rigueur » pour le « Modèle noir ». « Des sujets qu’il vaut mieux traiter plutôt que de laisser des radicalités s’en emparer en dehors des musées », ajoute-t-on à l’Élysée.

Après des études d’histoire de l’art à Paris IV-Sorbonne et à l’École du Louvre, elle intègre l’École nationale du patrimoine et prend son premier poste de conservateur au musée d’Orsay en 1994, où elle demeure jusqu’en 2007.

Elle est nommée directrice scientifique de l’agence France-Muséums en juillet 2007, opérateur français chargé du développement du Louvre Abu Dhabi.  

« Regarder l’Histoire en face » 

Sa spécialité – l’histoire de l’art moderne – se trouve pleinement valorisée en 2014 comme directrice du musée de l’Orangerie, puis en 2017 comme présidente de l’Établissement public du Musée d’Orsay et de l’Orangerie.

Sous son mandat, le nombre de visiteurs d’Orsay n’a cessé de croître : jusqu’à 3 700 000 visiteurs en 2019.

La présidente s’est lancée dans « Orsay grand ouvert », projet qui va élargir le musée.

Objectif : plus d’espaces d’expositions, un centre éducatif de 650 m2 et un centre de recherches ouvert à l’international qui sera inauguré en 2024, une dimension chère à l’historienne. Elle pratique aussi de nombreux prêts en région.  

Mme des Cars a annoncé mercredi sur France Inter vouloir faire du Louvre « une chambre d’écho de la société ».  

« Dans un monde qui peut chahuter, rejeter le musée », s’adresser aux « visiteurs de tous les âges et de toutes les origines socioculturelles » est essentiel, avait-elle déclaré à l’AFP. Elle prône une « polyphonie » au musée où différents arts du spectacle sont invités à s’exprimer, comme elle l’a fait largement au Musée d’Orsay.

Elle est aussi très mobilisée sur la question des restitutions : sous son impulsion, le ministère de la Culture lance la procédure de restitution du tableau de Gustav Klimt, « Rosiers sous les arbres », conservé au musée d’Orsay, aux ayants droit de Nora Stiasny qui en a été spoliée à Vienne en août 1938 par les nazis.

« Un grand musée se doit de regarder en face l’Histoire, y compris en se retournant sur l’histoire même de nos institutions », avait-elle commenté à l’AFP.