Le Centre d’art Diane-Dufresne, à Repentigny, présente, jusqu’au 9 janvier, l’exposition Deux cœurs Deux têtes – entre rêve et réalité, une sélection d’œuvres du sculpteur Armand Vaillancourt et de son fils Alexis, également artiste multidisciplinaire. Une exposition Vaillancourt père et fils qui a bien failli ne pas avoir lieu.

Il a beau avoir toujours été solide comme un chêne, Armand Vaillancourt a bien failli passer l’arme à gauche l’été dernier. Une infection, une déshydratation et une dénutrition lui ont valu un séjour de deux mois à l’hôpital et une perte de poids de 25 livres. L’artiste de 92 ans aurait donc pu ne pas être présent au vernissage de cette exposition imaginée par le conservateur de la collection du Centre d’art Diane-Dufresne, François Renaud.

« Cela fait 20 ans que je pensais à inviter Armand Vaillancourt à Repentigny, mais ça prenait le bon endroit, dit M. Renaud. Le centre d’art, qui vient de fêter ses six ans, est l’endroit adéquat. L’idée était de faire une exposition père-fils sans mettre l’emphase sur leur filiation. Car au-delà du lien filial et du fait qu’ils utilisent les mêmes matériaux, ils s’expriment dans deux champs totalement opposés. »

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

La commissaire Cassandre Roy

Dialogue

Étudiante en maîtrise d’histoire de l’art à l’Université de Montréal, Cassandre Roy signe le commissariat de l’expo. « J’ai essayé de créer un ensemble dynamique et actuel en travaillant surtout avec Alexis qui connaît bien l’œuvre de son père, dit-elle. Afin de faire dialoguer les œuvres et les matières des deux artistes, avec notamment la lumière. Tous deux parviennent à libérer le potentiel artistique de chaque matière recyclée. »

La compagne et fidèle assistante d’Armand Vaillancourt, Johanne Beaulieu, a aussi participé à la scénographie et au choix des œuvres, compte tenu de l’état de santé de son conjoint.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Johanne Beaulieu, conjointe et assistante d’Armand Vaillancourt, et François Renaud, conservateur et responsable, arts visuels, au Centre d’art Diane-Dufresne, discutent avec une technicienne, sous le regard espiègle d’Armand Vaillancourt.

J’ai sélectionné ce que je trouvais signifiant, notamment les œuvres en noir et blanc d’Armand, et de nouvelles sculptures qu’il vient de faire couler. En les présentant avec des œuvres d’Alexis qui est aussi très architectural.

Johanne Beaulieu, conjointe et assistante d’Armand Vaillancourt

Âgé de 29 ans, Alexis Vaillancourt a déjà participé à des évènements de peinture en direct avec son père, mais c’est la première fois qu’il expose avec lui. « Il n’y a pas de compétition entre le fils et le padre, dit Armand Vaillancourt. J’ai toujours dit qu’Alexis est plus fort que son père. Il travaille avec des pensées actuelles. Mais il crée depuis qu’il est tout jeune et a beaucoup d’imagination. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

La murale en hommage à Armand Vaillancourt réalisée à l’automne 2020 par son fils Alexis, d’après l’œuvre de son père Auprès de mon arbre je vivais heureux (1989). Elle est située près du 6470, avenue Pierre-de-Coubertin, à Montréal.

Armand Vaillancourt est-il inspiré par les œuvres de son fils ? « Tous les artistes m’inspirent », dit-il. « Oui, mais Alexis, il vous inspire ? », lui redemande-t-on. « Alexis fait partie de tous les artistes, reprend Armand Vaillancourt, avec fermeté. Il n’a rien à faire avec du flattage de monsieur Armand ! Il travaille et fait son affaire. C’est un leader. »

Alexis Vaillancourt a été traîné par son père et sa mère durant toute son enfance dans les évènements artistiques.

  • Alexis Vaillancourt devant sa sculpture Maîtres, réalisée en plastique et métal recyclés

    PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

    Alexis Vaillancourt devant sa sculpture Maîtres, réalisée en plastique et métal recyclés

  • Alexis Vaillancourt devant son tondo Peinture morte, une acrylique sur plastique de 2021

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    Alexis Vaillancourt devant son tondo Peinture morte, une acrylique sur plastique de 2021

  • Exosquelette, 2019, Alexis Vaillancourt, acier, 91,44 cm x 60,96 cm x 121,92 cm

    PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE D’ART DIANE-DUFRESNE

    Exosquelette, 2019, Alexis Vaillancourt, acier, 91,44 cm x 60,96 cm x 121,92 cm

  • Une des deux parties de Sans titre, 2020, un diptyque d’Alexis Vaillancourt. Chaque tableau fait 121,92 cm x 182,88 cm.

    PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE D’ART DIANE-DUFRESNE

    Une des deux parties de Sans titre, 2020, un diptyque d’Alexis Vaillancourt. Chaque tableau fait 121,92 cm x 182,88 cm.

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J’ai baigné là-dedans. J’ai tout le temps dessiné. Et si je voulais aller en histoire au cégep, j’ai finalement décidé d’aller en arts plastiques. Même si j’allais pas souvent à mes cours ! Puis, je me suis mis à faire des graffitis et des murales avec mes amis. Ça m’a donné une immense liberté.

L’artiste Alexis Vaillancourt

On remarque chez les deux artistes un même souci d’utiliser des matières recyclées, que ce soit l’acier, le plastique ou le polystyrène expansé. Un penchant écologique exprimé de façon différente, Alexis Vaillancourt ayant emprunté son propre chemin. Parallèlement à ses murales et ses œuvres d’art contemporain, il crée aussi du mobilier sur mesure. Et s’est associé à l’espace créatif Wip, fondé par Olivier Bonnard sur le boulevard Saint-Laurent pour aider la relève. Afin de faire des projets avec d’autres artistes.

« Travailler seul comme artiste n’est pas toujours facile », dit Alexis Vaillancourt, qui présente deux œuvres réalisées en plastique recyclé avec Olivier Bonnard.

Quelques œuvres d’Armand Vaillancourt
  • Course infernale, 1998, acrylique sur toile et petites voitures, 173 cm x 173 cm, Collection Alexis Vaillancourt. Une œuvre créée avec les petites voitures d’Alexis Vaillancourt quand il avait 6 ans. « La bleue au centre était ma préférée, dit-il. Mais je voulais faire plaisir à mon père, alors je lui avais donné ces petites autos. »

    PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE D’ART DIANE-DUFRESNE

    Course infernale, 1998, acrylique sur toile et petites voitures, 173 cm x 173 cm, Collection Alexis Vaillancourt. Une œuvre créée avec les petites voitures d’Alexis Vaillancourt quand il avait 6 ans. « La bleue au centre était ma préférée, dit-il. Mais je voulais faire plaisir à mon père, alors je lui avais donné ces petites autos. »

  • J’AI FAIM, 1999, acrylique sur toile, 152,4 cm x 457,2 cm

    PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

    J’AI FAIM, 1999, acrylique sur toile, 152,4 cm x 457,2 cm

  • Fragments d’atelier, 2021, polystyrène expansé et lumière, 10 pi x 11 pi x 16 pi

    PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

    Fragments d’atelier, 2021, polystyrène expansé et lumière, 10 pi x 11 pi x 16 pi

  • Ondulation, 2018, acrylique sur toile, 182,88 cm x 305,44 cm

    PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

    Ondulation, 2018, acrylique sur toile, 182,88 cm x 305,44 cm

  • Au premier plan, la sculpture-maquette Place publique, de 2015, en acier et aluminium, 25,4 cm x 56 cm x 94 cm

    PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

    Au premier plan, la sculpture-maquette Place publique, de 2015, en acier et aluminium, 25,4 cm x 56 cm x 94 cm

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À quand une rétrospective ?

C’est évidemment avec bien du plaisir qu’on retrouve des œuvres d’Armand Vaillancourt, ce « Vulcain des temps modernes », comme l’appelle François Renaud. Écoresponsable il y a 50 ans, quand bien peu de gens pensaient à recycler, Armand Vaillancourt est toujours aussi surprenant, énergique et pertinent, à une époque où l’art part dans toutes les directions sans toujours être inspirant. À quand une grande rétrospective de ce géant dans un musée québécois ?

« Ce serait dommage qu’on attende qu’il meure pour la faire, dit François Renaud. Ce n’est pas péjoratif, ce que je vais dire, mais je pense qu’Armand Vaillancourt est un artiste du XXe siècle. Un pionnier et fier représentant du Québec dans sa modernité, dans ce que le Québec a de plus éclaté. Au XXe siècle, rien n’était impossible, alors qu’aujourd’hui, il est très difficile de dire quels artistes passeront à l’histoire. »