Jeudi dernier, Antoine Ertaskiran et Megan Bradley ont lancé leur nouvelle galerie Bradley Ertaskiran, à Montréal. Ambiance de fête, confiance en l’avenir et deux solides expos inaugurales dans une Parisian Laundry rafraîchie. La Presse en a profité pour rencontrer ces nouveaux « mariés » de l’art montréalais !
Megan Bradley et Antoine Ertaskiran n’ont pas uni leurs galeries respectives pour échapper à un péril financier ou pour la seule raison d’être plus forts. Amis depuis sept ans, ils ont plutôt eu envie de travailler ensemble, ayant des visions compatibles, pour ne pas dire similaires, du marché de l’art.
« Non, ce ne sont pas des raisons financières, car nos deux dernières années ont été nos meilleures en termes de ventes », dit Antoine Ertaskiran, qui avait ouvert sa galerie dans Griffintown en 2012. « On avait vraiment les mêmes objectifs, ajoute Megan Bradley, qui avait repris, l’an dernier, les rênes de la galerie du 3550, rue Saint-Antoine Ouest fondée par Nick Tedeschi. On fréquentait les mêmes foires et on voyait qu’on travaillait en parallèle. »
À la différence du secteur industriel, les fusions sont rares chez les galeries d’art au Canada, mais les deux galeristes pensent qu’ils seront plus et mieux étoffés à deux qu’auparavant, avec une vision plus large et le plaisir de travailler en équipe. « C’est bien de pouvoir travailler avec quelqu’un pour faire les bons choix », dit Megan Bradley.
Représentation
Ils ont décidé de représenter des artistes majoritairement québécois et canadiens tout en ayant un regard tourné vers l’extérieur. « Il y a tellement de talents ici, on sera toujours une galerie canadienne, dit Antoine Ertaskiran. Mais on voit le marché de l’art d’une façon plus globale. On fait des foires internationales et on a des clients à l’étranger. L’avantage, c’est que si un marché va moins bien, l’autre peut compenser. »
Tous deux ont présenté leurs artistes dans un grand nombre de foires et d’événements d’art contemporain, que ce soit à Toronto, New York, Milan, Miami ou Los Angeles. Cela dit, ils sont bien conscients que le succès passe par la force de leurs artistes. Ils ont donc dû faire des choix, et ç’a été difficile…
Sur les 35 artistes que représentaient les deux galeries, il n’en reste que 20, 9 provenant de la galerie Ertaskiran et 11 de la Parisian Laundry. De grands noms ne sont plus représentés par la nouvelle entité, notamment Jacynthe Carrier, Dominique Petrin, Martin Golland, Fabienne Lasserre et Dean Baldwin.
En s’associant, les deux galeristes ont toutefois créé une solide écurie : David Armstrong Six, Mathieu Beauséjour, Gabriele Beveridge, BGL, Jane Corrigan, Julia Dault, Marie-Michelle Deschamps, Kim Dorland, Jessica Eaton, Nicolas Grenier, Karen Kraven, Rick Leong, Luce Meunier, Aude Moreau, Veronika Pausova, Celia Perrin Sidarous, Jon Rafman, Erin Shirreff, Joseph Tisiga e Janet Werner.
« On voulait se donner un peu de place pour accueillir d’autres artistes et organiser des expositions d’artistes internationaux ici », dit Antoine Ertaskiran. Pour se donner les moyens de leurs ambitions, ils ont chacun conservé leur associé, si bien que la galerie aura quatre personnes à temps plein.
Le travail qu’on fait prend plus de personnes pour qu’on puisse faire les choses de la bonne manière à l’échelle à laquelle on veut arriver.
Antoine Ertaskiran
La nouvelle galerie se fera les dents à l’extérieur dans un peu plus d’un mois avec l’Armory Show, à New York, du 5 au 8 mars. En mai, elle devrait également être présente dans une importante foire internationale. « On ne veut pas augmenter le nombre, mais la qualité des foires pour nous permettre d’accéder aux meilleures foires », dit Megan Bradley.
L’ouverture d’une succursale à l’étranger trotte aussi dans leur tête. Quel galeriste n’en rêve pas ? Pour l’instant, les foires leur donnent accès à un marché élargi sans les responsabilités d’un lieu fixe. Ils envisagent aussi de s’associer de temps en temps avec d’autres galeries internationales, par exemple pour organiser des expositions temporaires ponctuelles communément appelées des pop-ups.
En attendant, les amateurs d’art contemporain peuvent apprécier la première expo de groupe du duo, Cause à effet. Leur commissariat partagé a créé un dialogue autour de l’objet et de ses transformations, de l’obsolescence, de l’empreinte ou encore de la transcendance avec une œuvre de Jeremy Shaw découlant de son corpus présenté à Venise en 2017.
Le bunker bétonné a, lui, été confié à Nicolas Grenier, qui y expose des tableaux poursuivant sa démarche tellement bien léchée de cartographie socioéconomique et politique, avec peut-être un peu plus de souplesse et de risque pris dans la forme.
Grenier invite aussi les visiteurs à participer à l’élaboration d’une future publication en remplissant un questionnaire sur leur vision du monde et de la vie en société. Une initiative en phase avec cette nouvelle galerie qui sera attachée à offrir aux amateurs d’art plus qu’un déploiement esthétique et conceptuel, mais une véritable expérience bonifiée par l’acuité du regard…
Cause à effet, expo collective, et Positions, de Nicolas Grenier, à la galerie Bradley Ertaskiran, jusqu’au 7 mars.
> Consultez le site de la galerie Bradley Ertaskiran : http://bradleyertaskiran.com/