La muséologue et gestionnaire Anne Eschapasse a failli devenir le bras droit de Nathalie Bondil au Musée des beaux-arts de Montréal en juillet 2020. Elle deviendra, lundi, directrice générale adjointe du Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), aux côtés de John Zeppetelli, a appris La Presse. Pour écrire, avec lui, un nouveau chapitre du MAC.

Au MAC, Anne Eschapasse remplace Yves Théoret, devenu le directeur général adjoint du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). « Retrouver Montréal, une ville à laquelle je suis très attachée, après Ottawa, ça va être un bain d’urbanisme et de vitalité ! », dit-elle, enthousiasmée à l’idée de rejoindre le MAC alors que ce musée amorcera, l’été prochain, la première étape de sa métamorphose architecturale.

« Et, bien sûr, je suis contente de trouver au MAC un tel projet d’envergure, structurant sur les plans de la Place des Arts, de la métropole, du Québec et même du Canada. »

Choisie à la suite d’un appel de candidatures ouvert au début de l’année, Mme Eschapasse a beaucoup d’ambition pour le MAC.

Avec la Place des Arts, on a l’occasion de créer une vitrine de la créativité québécoise extrêmement importante, d’en faire une destination touristique, un partenaire de production avec les artistes, une plateforme d’échanges, de réflexions et de discussions.

Anne Eschapasse, directrice générale adjointe du MAC

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Ouverture de l’exposition Leonard Cohen au Musée d’art contemporain de Montréal, le 8 novembre 2017

Anne Eschapasse veut être une véritable « partenaire intellectuelle de gestion et d’opérations » auprès de John Zeppetelli pour donner au musée un nouvel élan. Elle sait que le MAC a déjà bien des atouts. Elle cite par exemple le rayonnement international de l’exposition sur Leonard Cohen, qu’elle a vue à New York. « Les gens étaient en pleurs, dit-elle. C’est le genre d’exposition qui fait que le MAC est le premier musée d’art contemporain en importance au Canada. »

Rien ne destinait Anne Eschapasse à travailler dans des musées. Née à Paris d’une mère canadienne et d’un père français, elle a vécu à Londres. Après avoir étudié en droit privé, avec une spécialisation en propriété intellectuelle et artistique, elle est allée travailler à New York, où elle a senti, en visitant les musées, que sa vocation s’y trouvait. Elle s’est alors inscrite à la New York University et a obtenu un diplôme d’enseignement supérieur en muséologie. Après un stage au Smithsonian de Washington, elle a fait une maîtrise en histoire des arts décoratifs au Bard Graduate Center de New York, puis a travaillé chez Christie’s pendant trois ans, en faisant de l’expertise d’objets d’art européens. « Un terrain d’apprentissage phénoménal », dit-elle.

De retour en France, elle est entrée, en 2003, au Musée du Luxembourg en tant que directrice des relations internationales et des productions d’expositions. Elle y a créé des partenariats avec des musées du monde entier. « La dernière exposition que j’ai faite était Tiffany, avec le Musée des beaux-arts de Montréal, dit-elle. C’est ainsi que j’ai rencontré Nathalie Bondil alors que le MBAM travaillait sur le projet du pavillon Claire et Marc Bourgie. » Elle a rejoint le MBAM en 2009 comme adjointe de Mme Bondil. « Un travail formidable », dit-elle.

Une fois le pavillon Bourgie inauguré, elle est partie en 2011 au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) pour se joindre aux équipes qui travaillaient sur le projet de pavillon Pierre-Lassonde, en tant que directrice des expositions et des publications.

Ç’a été des années exigeantes, mais extraordinaires. Le pavillon Lassonde a transformé autant l’institution que la ville de Québec.

Anne Eschapasse, directrice générale adjointe du MAC

PHOTO FRANCESCO BARASCIUTTI, FOURNIE PAR GEOFFREY FARMER

Vue de l’installation Une issue à travers ce miroir, de l’artiste canadien Geoffrey Farmer, au pavillon du Canada lors de la 57e Biennale de Venise, en 2017

En 2015, Anne Eschapasse est embauchée au Musée des beaux-arts du Canada comme directrice générale adjointe, responsable des expositions, de la gestion de la collection, du rayonnement du musée, du prix Sobey et des expositions au pavillon du Canada à Venise. « Une mission à laquelle il était difficile de résister », dit-elle en riant.

Anne Eschapasse ne se contentera pas de gérer les affaires courantes du MAC. Elle est par exemple passionnée par les neurosciences, notamment les relations entre l’art et le cerveau. « “Comment apprend-on” est une question qui m’intéresse beaucoup, dit-elle. Les musées ont un rôle à jouer en ce qui a trait aux apprentissages informels, pour proposer des activités, des échanges, des rencontres. Être un partenaire de vie. »

Elle s’intéresse à la manière dont on place le visiteur au cœur des enjeux du musée.

Quand on travaille dans une institution en train de se réinventer, comme le MAC, tout ce qui a trait à la rencontre entre les œuvres et le public doit être repensé, réimaginé.

Anne Eschapasse, directrice générale adjointe du MAC

Elle a aussi envie de réfléchir à la place du numérique au musée, de la conception des expositions jusqu’à leur production. Ou encore aux façons de fournir des services éducatifs à la Galerie PVM, le nouvel espace du musée pendant les travaux.

John Zeppetelli est très heureux de l’arrivée d’Anne Eschapasse. « Yves Théoret a contribué énormément et il nous fallait une autre personne pour diriger, avec moi, l’administration, la gouvernance, la collection, la transformation, etc. Je suis ravi qu’elle vienne avec nous – tout le monde la connaît au Canada –, surtout pour les défis qui s’annoncent pour le nouveau MAC qu’elle va nous aider à dessiner. »

PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

Vue de l’installation vidéo Vertigo Sea, de John Akomfrah

Anne Eschapasse connaît bien John Zeppetelli. Ils ont négocié en 2018 quand le MAC a demandé au MBAC de lui prêter l’œuvre Vertigo Sea, de John Akomfrah, présentée jusqu’à dimanche au MAC.

Lundi, elle rencontrera les équipes du musée, dans la mesure où c’est possible. « Au début, je vais surtout écouter, dit-elle. Pour essayer de me construire une compréhension des besoins et des enjeux. Nous allons vivre des changements importants, une transformation institutionnelle profonde. Comme je l’ai vécue au MNBAQ. Donc il faut rassurer et, en même temps, planifier, créer de l’inspiration, apporter du souffle pour que ce soit véritablement un nouveau chapitre pour le MAC. »

Rejetée par le MBAM en 2020

Quand le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a décidé, en avril 2020, de créer un poste à la direction de la conservation, Anne Eschapasse a posé sa candidature.

Le poste visait à servir de courroie de transmission entre la direction générale et les équipes du musée. À diriger l’équipe des conservateurs et conservatrices ainsi que les services de l’administration des expositions, des archives, des éditions scientifiques, de la production des expositions et de la restauration. Et à alléger la tâche de Nathalie Bondil, alors directrice générale et conservatrice en chef, dans un climat de travail devenu tendu.

Mi-juin 2020, Anne Eschapasse a eu des entretiens d’embauche avec des cadres du MBAM. Et, selon un document obtenu par La Presse l’an dernier, elle a obtenu le meilleur pointage (175 points sur 180) de la « grille des compétences », parmi les quatre candidats rencontrés. La grille avait été établie le 19 juin 2020 par Nathalie Bondil, la responsable des ressources humaines, Catherine Tremblay, et le président du conseil d’administration de l’époque, Michel de la Chenelière.

Le MBAM a toutefois annoncé le 6 juillet 2020 que la conservatrice de l’art moderne et contemporain international Mary-Dailey Desmarais, arrivée au musée en 2014 comme commissaire associée, avait été retenue pour le poste – malgré le fait qu’elle soit arrivée en quatrième position. Après avoir appris la décision prise par le conseil d’administration du MBAM et imposée à Nathalie Bondil, Mme Eschapasse a dit à La Presse, en juillet 2020, avoir été « très choquée », notamment par les défauts de gouvernance du musée. Mais elle ne revient pas à Montréal avec un goût d’amertume et ne veut pas revenir sur la crise de 2020 au MBAM, sauf pour préciser qu’elle est satisfaite de savoir que la gouvernance est en train d’y être améliorée.

« Je suis complètement mobilisée actuellement sur ce qui s’en vient au MAC, dit-elle. Je regarde devant et rejoins une équipe avec laquelle j’ai très envie de travailler. C’est très excitant. »