Visiter l’atelier de Geneviève Cadieux. Pénétrer là où elle réfléchit au sens de son art, la photographie. À la meilleure façon de « faire exister une œuvre photographique à l’extérieur ». Comme elle l’a fait avec son œuvre Barcelone, installée cet été sur une façade du Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa. Une capacité de faire cohabiter le sensible et le grand format qui a forgé sa réputation internationale.
Réflexion en atelier
L’atelier, pour Geneviève Cadieux, est un refuge. Le lieu de la réflexion. Quelle photographie ? Pourquoi ? Pour dire quoi ? Une installation ? Avec quelles perspectives ? « Le spectateur, avec son déplacement, participe toujours à la lecture d’une œuvre, dit-elle. De loin, de près. Il faut en tenir compte. » Qu’elle traite de condition humaine, de relations entre les êtres, d’histoire de l’art ou de contemporanéité, Geneviève Cadieux soupèse chaque fois le potentiel de sa photographie. Ce poids du signifiant oriente ses choix, notamment quand elle a proposé de réactiver son œuvre Barcelone de manière grandiose. « C’était un gros projet au Musée des beaux-arts du Canada, dit-elle. Ça m’a pris beaucoup de temps et j’étais en deuil de ma mère, alors ce n’était pas facile. »
Barcelone
Exposée en 2003 à la galerie René Blouin, Barcelone, une narration en 11 photographies, a été refaite par Geneviève Cadieux après avoir été légèrement abîmée lors d’un séjour en Corée du Sud. Pour réaliser sa version 2021, elle a procédé à des tests numériques de couleurs, notamment pour « rebalancer » les gris du fond et le soleil blanchâtre qui rendent bien cette impression de lumière crépusculaire qui résultait des incendies de forêt de 2002 dans le nord du Québec. Une œuvre dans laquelle s’inscrit le passage du temps, ce thème que la photographe a maintes fois exploré, par exemple avec ses paysages corporels. Dans Barcelone, le soleil se déplace comme les deux personnages (sa sœur, la comédienne Anne-Marie Cadieux, et le collectionneur et propriétaire de restaurants Hubert Marsolais). « À Ottawa, on pourra voir le passage du temps puisque Barcelone va vivre plusieurs saisons », dit Geneviève Cadieux.
Le travail
« L’intensité du travail qui se fait avant qu’une photographie soit montrée est inimaginable, dit Geneviève Cadieux. C’est invisible pour le spectateur qui ne peut soupçonner tout ce qui a dû être fait avant l’impression finale. » Le travail d’atelier signifie, pour l’artiste montréalaise, beaucoup de minutie, de tâtonnements, de choix avant la phase d’impression. « Cela prend des tests de fond et de qualité du papier photographique, des tests aussi quand on développe en numérique, les retouches, etc. Et puis, pour une exposition en extérieur, il faut tenir compte de la réflexion de la lumière dans le choix du support. » Le travail préparatoire de Barcelone a nécessité plusieurs mois et la collaboration de spécialistes en conception de bannières publicitaires. « Ç’a été un vrai bonheur de travailler avec Version Images Plus, car les tests se sont faits avec eux, pour adapter mes fichiers à leurs imprimantes commerciales. »
Les feuilles métalliques
Geneviève Cadieux trouve du plaisir dans les détails, dans la recherche du plus bel effet possible. C’est ainsi qu’elle s’intéresse aux feuilles d’or et d’argent qu’elle incorpore dans ses œuvres depuis plusieurs années pour rehausser ses paysages. « Mais je me suis aperçue qu’avec le temps, ces feuilles d’argent ternissent. Comme l’argenterie de nos mères. Je ne peux pas créer des œuvres qui sont quand même coûteuses à produire si elles sont défraîchies deux ans plus tard. » Elle a récemment trouvé des feuilles de palladium colorées plus résistantes, faites à la main au Japon, dont elle est en train de tester la capacité à ne pas s’altérer trop vite...
L’avenir
Barcelone installée, ses tests de feuilles métalliques commencés, Geneviève Cadieux a décidé de consacrer ses prochains mois à la relation intime qu’elle entretient avec les poèmes du Grec Constantin Cavafy (1863-1933). Un attachement illustré avec son œuvre sonore Abandon, ressortie l’an dernier lors de l’expo au 1700 La Poste. Une œuvre avec la voix d’Anne-Marie Cadieux qui récite Corps, souviens-toi. « Je voudrais mettre ce texte en espace, lui donner une dimension sculpturale, dit-elle. Je ne sais pas si je vais réussir, mais ça m’intéresse. » En attendant, elle poursuit sa collaboration avec la galerie Blouin Division qui se charge de la faire connaître. « Je suis choyée, dit Geneviève Cadieux. Le directeur de ma galerie, Dominique Toutant, se déplace même avec mes œuvres chez des collectionneurs. Je ne peux pas demander mieux ! »