C’est samedi qu’ouvrira dans Rosemont le centre d’art daphne, premier centre autogéré d’artistes contemporains autochtones créé au Québec. Avec, en exposition inaugurale, les œuvres de l’artiste wendat Teharihulen Michel Savard, présentées jusqu’au 26 juin.

L’artiste visuelle d’ascendances anglaise et mohawk Hannah Claus rêvait depuis longtemps d’un premier centre d’artistes autochtones à Montréal. Elle en a parlé à ses amies Skawennati et Nadia Myre. Cette dernière en a parlé à Caroline Monnet. « On a enregistré le nom en 2019… et voilà ! » dit Hannah Claus, en rencontrant La Presse dans ce nouveau lieu d’exposition.

Créé ainsi par deux artistes mohawks et deux artistes anishinaabe, le centre d’art a adopté le nom de Daphne Odjig (1919-2016). L’artiste ontarienne d’origine anglaise, oddawa et pottawatami était membre du Groupe des Sept, collectif d’artistes autochtones fondé en 1973 à Winnipeg dont faisaient partie Alex Janvier et Norval Morrisseau.

La direction de daphne a été confiée à Lori Beavis, historienne de l’art et commissaire indépendante anishinaabe. Elle a programmé, avec les fondatrices, quatre solos pour 2021, à commencer par celui de Teharihulen Michel Savard, artiste huron-wendat de la communauté de Wendake, près de Québec.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La commissaire et artiste mohawk Hannah Claus, cofondatrice du centre d’art daphne, avec la directrice du centre, Lori Beavis

« Teharihulen est un artiste contemporain très engagé dans sa communauté, qui n’a pas eu encore la reconnaissance qu’il mérite, dit Hannah Claus. Musicien, il fait aussi des performances. »

Teharihulen expose depuis 20 ans. Il s’agit de son premier solo.

J’avais déjà présenté une œuvre lors d’une exposition collective au musée McCord. Mais là, un solo, en ouverture du centre daphne, je suis fier et me considère comme très choyé, car le centre aurait pu choisir bien d’autres artistes !

Teharihulen Michel Savard

L’expo, dont Hannah Claus est la commissaire, s’intitule Parure. Les œuvres sont des bijoux, une coiffe cérémonielle et deux techniques mixtes. Les bijoux (des boucles d’oreilles et des colliers) sont principalement en argent avec l’ajout de composants électroniques.

  • Boucles d’oreilles, argent, 2020, Teharuhulen Michel Savard

    PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE DAPHNE

    Boucles d’oreilles, argent, 2020, Teharuhulen Michel Savard

  • Boucles d’oreilles, argent et composants électroniques, 2021, Teharihulen Michel Savard

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Boucles d’oreilles, argent et composants électroniques, 2021, Teharihulen Michel Savard

  • Boucles d’oreilles, composants électroniques, argent, piquants de porc-épic, 2021, Teharuhulen Michel Savard

    PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE DAPHNE

    Boucles d’oreilles, composants électroniques, argent, piquants de porc-épic, 2021, Teharuhulen Michel Savard

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Formé en bijouterie à Sainte-Foy, Teharihulen crée de l’« orfèvrerie de traite ». « Ce sont les bijoux traditionnels que les autochtones portaient lors d’échanges commerciaux et diplomatiques, dit-il. J’ai inséré des composants, car les parures de traite étaient un moyen de communication alors j’ai voulu ajouter des éléments de communication actuels. »

Teharihulen est le seul artiste de Wendake à faire de tels bijoux qui évoquent une mixité entre tradition et modernité.

J’ai toujours été intéressé par ces objets de parure. J’ai commencé à en faire il y a 20 ans et des gens de ma communauté ont alors commencé à m’en acheter. Je suis devenu le bijoutier attitré de la communauté !

Teharihulen Michel Savard

L’artiste espère qu’il suscitera une relève, sinon cette tradition pourrait disparaître. Ses bijoux ont des formes inspirées de motifs de broderie et de perlage traditionnels. La coiffe, avec son bandeau en argent et ses plumes d’oiseaux, est un régalia, porté lors de cérémonies.

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La coiffe créée par Teharihulen Michel Savard

« À l’intérieur, il y a un autre bandeau en écorce de bouleau qu’on ne voit pas, mais c’est un matériau noble », dit l’artiste, qui compose ses œuvres avec des éléments signifiants, qui proviennent parfois d’échanges lors de rencontres avec des artistes d’autres communautés.

Une des techniques mixtes exposées comprend une photographie du peintre Zachary Vincent (1815-1886), qui portait le même nom wendat dont Michel Savard a hérité il y a 30 ans, soit Teharihulen. Michel Savard est le premier Wendat à porter ce nom depuis le décès du portraitiste. « Il était très connu et était ami avec le peintre Antoine Plamondon », dit l’artiste qui a fait cette œuvre pour rendre hommage à Zachary Vincent.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Zachary Vincent portait le même nom, Teharihulen, que Michel Savard.

Teharihulen redonne vie, en quelque sorte, à son ancêtre. « Je me dois, en portant le même nom, d’être à la hauteur de qui il a été. Je dois honorer son nom sinon plus personne ne voudra s’appeler Teharihulen. »

L’artiste de 56 ans n’est pas encore représenté par un galeriste. Ce n’est pas une priorité pour lui. Il veut conserver sa liberté. « Je suis un peu bohème, je ne veux pas entrer dans un carcan de vente », dit-il.

Il faut dire qu’il est très actif. Il donne des cours, participe à des projets communautaires et culturels à Wendake et veut être libre d’aller à son camp pour chasser, pêcher et cueillir.

Le vernissage de l’expo se déroule samedi, de 14 h à 16 h. Teharihulen y fera une performance à l’intérieur du 5842, rue Saint-Hubert, tandis que les amateurs resteront dehors, en raison des mesures sanitaires. Le centre d’art se trouve à deux portes de la galerie Art mûr qui organise, chaque année, la Biennale d’art contemporain autochtone.

Infos : 514-557-4274 ou à daphne.artcentre@gmail.com