Les musées réfléchissent à l’après-pandémie. Un webinaire organisé, ce vendredi, par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Conseil international des musées (ICOM) a fait émerger des pistes de solution, dont une plus grande intégration sociale des musées. Une avenue empruntée depuis plusieurs années par le Musée des beaux-arts de Montréal, et louangée par les deux organismes.

La pandémie de la COVID-19 a gravement endommagé les économies du monde entier, dont le secteur culturel. Les musées, qu’ils soient publics ou privés, n’ont pas échappé à cette situation.

La coordinatrice Culture, Industries créatives et Développement local de l’OCDE, Ekaterina Travkina, qui animait le webinaire (auquel ont participé 1400 personnes du secteur muséal international) a fait observer qu’aux États-Unis, 30 % des musées ne pourront rouvrir sans aide financière. Notamment à cause d’un retour de l’activité touristique qui ne sera que très progressif et pas avant au moins six mois.

En attendant, les musées doivent combler leur manque de liquidités pour couvrir à tout le moins leurs coûts d’opération. Bien des musées privés ont dû mettre à pied du personnel. « Il faut un plan Marshall pour les musées », a suggéré Joan Roca, directeur du Musée d’histoire de Barcelone.

La situation des musées privés et celle des musées publics est bien différente, a fait observer Mattia Agnetti, secrétaire exécutif de la Fondation des musées de Venise (MUVE), qui estime qu’il faudra attendre « entre 10 et 12 mois » avant de retrouver une normalité dans le fonctionnement des musées.

Virage numérique

Tous les intervenants ont loué le virage numérique des musées. Si le numérique était auparavant une offre marginale pour la plupart des musées, il est devenu, par la force des choses, l’unique option actuellement.

Le chercheur britannique John Davies, travaillant pour Nesta, une fondation spécialisée dans l’innovation, a dit que la crise actuelle permet aux musées de se doter d’une audience fidèle sur le web.

Les musées se sont intégrés aux réseaux sociaux de façon intense, une forme de communication avec le public à la fois saine et génératrice de développement. « Mais l’option virtuelle est-elle capable de générer des revenus ?  », s’est demandé M. Agnetti.

« On doit changer nos façons de penser et travailler avec des partenaires non traditionnels », a proposé Inkyung Chang, la directrice et fondatrice du Iron Museum, en Corée.

Rôle social

Un des axes d’avenir d’un développement rentable et durable des musées semble être son intégration sociale. « Ce que l’on vit actuellement est une expérience qui doit nous permettre de changer d’attitude dans nos stratégies, a dit l’économiste italien Pier Luigi Sacco. Nous devons solidifier les relations entre les musées et la société. »

M. Sacco et d’autres conférenciers du webinaire ont loué la vision humaniste du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) qui œuvre au bien-être et à la santé de la population en plus d’être un diffuseur culturel et artistique. « L’exemple de Montréal devrait être appliqué ailleurs », a dit M. Sacco, qui encourage les musées du monde à intervenir différemment au sein de leurs communautés.

Les activités d’éducation et d’art-thérapie développées par le MBAM sur près de 4000 m2 et ses partenariats avec des scientifiques et des chercheurs du domaine de la santé, sont des initiatives d’une ampleur unique au monde.

Ekaterina Travkina a dit aux participants du webinaire que le Québec est le seul endroit au monde où un médecin (membre de l’association Médecins francophones du Canada) peut prescrire une visite muséale à un patient.

Nathalie Bondil, qui représentait le secteur muséal nord-américain pour ce webinaire, a insisté sur le rôle social et éducatif des musées. Évoquant la plateforme Éduc’art du MBAM, lancée dès 2017 grâce au soutien du Plan culturel numérique du gouvernement du Québec. Un programme virtuel distribué aux écoles des 17 régions de la province et créé à partir de la collection d’œuvres d’art du musée. Un programme qui prend tout son sens actuellement alors que les élèves sont confinés à la maison.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

La directrice du musée des beaux-arts de Montréal, Nathalie Bondil

« On n’aura dorénavant plus le même rapport avec nos plateformes numériques, a dit Mme Bondil à La Presse à l’issue du webinaire. C’est un des aspects formidables. Cette crise va faire en sorte que l’on développe encore davantage nos collaborations grâce aux plateformes numériques. Notamment des partages d’expertise avec d’autres musées. Ça va nous rapprocher encore plus. »

L’importance du rôle social des musées, on le voit actuellement en plein confinement, ajoute Mme Bondil. « C’est ce qu’on attend de nous, dit-elle. On existe pour la santé et le mieux-être de nos sociétés. C’est le sens-même de la définition officielle d’un musée au XXIe siècle par le Conseil international des musées. La crise est donc une excellente opportunité pour tous les musées de ne plus être centré sur leurs collections mais sur leur rôle social. »

En conclusion du webinaire, Nathalie Bondil a dit que la culture est un service essentiel, plus que jamais en période de confinement. « Quand on est isolé, c’est la culture qui nous unit et qui nous permet de nous évader, dit-elle. Les lieux de culture sont plus que jamais importants pour déconfiner les esprits. »