« Si le gouvernement met 16 millions dans ce musée, les Québécois ont le droit de savoir ce qu’il fait avec cet argent, ça s’appelle de la reddition de comptes et au moment où je vous parle, il n’y en a pas », a affirmé la ministre de la Culture et des Communications Nathalie Roy, à la suite du dépôt du rapport Beaupré, jeudi.

Daniel Beaupré a été mandaté début août par le gouvernement du Québec pour faire l’analyse de la gouvernance du Musée à la suite du congédiement de la directrice générale du Musée, Nathalie Bondil, à la mi-juillet.

Dans un rapport de 80 pages déposé à l’Assemblée nationale jeudi matin, le professeur de l’École des Sciences de la gestion de l’UQAM rappelle que le ministère de la Culture et des Communications finance le Musée à 50 % en lui versant plus de 15 millions de dollars annuellement. C’est d’ailleurs une de ses recommandations principales : mettre en place des mécanismes de redditions de comptes du musée montréalais vis-à-vis du Ministère.

Une mesure que la ministre Roy a l’intention de mettre en place. « En ce moment, on ne reçoit même pas de plan stratégique, a-t-elle déploré au cours d’un entretien avec La Presse. Le gouvernement n’a aucun pouvoir sur le musée. Que ce soit sur la nomination du président du C.A. ou sur le directeur du musée. Donc c’est à revoir. Nous allons réviser la loi actuelle pour élargir les pouvoirs du gouvernement du Québec. »

Le rapport de Daniel Beaupré — dont plusieurs segments sont caviardés — recommande en effet au gouvernement de moderniser sa Loi sur le MBAM, qui date de 1972, afin de « clarifier les fonctions » de chacun et de « revoir les devoirs et responsabilités des administrateurs », en particulier des neuf personnes nommées par le gouvernement.

Des recommandations que la ministre Nathalie Roy accepte, même s’il n’est pas question pour elle de faire du MBAM un « musée national ».

« On voulait un diagnostic, et le rapport de M. Beaupré a confirmé qu’il y avait des problèmes de gestion et de gouvernance au Musée. Donc, en tant que gouvernement, il faut absolument agir pour nous assurer d’une saine gouvernance », a-t-elle dit, en précisant qu’un comité d’éthique et de gouvernance serait mis en place et que le rapport offrait des « pistes » intéressantes aux administrateurs « pour qu’ils revoient leur fonctionnement ».

À la lecture du rapport, on comprend que le bras de fer entre la directrice générale [Nathalie Bondil] et le président du conseil d’administration [Michel de la Chenelière], s’expliquerait entre autres par les différentes interprétations de la Loi sur le MBAM et son Règlement sur l’administration générale « qui ne sont pas compris de la même façon par toutes les parties » écrit M. Beaupré.

M. Beaupré illustre bien cette confusion en abordant la question de la création du poste de conservateur en chef et du processus d’embauche controversé ayant mené à la nomination par le C.A. de Mary-Dailey Desmarais.

Il cite d’abord l’article 6 qui indique que : « le directeur général est responsable de l’engagement et du congédiement du personnel de cadre supérieur et des employés de la Corporation », mais sous réserve d’un autre article (15), qui lui stipule que c’est le C.A. qui « ratifie la nomination et le congédiement du personnel-cadre ».

Cet article vient-il conférer le droit au C.A. de nommer d’autres dirigeants, et ce, avec ou sans l’aval de la direction générale ? demande M. Beaupré, qui propose par ailleurs de mettre en place un comité de ressources humaines permanent.

Concernant le climat de travail malsain allégué par des employés du Musée, M. Beaupré constate que le Cabinet RH qui a produit un rapport sur le sujet a suivi une « méthodologie rigoureuse ». Après avoir mené sa propre enquête, il conclut que « les résultats du diagnostic sont considérés comme valides et crédibles » et que le climat de travail au musée était un « problème significatif ».

Dans son chapitre sur les bonnes pratiques de gouvernance, M. Beaupré prend également soin de préciser que le président du conseil d’administration n’est pas « autorisé à s’ingérer dans les affaires courantes du Musée. Il contrôle, il surveille, il ne dirige pas les opérations. » « L’ingérence est reconnue comme une pratique à proscrire pour maintenir une bonne gouvernance. »

Daniel Beaupré aborde enfin la question du conflit d’intérêts, sans toutefois la trancher. « Comment faire pour établir concrètement une séparation adéquate de l’argent (les donations notamment) et du pouvoir (dont disposent les administrateurs). Par exemple, est-il admis d’endosser à la fois le rôle d’administrateur et de grand donateur du MBAM ? »

Le Conseil d’administration du Musée des beaux-arts de Montréal a brièvement réagi par voie de communiqué en fin de journée. « Le MBAM prend acte des recommandations contenues dans le sommaire exécutif du rapport de l’expert indépendant mandaté par la ministre de la Culture et des Communications du Québec. »

« Nous entreprendrons à cet effet des discussions que nous souhaitons constructives avec le Ministère a indiqué de son côté l’homme d’affaires et mécène, Pierre Bourgie, désigné par le C.A. pour remplacer Michel de la Chenelière à titre de président. Le Musée se concentre actuellement sur l’embauche de la nouvelle personne qui prendra en main la direction de l’institution de manière à définitivement tourner la page sur les événements des derniers mois. »

Une assemblée générale doit avoir lieu le 29 septembre prochain. Quatre femmes ont annoncé lundi qu’elles se présenteraient pour briser le statu quo du C.A. qui a congédié Mme Bondil. Il s’agit de Valentine Goddard, Lydie Olga Ntap, Caroline Codsi et Claudette Hould.

Rappelons que Nathalie Bondil a déposé une poursuite de deux millions contre les 21 membres du conseil d’administration qui l’ont congédié. Elle leur réclame 1 million en dommages moraux, ainsi qu’un million en dommages-intérêts punitifs pour « atteintes illicites et intentionnelles portées à ses droits fondamentaux de sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. »