Nigra Iuventa, une organisation montréalaise qui célèbre les cultures afrodescendantes à travers les arts visuels et médiatiques, et Massimadi, le festival des films et des arts LGBTQ afro, présentent deux expositions à Never Apart dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs. Les artistes Syrus Marcus Ware et Yannis Davy Guibinga y célèbrent la résilience et la détermination de la diaspora africaine.

Never Apart, organisme montréalais sans but lucratif qui a pour but d’amener des changements sociaux et une conscience spirituelle à travers sa programmation culturelle, était le lieu idéal pour déployer la double exposition Data Thieves : ce que nous transmettent nos archives.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’édifice de l’OSBL Never Apart, près du cœur de la Petite Italie, à Montréal

Conçue par les commissaires Michaëlle Sergile et Laurent Maurice Lafontant, elle révèle les regards de deux artistes noirs, Syrus Marcus Ware et Yannis Davy Guibinga, qui évoquent le passé et l’avenir des personnes racisées, autant la richesse de l’héritage que les défis à venir.

Coïncidence, le concept de data thieves a été développé par l’artiste ghanéen John Akomfrah, dont on peut admirer actuellement l’œuvre Vertigo Sea au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC). Les data thieves sont des figures, créées par Akomfrah, « qui fouillent dans nos archives du passé et tentent de nous montrer un chemin pour un futur meilleur », dit Michaëlle Sergile, artiste associée à Nigra Iuventa.

Artiste et militant torontois, Syrus Marcus Ware propose des œuvres où transpire sa lutte permanente pour redonner aux communautés noires la place qui leur revient. Son installation Antarctica évoque la science-fiction. On est en 2030. Des personnes racisées ont survécu au « spectacle de la mort noire » et aux catastrophes écologiques. Elles construisent une nouvelle colonie en Antarctique.

PHOTO JALANI MORGAN, FOURNIE PAR NIGRA IUVENTA

L’artiste Syrus Marcus Ware

On découvre ces survivants marchant en raquettes dans la neige épaisse (vidéo) et on les imagine vivre dans un campement, avec des rations, un petit réchaud, un lit de camp et des livres pratiques pour leur survie dans la nature désolée du continent blanc.

  • Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware

  • Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware

    PHOTO TONI HAFKENSCHEID, FOURNIE PAR NEVER APART

    Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware

  • Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware, avec des tuques, de l’équipement médical, un réchaud, des provisions et des livres pour aider à la survie en Antarctique

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware, avec des tuques, de l’équipement médical, un réchaud, des provisions et des livres pour aider à la survie en Antarctique

  • Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware, avec des rations du campement

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware, avec des rations du campement

  • Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware

  • Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware, avec à droite une installation vidéographique

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Détail de l’installation Antarctica, de l’artiste torontois Syrus Marcus Ware, avec à droite une installation vidéographique

1/6
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Une autre vidéo, Ancestors, Can You Read Us ? (Dispatches from the Future), montre des personnes racisées de l’an 2072 s’adresser aux Noirs d’aujourd’hui, « les ancêtres », pour les remercier de s’être battus pour leur assurer un avenir dans un monde non capitaliste...

Yannis Davy Guibinga

Choisi par Laurent Maurice Lafontant, le photographe Yannis Davy Guibinga, originaire du Gabon, propose une incursion dans des éléments méconnus de l’histoire et de la spiritualité africaines et dans la réalité actuelle des LGBTQ+ d’origine africaine. Le tout avec une approche esthétique splendide.

« Je trouvais que Yannis faisait bien le pont avec le travail de Syrus Marcus, car ils revisitent tous deux le passé pour se reconstruire dans le présent et dans le futur », dit M. Lafontant, coordonnateur général du festival Massimadi.

Yannis Davy Guibinga s’intéresse à la mode et à la notion de non-binarité embrassée par des personnes qui ne se sentent ni homme ni femme, mais un peu des deux ou aucun des deux.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Mashoga I (corpus Boy Wives & Female Husbands), 2019, Yannis Davy Guibinga, photographie, 33,33 po x 50 po

L’identité de genre est explorée dans sa série Boys Wives & Female Husbands. Comment s’aimer dans l’avenir, comme vivre sa différence en harmonie, comment s’habiller avec fierté. Une série pour laquelle il a collaboré avec le styliste Tinashe Musara, assisté de Haji May. « J’aime, avec ma photographie, parler des communautés qui n’ont pas l’habitude d’être sous les projecteurs, dit-il. Et j’aime les mises en scène. »

PHOTO BENJAMIN LEBLANC, FOURNIE PAR NIGRA IUVENTA

L’artiste photographe Yannis Davy Guibinga

Ses photos rappellent l’existence de Noirs non binaires dans l’Afrique précoloniale, des individualités oblitérées par l’irruption des religions non animistes, dont le catholicisme et l’islam. « Aujourd’hui, en Afrique, la plupart des gens ne sont pas au courant de l’existence même de ces communautés qui vivent en marge », dit l’artiste.

Le photographe, avec The Shaman, s’est également intéressé au rôle spirituel qu’avaient ces personnes jadis en Afrique centrale. « En raison du fait qu’elles voyageaient entre masculinité et féminité, elles étaient les plus proches du monde des esprits », dit-il.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Vue du corpus Boy Wives & Female Husbands de Yannis Davy Guibinga (série The Shaman), exposé à la galerie Never Apart

Portés par des personnages au regard fier, les vêtements, là aussi, sont impressionnants, tout comme dans les séries Eclectic Identity et Silicone Set, pour lesquelles Guibinga a travaillé avec la designer de mode Olivia Bretheau. Des vêtements flyés, avec du cuir, des lanières, des pinces crocodiles, notamment, une mode très aérée et non genrée, moderne et élégante en même temps.

  • Silicone Sunset IV, 2020, Yannis Davy Guibinga, photographie, 45 po x 30 po

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Silicone Sunset IV, 2020, Yannis Davy Guibinga, photographie, 45 po x 30 po

  • À l'avant, des photos de la série Eclectic Identity, de Yannis Davy Guibinga

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    À l'avant, des photos de la série Eclectic Identity, de Yannis Davy Guibinga

  • Trois photos de la série Eclectic Identity, de Yannis Davy Guibinga

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Trois photos de la série Eclectic Identity, de Yannis Davy Guibinga

  • Eclectic Identity IV, 2018, Yannis Davy Guibinga, 45 po x 30 po

    PHOTO YANNIS DAVY GUIBINGA, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Eclectic Identity IV, 2018, Yannis Davy Guibinga, 45 po x 30 po

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Dans sa dernière série, 2050, le photographe montréalais célèbre la beauté de la femme noire, dans une vision futuriste assumée.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Trois photos de la série 2050, de Yannis Davy Guibinga

Réels changements

Ces deux expos indiquent-elles que le vent tourne ? Oui et non, selon Michaëlle Sergile. Des changements sont survenus ces derniers temps pour les Afrodescendants grâce aux drames qui ont eu lieu aux États-Unis. Mais elle a constaté, en faisant des recherches, que dans un article de 1989, on avait déjà cette impression de nouveau départ, de justice envers les personnes noires. Pourtant, bien peu de choses ont changé par la suite.

« Pour déconstruire une chose, il faut aller dans les structures pour qu’il y ait une réelle diversité, dit-elle. Sinon, ça ne sert à rien de présenter des artistes noirs dans une expo ou d’avoir une personne noire sur un panel.  »

Se dire inclusif, c’est changer les postes décisionnels, que ce ne soit plus un quota, mais une habitude.

Michaëlle Sergile

Tout de même, depuis quelques années, un « printemps noir » a lieu dans les arts visuels au Québec, avec la visibilité et la reconnaissance de talents tels que ceux de Manuel Mathieu, Stanley Février, Moridja Kitenge Banza, Shanna Strauss ou encore Eddy Firmin.

« Oui, mais il a fallu qu’ils s’imposent, et parfois d’abord à l’extérieur, dit Michaëlle Sergile. Ou que Stanley fasse une performance au MAC avant d’avoir sa place dans un des musées québécois. Il y a énormément d’artistes noirs québécois à découvrir. Tout ce qu’il faut espérer, c’est ne plus être dans une constante bataille de représentation. C’est pourquoi ces deux expositions font du bien. »

> Visitez le site de Yannis Davy Guibinga

> Explorez l’univers de Syrus Marcus Ware (en anglais)

> Parcourez le site de la galerie Never Apart (en anglais)

> Visionnez des films du festival Massimadi

> Suivez les activités de Nigra Iuventa