(Montréal) Dans le but d’aider les artistes visuels établis au Québec et leurs galeristes, le Musée d’art contemporain de Montréal lance une campagne de financement pour lui permettre d’acquérir leurs œuvres d’art.

Le Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) se dit préoccupé par la précarité des artistes visuels du Québec et celle des galeries d’art contemporain, compte tenu de la pandémie de la COVID-19. Le musée et sa fondation sœur ont donc décidé de lancer « un mouvement collectif » pour les soutenir.

Le MAC a d’abord décidé de consacrer l’entièreté de son budget d’acquisition d’œuvres d’art de cette année pour acheter des créations d’artistes du Québec. Et l’organisme veut optimiser son aide aux artistes. Il veut doubler son budget d’acquisition 2020 de 300 000 $, au moyen d’une campagne de financement qui s’adresse principalement aux grands collectionneurs et aux partenaires du musée, mais aussi au public. L’objectif : acheter pour 600 000 $ d’œuvres d’art contemporain d’artistes établis au Québec d’ici le printemps 2021.

« Reconnaissant l’urgence d’agir et l’importance de soutenir les artistes, le MAC participe à l’appel collectif de sa Fondation en bonifiant immédiatement son budget d’acquisition de 50 000 $ », a fait savoir le musée par voie de communiqué.

« Le MAC est une institution incontournable du milieu des arts visuels au Québec et, à ce titre, nous devions agir pour soutenir notre communauté en étant à l’écoute de ce qui se passe et en respectant notre mission et notre mandat, dit John Zeppetelli, directeur et conservateur en chef du MAC. En bonifiant le budget d’acquisition du musée, nous voulons souligner l’importance du travail des artistes contemporains d’ici et de leurs collaborateurs, et contribuer à leur redonner espoir et confiance. »

John Zeppetelli considère que le MAC a une relation forte avec les artistes et les galeristes indépendants du Québec et qu’il se devait de poser des gestes. « On voulait aider ce milieu qui est parmi les plus précaires de notre économie, dit-il à La Presse. On ne parle pas de galeries new-yorkaises ici, mais d’un écosystème assez fragile au Québec. Essayons de le dynamiser. C’est un geste d’humilité et de solidarité qui donnera un peu d’espoir. »

La campagne de financement s’adresse bien sûr aux grands collectionneurs, au milieu corporatif et aux personnes bien nanties financièrement, mais John Zeppetelli pense que le grand public peut faire aussi preuve de générosité. « Même si c’est 20 $, ce sera un geste que l’on va apprécier », dit-il. Les dons auront droit à un reçu de charité.

Le MAC espère que les sommes recueillies permettront d’acquérir une trentaine d’œuvres d’art. Les critères de comité d’acquisition du musée (présidé par la photographe Geneviève Cadieux) ne changeront pas, mais le MAC se donne un mandat précis d’encourager des artistes de façon plus large qu’auparavant. « On va cibler la diversité et la parité des genres », dit John Zeppetelli. Le président du MAC, Alexandre Taillefer, a dit à La Presse que la diversité souhaitée assurera qu’au moins 20 % des œuvres acquises proviendront d’artistes issus des communautés ethniques et des Premières nations.

« On peut le voir comme une façon de combler les trous dans notre collection, mais aussi comme un geste d’assistance au milieu de l’art, dit M.  Taillefer. Ces acquisitions seront faites rapidement. Dans les prochains deux mois, on aura débuté et on paiera cash on delivery ! On va bouger très rapidement. »

Les acquisitions vont-elles être annoncées au fur et à mesure ? « Pourquoi pas, dit John Zeppetelli. Normalement, elles sont répertoriées dans le rapport annuel, mais c’est une bonne idée. » La campagne de financement se poursuivra jusqu’à la fin de l’année fiscale du MAC, soit jusqu’au 31 mars 2021.

Alexandre Taillefer estime que l’initiative du musée donnera une bouffée d’oxygène aux artistes et aux galeries. « Le marché des galeries d’art est complexe et quand on regarde historiquement, les achats que font les musées sont un montant important. Ce montant de 600 000 $ sera entièrement renvoyé à un maximum d’artistes et à un maximum de galeries. »

« C’est une décision d’une grande importance pour la communauté artistique québécoise, dit le galeriste montréalais Hugues Charbonneau. Une institution d’ampleur internationale comme le MAC possède toute l’expertise nécessaire pour bien orienter ces fonds. » Le directeur de la galerie Division, Dominique Toutant, a également fait savoir qu’il soutenait cette initiative du MAC. « Bravo pour cette réaction rapide ! », dit-il.

Le MAC pourrait rouvrir en juin ou en juillet avec d’importantes modifications pour tenir compte des précautions sanitaires nécessaires. Tout dépendra de l’évolution de la pandémie. À sa réouverture, il présentera une exposition d’artistes du Québec commissariée par les conservateurs Marc Lanctôt et François LeTourneux.