(New York) Le célèbre Nelson Rockefeller l’avait détruite en 1934, furieux de voir une figure de Lénine s’y être immiscée. Quatre-vingt-cinq ans après, la fresque L’homme, contrôleur de l’univers revient au musée Whitney de New York, dans une exposition à la gloire des muralistes mexicains et de leur influence au début du XXe siècle.

Intitulée Vida Americana : les muralistes mexicains réinventent l’art américain 1925-1945, l’exposition, visible au Whitney du 17 février au 17 mai, inclut, parmi plus de 200 œuvres, une reproduction de cette fresque magistrale de Rivera, de plus de 11 mètres sur 4, à partir d’une copie qu’il réalisa lui-même à son retour au Mexique.

Alors que les tensions migratoires entre le Mexique et les États-Unis sont au plus haut, « une exposition comme celle-là montre l’importance, l’innovation, la créativité et l’énergie issues de l’échange culturel entre nations », confie à l’AFP la commissaire principale de l’exposition, Barbara Haskill.

« Quand les artistes travaillent ensemble, il en résulte quelque chose d’immensément plus important et vital », dit-elle.

PHOTO LAURA BONILLA CAL, AGENCE FRANCE-PRESSE

L’organisation de l’exposition a pris 10 ans : les œuvres de 60 artistes différents, proviennent de plus de 40 musées et 20 collections privées réparties dans le monde entier, qui ont dû être transportées pièce par pièce, accompagnées d’un conservateur.

L’organisation de l’exposition a pris 10 ans : les œuvres de 60 artistes différents, proviennent de plus de 40 musées et 20 collections privées réparties dans le monde entier, qui ont dû être transportées pièce par pièce, accompagnées d’un conservateur.

Certains de leurs propriétaires « ont pleuré en voyant (leurs œuvres) quitter leur maison », a expliqué Adam Weinberg, directeur du Whitney, en présentant l’exposition à la presse.

Récit plus « inclusif »

Selon le musée, l’exposition réécrit l’histoire de l’art de façon plus « inclusive » — une tendance que l’on retrouve dans de nombreux domaines de la société américaine — et montre combien les Mexicains ont influencé l’art américain du début du XXe siècle, bien plus que les Européens ou l’École de Paris, longtemps présentés comme principale source d’inspiration.

C’est en observant le travail de José Clemente Orozco, David Alfaro Siqueiros ou Diego Rivera, adeptes d’un socialisme radical et nationaliste, que beaucoup d’artistes américains ont décrit l’impact de la crise des années 1930 et les injustices économiques et sociales qu’elle a provoquées.

Les artistes mexicains ont fourni un modèle pour exprimer des thèmes sociopolitiques pertinents pour la vie quotidienne des gens, explique Adam Weinberg.

Marcela Guerrero, conservatrice adjointe du Whitney, raconte comment Alfaro Siqueiros fut chargé de peindre une fresque dans la rue Olvera de Los Angeles — la plus vieille de la métropole californienne — représentant « un continent rempli de gens heureux et de palmiers ».

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L’exposition propose « une compréhension nouvelle de l’histoire de l’art qui reconnaisse l’influence de l’art mexicain.

Travaillant de nuit, avec un groupe d’artistes, il conçut en 1932 America Tropical : aux antipodes de cette vision heureuse, il choisit de représenter un indigène crucifié survolé par un aigle, comme une « inculpation de l’impérialisme américain », selon Mme Guerrero.

L’exposition propose « une compréhension nouvelle de l’histoire de l’art qui reconnaisse l’influence de l’art mexicain. Cela nous fait repenser à qui nous sommes et où nous sommes », souligne M. Weinberg.

L’influence des muralistes mexicains est indéniable chez des artistes américains comme Philip Guston, Charles Henry Alston, Jackson Pollock ou Jacob Lawrence.

Plusieurs de leurs œuvres, comme une série sur la migration des travailleurs noirs du sud au nord des États-Unis, signée Jacob Lawrence, font partie de l’exposition.

Vida americana permet aussi de voir des œuvres qui n’avaient pas été exposées aux États-Unis depuis des décennies, ou encore d’apprécier de grandes œuvres de Rivera, comme Danse à Tehuantepec (1928).

L’entrepreneur argentin Eduardo Costantini l’a achetée aux enchères en 2016 pour plus de 16 millions de dollars, en faisant l’œuvre latino-américaine la plus chère de l’histoire.