Le Musée des beaux-arts de Montréal a le plus souvent proposé de solides expositions lors de la rentrée automnale. Les Momies égyptiennes à l’automne 2019 avaient succédé à l’exposition Calder à la rentrée 2018 et Il était une fois… le western, à l’automne 2017, avec ses 400 peintures et installations déployées dans une scénographie de prestige.
Mais la pandémie semble avoir changé la donne. C’est une programmation très différente dans l’approche qui est proposée cet automne par la nouvelle direction du MBAM. Le directeur général, Stéphane Aquin, a expliqué aux médias, mercredi, que les deux expositions de la rentrée « répondent à l’esprit des temps ».
L’exposition principale s’intitule Combien de temps faut-il pour qu’une voix atteigne l’autre ? Le titre provient d’un vers de la poétesse américaine Carolyn Forché. Il a été choisi par la nouvelle conservatrice en chef du musée, Mary-Dailey Desmarais. Elle a trouvé qu’il reflétait « tout ce qu’on a vécu cette année », à cause de la pandémie. « Il me semblait pertinent de se poser la question à savoir comment on écoute l’autre et quelles sont les voix qui sont trop souvent ignorées », dit-elle.
L’exposition est donc divisée en sept espaces consacrées à la voix humaine. Voix sonore ou voix en tant qu’espace de discours, de culture ou de partage. Dans ces espaces, on retrouve diverses périodes de l’histoire de l’art, de l’art perse jusqu’à l’art contemporain. Avec des œuvres de Rembrandt, Jusepe De Ribera, Rodin, Yves Gaucher, Charles Gagnon, Rebecca Belmore, Geneviève Cadieux, Betty Goodwin, Rafael Lozano-Hemmer, Nadia Myre ou encore Yann Pocreau.
Une exposition tranquille, sans scénographie particulière, avec des murs peints en blanc et de petites vitrines. Et 40 œuvres que l’on découvre en silence jusqu’à l’œuvre magnifique de Janet Cardiff, le motet Mon espoir, je ne l’ai jamais mis en d’autres que toi, un exercice d’écoute immersive, avec ses chants sortant de 40 haut-parleurs dont on fait le tour pour apprécier les lignes mélodiques de chaque voix.
Une œuvre magistrale et émouvante du XVIe siècle qui évoque combien des talents individuels peuvent élaborer une harmonie collective. Une installation sonore qui termine bien la visite et nous laisse dans une sorte d’état de méditation. L’exposition est toutefois un peu courte, mais on comprend que les circonstances ont dicté à la direction une certaine mesure.
Hors cadre
Mary-Dailey Desmarais a également eu l’idée de suggérer aux employés du musée (techniciens, commis, cadres, restaurateurs, médiateurs) ayant un talent d’artiste de soumettre leurs œuvres en vue de les exposer. La proposition a reçu un accueil enthousiaste. Ainsi est né Hors cadre qui comprend des créations d’artistes amateurs et d’autres provenant d’artistes professionnels qui travaillent au musée tels que Sayeh Sarfaraz (médiatrice) ou Jean-Benoît Pouliot (technicien).
« C’est une idée rassembleuse et un beau geste, dit Iris Amizlev, commissaire de Hors cadre. L’exposition fait du bien avec des fils conducteurs comme la passion pour l’art et le dévouement pour notre institution. »
Une bonne idée du musée qui se traduit par une expo d’œuvres intéressantes, avec des thèmes divers, et dont la qualité va surprendre les visiteurs. Le MBAM est toutefois encore obligé de restreindre l’accueil du public à un maximum de 1000 personnes par jour, pour des raisons sanitaires. Ce qui limite ses revenus.
C’est une situation difficile pour l’ensemble du milieu culturel. On a accueilli le maximum de la jauge cet été. Les gens veulent venir au musée
Stéphane Aquin
Financièrement, le plus dur reste à venir, ajoute-t-il, car le musée a prolongé la validité des cartes de ses membres (ils étaient 92 193 mercredi) du nombre de mois durant lesquels le musée a été fermé. « Cela nous donnera un manque à gagner d’environ un an, ce qui est considérable, sans parler qu’il y a eu moins de ventes à la boutique et moins de billets d’entrée. On a donc dû couper dans les dépenses, sans toucher au personnel. Pour s’assurer d’atteindre un poids santé. »
Les deux expositions de cette rentrée ont heureusement coûté moins cher. « Tout comme travailler avec notre collection, dit Stéphane Aquin. Mais cette exposition est juste, intègre et honnête, à l’écoute de la sensibilité du moment. »