(Lille) Un chef-d’œuvre de Fragonard représentant un Philosophe lisant, tombé dans l’oubli pendant 200 ans avant d’être récemment exhumé par un commissaire-priseur, a été vendu aux enchères samedi à 11,28 millions $ à Épernay, a-t-on appris auprès de la maison de ventes.

Réalisée vers 1768-1770, dans la « période la plus virtuose » de cet artiste emblématique du XVIIIe siècle, la toile ovale, de 45,8 x 57 cm, a été mise en vente à 1 762 200 $ lors de cette vente aux enchères organisée par la maison Enchères Champagne, puis finalement adjugée à 9 251 550 $, pour un prix total de 11 286 891 $ avec les frais d’achat (22 %).  

Elle a été acquise par un collectionneur privé, alors que sept enchérisseurs se sont manifestés, tous par téléphone.  

L’œuvre avait un temps appartenu au miniaturiste Pierre Adolphe Hall, ami du peintre Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), puis était tombée dans l’oubli pendant 200 ans avant d’être redécouverte par le commissaire priseur Antoine Petit, à l’occasion d’un inventaire de succession dans la Marne.

Elle se trouvait dans le salon d’une propriété privée, conservée en parfait état et dans son cadre d’origine, « dans la même famille depuis plusieurs générations » sans que les propriétaires n’en connaissent ni l’origine ni la valeur, raconte Maître Antoine Petit dans le dossier de presse.

Lorsqu’il la « décroche pour l’examiner de plus près », le professionnel constate immédiatement « la touche manifestement experte », les « coups de pinceau incroyablement francs »… Mais surtout une inscription ancienne au revers du cadre en bois doré : « Fragonard ».  

Le tableau — qui représente un philosophe chauve à la barbe blanche, assis et lisant un imposant ouvrage — est alors authentifié par le cabinet Turquin, spécialisé dans les peintures anciennes.

« C’est le summum de la peinture française du XVIIIe siècle, par son sujet d’abord […] et par son exécution brillantissime par Fragonard, très rapide, très légère », commente l’expert Éric Turquin.

Âgé d’une quarantaine d’années au moment de sa réalisation, Fragonard « est arrivé au sommet de son art et s’octroie une grande liberté » d’exécution, souligne aussi Stéphane Pinta, expert au cabinet Turquin. Appliquée très rapidement, la peinture semble « modelée, sculptée dans la matière ».

Loin des sujets féminins et libertins qui ont fait sa renommée, Fragonard s’intéresse ici à la figure de l’homme mûr, qu’il abordera dans neuf autres portraits, « dans la lignée des portraits pittoresques de vieillards […] appréciés par les peintres hollandais du XVIIe siècle et en premier lieu Rembrandt, que Fragonard admire », analyse encore le cabinet Turquin.