L’audace de la peinture canadienne et québécoise des années 80 fait un retour sur les cimaises du Musée d’art contemporain de Montréal. L’exposition Peindre la nature avec un miroir évoque une proximité entre la diversité d’expressions de cette période et la peinture actuelle qui en aurait conservé quelques gènes…

Le report de l’amorce de la transformation architecturale du Musée d’art contemporain de Montréal a des bienfaits. Il prépare la voie à la genèse d’expositions qui permettent de redécouvrir des œuvres qui, sinon, seraient demeurées dans le silence isotherme des « catacombes » de l’institution. 

Conservateur au MAC, Mark Lanctôt a eu l’idée et l’énergie, dans un court laps de temps, d’adresser un clin d’œil à la peinture des années 80 en prélevant au sein de la collection du musée une vingtaine de tableaux et de dessins appartenant à ce singulier chapitre de l’histoire de l’art du pays.

Les années 80 ont été marquées par un nivellement des styles et une grande liberté d’expressions plastiques. L’abstraction moderniste s’était trouvée amalgamée à bien d’autres courants, issus d’un réel besoin d’ouvrir les vannes, de dynamiter les codes et de couper court à toute bien-pensance artistique. 

PHOTO NAT GORRY, FOURNIE PAR LE MAC

Mark Lanctôt

La fraîcheur de la peinture des années 80 m’avait sauté aux yeux. Mon intérêt s’est accru quand j’y ai vu des parallèles avec la peinture actuelle et les enjeux d’aujourd’hui.

Mark Lanctôt, conservateur au MAC

  • Vue de l’expo Peindre la nature avec un miroir présentée au MAC jusqu’au 15 mars. À gauche, Theatre in B/W and Colour : My Dog's Bones, 1984, de Gathie Falk. À droite, Famous Face, 1987, de Shirley Wiitasalo.

    PHOTO RICHARD-MAX TREMBLAY, FOURNIE PAR LE MAC

    Vue de l’expo Peindre la nature avec un miroir présentée au MAC jusqu’au 15 mars. À gauche, Theatre in B/W and Colour : My Dog's Bones, 1984, de Gathie Falk. À droite, Famous Face, 1987, de Shirley Wiitasalo.

  • Arctic Night, 1984, Kathleen Margaret Graham, acrylique sur toile, 127,1 cm x 152,3 cm. Collection Lavalin du Musée d’art contemporain de Montréal.

    PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

    Arctic Night, 1984, Kathleen Margaret Graham, acrylique sur toile, 127,1 cm x 152,3 cm. Collection Lavalin du Musée d’art contemporain de Montréal.

  • Are You Really Looking For Me? # 6, 1985, Susan G. Scott, huile sur toile, 142,2 cm x 162,5 cm. Collection Lavalin du Musée d’art contemporain de Montréal.

    PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

    Are You Really Looking For Me? # 6, 1985, Susan G. Scott, huile sur toile, 142,2 cm x 162,5 cm. Collection Lavalin du Musée d’art contemporain de Montréal.

  • Sans titre, 1981, Robert Houle, pastel à l’huile sur papier, 57 cm x 76,7 cm. Don de M. Luc LaRochelle. Collection du Musée d’art contemporain de Montréal.

    PHOTO RICHARD-MAX TREMBLAY, FOURNIE PAR LE MAC

    Sans titre, 1981, Robert Houle, pastel à l’huile sur papier, 57 cm x 76,7 cm. Don de M. Luc LaRochelle. Collection du Musée d’art contemporain de Montréal.

  • Three Graces, 1984, Medrie MacPhee, fusain et pastel sur papier, 78 cm x 122,5 cm. Don de Mme Mimi Fullerton et de M. Myer D. Brody. Collection du Musée d’art contemporain de Montréal

    PHOTO RICHARD-MAX TREMBLAY, FOURNIE PAR LE MAC

    Three Graces, 1984, Medrie MacPhee, fusain et pastel sur papier, 78 cm x 122,5 cm. Don de Mme Mimi Fullerton et de M. Myer D. Brody. Collection du Musée d’art contemporain de Montréal

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Dans les années 80, les artistes ont des choses à dire et, comme aujourd’hui, bien des enjeux à embrasser. On le sent avec l’immense tableau de Wanda Koop, Airplane. Moins graphique que ce qu’elle réalise aujourd’hui, mais avec cette grosse masse volante et mystérieuse, en suspension dans un ciel dramatique, qui nous fait penser aujourd’hui à un engin militaire tel un drone menaçant. Une atmosphère qui rappelle la guerre froide et les avions fantômes. 

PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

Plurial Possibilities (Possibilités plurielles), 1982, Carol Wainio, acrylique sur masonite. Collection du Musée d’art contemporain de Montréal depuis 1984.

Même chose avec la peintre Carol Wainio, dont la narration imagée dans Possibilités plurielles suggère l’aliénation des êtres humains. Ces petits personnages insignifiants pris dans un engrenage (dans la partie droite du tableau), anonymes (partie gauche), mais qui se tiennent par la main. 

PHOTO RICHARD-MAX TREMBLAY, FOURNIE PAR LE MAC

Entrée de l’exposition Peindre la nature avec un miroir 

Le titre de l’exposition, Peindre la nature avec un miroir, vient de l’huile Painting Nature with a Mirror, du peintre Ron Moppett (1945-), peu connu au Québec, mais célébré dans l’Ouest (tout comme son fils Damian). Une toile équilibrée, pleine d’ironie et d’humour. Avec un univers de conte de fées, abstraction et figuration mêlées. Et cette idée du miroir qui conduit l’artiste à s’inclure dans son œuvre. À s’exprimer, écartant l’idée de spontanéité, d’objectivité et de hasard. 

Tout comme le fait Sandra Meigs (1953-), Prix du Gouverneur général 2015, avec Live Now, une toile qui ne manque pas, elle non plus, d’ironie ni de fantaisie. Et ce cadre ! Tellement années 80 ! 

PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

Sans titre, 1983-1987, Martha Fleming et Lyne Lapointe, huile, crayon gras, peinture métallique, graphite, tissu, cuir, clous et papier sur contreplaqué. Don de Pierre Bourgie. Collection du MAC.

Belle idée de faire renaître une grande œuvre de Martha Fleming et Lyne Lapointe, Sans titre, une technique mixte peinte entre 1983 et 1987. Une œuvre qui a été exposée au Corona. Le théâtre de la Petite-Bourgogne n’accueillait plus, à ce moment-là, de comédiens sur sa scène, mais il a présenté l’exposition La Donna Delinquenta, aux airs de rébellion contre les injustices. Voici une œuvre féministe actuelle, qui parle de la marginalisation sociale et de l’industrie du spectacle. 

PHOTO DENIS FARLEY, FOURNIE PAR LE MAC

The Song of the Shirt, 1980, Leopold Plotek, huile sur toile, 226 cm x 180,5 cm. Collection du Musée d’art contemporain de Montréal. 

Plus abstrait et différemment engagé, The Song of the Shirt, de Leopold Plotek, découle de la vieille histoire syndicale d’une pauvre couturière. Employée d’une manufacture, elle revendait des bouts de tissus qu’elle subtilisait pour survivre. Mais elle s’est fait prendre, puis a été envoyée en prison.

PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

Fragment de Moving Toward Fire, une installation murale de Betty Goodwin réalisée en 1985 dans le cadre de l’expo Aurora Borealis des Cent jours d’art contemporain du CIAC, à Montréal. Sauvé par l’artiste, il avait été offert au galeriste René Blouin qui en a fait don au MAC.

Autre curiosité de l’exposition, la Nature morte à la petite table à café bleue, de Joseph Branco (1959-), acrylique sur bois et toile installée par Mark Lanctôt contre le mur, à l’entrée de la première salle d’exposition, ce qui lui donne une curieuse perspective et l’illusion de surfaces courbes. 

PHOTO RICHARD-MAX TREMBLAY, FOURNIE PAR LE MAC

Sans titre, 1987, François Morelli, pastel et fusain sur papier, 182,7 cm x 107,2 cm. Collection Lavalin du Musée d’art contemporain de Montréal.

Les autres artistes choisis par le conservateur pour illustrer ces années 80 sont Betty Goodwin, Sylvie Bouchard, Robert Houle, Joanne Tod, Susan G. Scott, Medrie Macphee, Leslie Reid, Gathie Falk, Shirley Wiitasalo, Harold Klunder, François Morelli et Kathleen Margaret Graham, avec son Arctic Night, un paysage jamais exposé et qu’elle avait peint à la suite d’un voyage dans le Grand Nord. 

Finalement, bon choix que d’avoir retenu une toile surprenante de Lynn Hughes. L’artiste et prof de Concordia est connue pour sa fibre numérique et son intérêt pour l’innovation. On apprécie donc d’autant sa peinture Still Life for David, hommage à Max Beckmann et œuvre dédiée au peintre montréalais David Elliott. 

« Comme pour d’autres artistes des années 80, Lynn testait les limites du bon goût, dit Mark Lanctôt. Dans la palette de Max Beckmann. Le poisson n’est-il pas remarquable ? ! » 

Peindre la nature avec un miroir, au MAC jusqu’au 15 mars.

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