La pandémie n’aura pas réussi à compromettre la 12e édition de la Biennale internationale de l’estampe contemporaine de Trois-Rivières. Son organisation aura toutefois nécessité des efforts surhumains pour être en mesure d’exposer, à temps et jusqu’au 12 septembre, les 250 œuvres de 52 artistes provenant de 19 pays. L’évènement regorge de trésors de l’art de la gravure. Un must, cet été, en Mauricie.

Une fois de plus, la BIECTR vaut un séjour à Trois-Rivières. Il est toujours aussi plaisant de sillonner la cité mauricienne, d’un centre d’art à l’autre. D’autant que l’univers de l’estampe poursuit sa mutation et son expansion en tenant compte des tendances et des technologies d’aujourd’hui.

Cette 12e édition surprend avec des œuvres qui démontrent combien les graveurs élargissent leur spectre de représentation, empruntant des voies originales telles que l’animation ou la musique. Autre originalité de la biennale, l’insertion de poèmes que Jean-Paul Daoust a composés en lien avec les œuvres.

PHOTO OLI CROTEAU, LE NOUVELLISTE

L’exposition débute dans l’ancienne gare ferroviaire de Trois-Rivières.

Le parcours commence toujours dans l’ancienne gare ferroviaire. On y trouve les sérigraphies aux propos très actuels du Québécois Xavier Orssaud. Des eaux-fortes de l’Italien Alberto Balletti, sur la société de consommation. Des linogravures du Mexicain Victor Manuel Hernández Castillo, habitué de la biennale. La Britannique Wuon-Gean Ho utilise aussi la linogravure pour des œuvres délicates qui décrivent son quotidien durant la pandémie.

  • Œuvres d’Alberto Balletti

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    Œuvres d’Alberto Balletti

  • Retorno / Trastorno, 2019, Victor Manuel Hernández Castillo, linogravure, 80 cm x 113 cm

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    Retorno / Trastorno, 2019, Victor Manuel Hernández Castillo, linogravure, 80 cm x 113 cm

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L’Américain Nathan Meltz innove avec des sérigraphies gravées au laser. L’Indienne Rajashree Nayak séduit avec des eaux-fortes et bois gravés évoquant le féminisme. Au milieu de la salle trône une installation de Gabriel Mondor, artiste de la relève qui obtient le prix Loto-Québec pour son Jesus, une suite de plaques de verre sérigraphiées. Des décompositions d’images d’un travailleur étranger en train de piocher dans un champ.

PHOTO ÉTIENNE BOISVERT, FOURNIE PAR LA BIECTR

Jesus, 2017, Gabriel Mondor, sérigraphie sur verre

Atelier Silex

La visite se poursuit à l’Atelier Silex, où la commissaire Karine Bouchard présente deux installations visuelles et sonores, sana spatium, de Slobodan Radosavljevic et d'Olivier Ricard. La première est constituée de sons provenant d’un atelier de gravure. L’autre utilise ces bruits pour créer une musique qu’on écoute en parcourant un circuit d’enceintes. Un travail si original que l’œuvre contemporaine qui en découle, composée par Nicolas Gilbert, sera présentée lors d’un concert donné par le chef Jean-Claude Picard et huit musiciens de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, le 28 août au Musée POP.

À POP justement, on peut admirer les lithographies au style flamand de l’artiste américain Michael Barnes et les œuvres soignées du Sud-Africain Christian Diedericks. Dans la salle Résonance, la biennale a accroché des œuvres inspirées d’objets de la collection du musée, notamment de Jo Ann Lanneville, de Marie-Jeanne Decoste et de Yannick De Serre, qui expose deux monotypes sur papier japonais. Avec de petites aiguilles et des points de suture fixés au papier, cet artiste ayant connu la pandémie au plus près… puisqu’il est aussi infirmier.

PHOTO FOURNIE PAR LA BIECTR

Le confinement est traité dans plusieurs œuvres exposées à la BIECTR, comme dans cette linogravure de l’Américain Brian Kreydatus.

Musée Pierre-Boucher

À cause d’un incendie qui a supprimé un lieu d’exposition, le Musée Pierre-Boucher a fourni une deuxième salle d’expo cette année. Dans l’entrée, des linogravures de l’Inuite Mary Paningajak, formée au Nunavik par l’artiste Lyne Bastien, côtoient une installation d’Andréanne Bouchard, de délicates sérigraphies sculpturales.

Tous près, les bois gravés de Marco Trentin nous parlent de conflits tandis que l’Américaine Barbara Madsen met en scène des réflexions sur la consommation.

PHOTO FOURNIE PAR LA BIECTR

EndTimes-SteelWool, 2019, Barbara Madsen (États-Unis), sérigraphie, bois gravé, lithographie, 120 cm x 80 cm

Mais notre coup de cœur va aux linogravures du Polonais Wieslaw Haladaj. « Un travail de fou ! », dit, avec justesse, Élisabeth Mathieu, directrice de la BIECTR. Une incroyable technique de précision et de détail.

PHOTO FOURNIE PAR LA BIECTR

Symmetry, 2020, Wieslaw Haladaj, linogravure, 70 cm x 100 cm

La visite de la Galerie d’art du Parc réserve aussi des moments d’émotion. Cette année, deux œuvres s’y démarquent. D’abord, l’installation de la Québécoise Alejandra Basañes, Ces femmes qu’on tue, sculpture qui évoque le drame des féminicides.

PHOTO GILLES ROUX, FOURNIE PAR LA BIECTR

L’installation Ces femmes qu’on tue, d’Alejandra Basañes

Écoutez Alejandra Basañes parler de son œuvre (La Fabrique culturelle)

Et l’installation mémorielle du Français Éric Fourmestraux, qui aborde le sujet d’enfants juifs parisiens déportés dans des camps nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Des cintres gravés aux noms de ces enfants supportent leurs noms estampés. Émouvant et tout aussi insupportable que Ces femmes qu’on tue.

  • À gauche, l’œuvre In memoriam [aux 48 enfants juifs déportés de l’école Vicq d’Azir à Paris], qui a valu le prix Desjardins à l’artiste français Éric Fourmestraux.

    PHOTO OLI CROTEAU, LE NOUVELLISTE

    À gauche, l’œuvre In memoriam [aux 48 enfants juifs déportés de l’école Vicq d’Azir à Paris], qui a valu le prix Desjardins à l’artiste français Éric Fourmestraux.

  • In memoriam [aux 48 enfants juifs déportés de l’école Vicq d’Azir à Paris], 2018-2019, Éric Fourmestraux, taille d’épargne, audio, matrice, objet, 250 x 350 x 54 cm.

    PHOTO FOURNIE PAR LA BIECTR

    In memoriam [aux 48 enfants juifs déportés de l’école Vicq d’Azir à Paris], 2018-2019, Éric Fourmestraux, taille d’épargne, audio, matrice, objet, 250 x 350 x 54 cm.

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À l’Université du Québec à Trois-Rivières, la Galerie R3 présente des estampes de la collection Loto-Québec. Avec de grands noms de l’art tels que Louis-Pierre Bougie, Betty Goodwin, Pierre Ayot ou François Vincent. Et des œuvres d’artistes émergents, encore étudiants, qui dénotent un talent certain que des vidéos mettent en scène. Une bonne initiative de la biennale.

  • Sérigraphie d’Ozali O’Bomsawin, étudiante à l’UQTR

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    Sérigraphie d’Ozali O’Bomsawin, étudiante à l’UQTR

  • Œuvre sérigraphique sur fenêtre, Repérage, de Frédérique Pelletier

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    Œuvre sérigraphique sur fenêtre, Repérage, de Frédérique Pelletier

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Pour la fin du parcours, il faut se rendre à l’Espace Pauline-Julien pour découvrir une installation où l’estampe n’est qu’un élément de l’expression. Réalisée par le graveur belge Fred Penelle et son compatriote vidéaste Yannick Jacquet, Mécaniques discursives montre comment on peut sortir la gravure de son cadre avec une œuvre poétique qui allie estampes sur bois et projection vidéo. Une création magique qui confirme la polyvalence de l’estampe que s’emploie, une fois de plus, à illustrer avec brio la BIECTR.