La galerie d’art montréalaise C.O.A présente, jusqu’au 1er mai, OUT 2021, une expo collective de neuf artistes dont cinq ont une déficience intellectuelle ou un trouble autistique. Une association artistique inusitée et inclusive qui brise les frontières traditionnelles du marché de l’art. Et une expo joyeuse qui tombe à point en ce moment.

Ils viennent du Canada, des États-Unis, de la Belgique, du Danemark, de la France et de l’Allemagne. Ce sont des créateurs que le galeriste Jean-Pascal Fournier a regroupés en une seule exposition pour mettre l’accent sur les seules qualités de leurs œuvres. Une expo lumineuse, gaie comme le printemps et synonyme d’ouverture, voire d’attachement aux différences.

Les neuf artistes ont des parcours variés. Certains sont expérimentés, d’autres émergents. Tous sont singuliers et atypiques… comme l’acronyme de la galerie C.O.A pour créateurs d’œuvres atypiques.

Jean-Pascal Fournier vient du milieu théâtral. Il a travaillé au sein de la troupe montréalaise Joe Jack et John qui intègre, depuis 2003, des acteurs et des actrices ayant une déficience intellectuelle. Pour sa galerie, ouverte en 2014, il a voulu inclure de la même façon, dans sa programmation, des créateurs qu’il nomme ses « outsiders ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le galeriste Jean-Pascal Fournier

Je ne veux pas mettre d’éclairage sur leur déficience. Ça se fait beaucoup dans des galeries en Europe et aux États-Unis, mais peu ou pas du tout au Québec.

Jean-Pascal Fournier

L’an dernier, il avait fait un premier essai d’une telle mixité. Comme ça a bien fonctionné, il a renouvelé l’expérience cette année. L’intérêt n’est pas social, mais artistique. Ces créateurs sont des artistes à part entière. Comme l’Américaine Judith Scott, atteinte de trisomie 21, disparue en 2015, et qui avait atteint une solide réputation internationale avec ses sculptures, exposées notamment au Brooklyn Museum.

Une visite à C.O.A laisse bouche bée. Pas facile de savoir si l’œuvre contemplée a été créée par un artiste ayant une déficience ou pas. Mais on se rend vite compte que l’intérêt n’est pas de savoir qui a fait quoi. L’art contemporain ouvre des portes infinies à l’expression, qui, finalement, vient d’abord du cœur.

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Vue de l’exposition OUT 2021, avec une sculpture de Marie Lemieux au premier plan et cinq œuvres d’Irène Gérard (Belgique) derrière

Alors qui sont ces neuf artistes ? Dans l’entrée de la galerie, Jean-Pascal Fournier a accroché deux œuvres du Berlinois Danny Gretscher, peintre spectaculaire avec ses grands formats sur bois. Des techniques mixtes inspirées par l’art urbain de son adolescence et les arts graphiques.

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The Great Awakening, 2020, Danny Gretscher, acrylique, peinture aérosol et crayon de couleur sur bois, 2,50 m x 1,80 m

On passe ensuite à des œuvres sculpturales et trois dessins de la jeune artiste québécoise Marie Lemieux dont on a pu voir les créations lors de la dernière édition (en ligne) de la Foire d’art contemporain de Saint-Lambert, l’automne dernier. Des détails, du dessin délicat et des matériaux recyclés qui génèrent un univers coloré, mystique et chaotique à la fois. Un univers qui se marie bien avec la sculpture d’accumulation de l’artiste afro-américain Hubert Posey ou avec les œuvres de la Belge Laura Delvaux, qui prend des objets trouvés et crée des assemblages ludiques et tendres, comme sa peluche jaune aux excroissances textiles.

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Sans titre, 2018, Laura Delvaux, emballage avec éléments textile, 16 cm x 13 cm x 11 cm

D’Irène Gérard, également belge, le galeriste expose une série de dessins colorés, mi-figuratifs, mi-abstraits, découlant de ses observations lors d’un défilé de mode. Des œuvres avec une constance dans la présentation et une belle diversité d’expressions.

  • Pizzaria, 2021, Christian Carlsen, acrylique sur toile, 60 cm x 80 cm

    PHOTO JEAN-MICHAEL SEMINARO, FOURNIE PAR LA GALERIE C.O.A

    Pizzaria, 2021, Christian Carlsen, acrylique sur toile, 60 cm x 80 cm

  • Post-animale, 2019, Irène Gérard, techniques mixtes sur papier, 73 cm x 55 cm

    PHOTO JEAN-MICHAEL SEMINARO, FOURNIE PAR LA GALERIE C.O.A

    Post-animale, 2019, Irène Gérard, techniques mixtes sur papier, 73 cm x 55 cm

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Belle idée aussi que d’avoir mis côte à côte les œuvres du Français Thomas Labarthe et un tableau de l’Américaine Lynda Mullan. Des peintures d’art brut de facture européenne qui dialoguent avec une toile éclatante, équilibrée, avec des accents klimtiens en son centre.

Au fond de la galerie, les scènes urbaines et humoristiques du Danois Christian Carlsen sont associées aux peintures du Montréalais Émile Cantin. Un côté surréaliste et jovial en parallèle avec le style expressionniste attachant du jeune peintre émergent.

  • Une peinture d’Émile Cantin, à gauche, et trois œuvres de Christian Carlsen, à droite

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Une peinture d’Émile Cantin, à gauche, et trois œuvres de Christian Carlsen, à droite

  • Une œuvre de Lynda Mullan, à gauche, et une de Thomas Labarthe, à droite

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Une œuvre de Lynda Mullan, à gauche, et une de Thomas Labarthe, à droite

  • À côté des quatre œuvres d’Irène Gérard, à gauche, une sculpture d’Hubert Posey et, à droite, un dessin de Marie Lemieux

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    À côté des quatre œuvres d’Irène Gérard, à gauche, une sculpture d’Hubert Posey et, à droite, un dessin de Marie Lemieux

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Venu visiter l’exposition, Frédéric Palardy, directeur général des Impatients, qui organise des ateliers d’art pour des personnes ayant des problèmes de santé mentale, estime que Jean-Pascal Fournier expose de bons artistes. « Ce n’est pas parce que tu as un problème de santé mentale que tu es bon, dit-il. Mais là, il y en a des bons. C’est de l’art. »

Avec OUT 2021, Jean-Pascal Fournier rend hommage à ces centres dévoués aux artistes qui ont une déficience. « Je n’ai souvent aucun lien direct avec leurs artistes, mais j’en ai avec ces organisations qui les soutiennent souvent avec peu de moyens, dit-il. Ce sont des gens très humains. Ils sont tellement heureux de voir que leurs artistes sont exposés à Montréal… » Mais sa sélection est un choix basé sur la qualité. Ces artistes sont doués. Point.

> Consultez le site de la galerie C.O.A.