Un Malécite, un Micmac et un Métis font partie du conseil d’administration de la Maison amérindienne, à Mont-Saint-Hilaire, seul musée québécois hors réserve géré par des autochtones. Rencontrés par La Presse, ils estiment être représentatifs d’une certaine modernité autochtone. Fiers de leurs origines et de la renaissance amérindienne actuelle.
Quand ils étaient enfants, le Malécite Richard Ruest et le Micmac Pierre Gagné cachaient leur véritable identité. Ne vivant pas dans une réserve, ils ne s’affichaient pas comme autochtones.
« On ne parlait pas de ça en famille, dit Pierre Gagné, policier à la Régie intermunicipale de police Richelieu–Saint-Laurent. Et je ne sais pas pourquoi. »
« On ne pouvait pas en parler non plus, ajoute Richard Ruest, résidant de Bromont dont l’entreprise est située à Kahnawake. Mes parents étaient au courant des pensionnats autochtones, mais n’en parlaient jamais. Ils voulaient oublier le passé. Moi, j’avais soif de savoir. »
En quelques décennies, les autochtones québécois sont passés du silence à la lumière, jugent Richard Ruest, Pierre Gagné et le Métis d’origine algonquine Michel Noël, trois des quatre membres du conseil d’administration de la Maison amérindienne, fondée en 2000 sur le terrain d’une érablière par le peintre et sculpteur d’origine française André Michel.
Depuis son arrivée au Québec en 1970, André Michel a multiplié les gestes pour favoriser de meilleures relations entre autochtones et non-autochtones. Bâtir un lieu de culture multination hors des réserves autochtones fut possible malgré bien des réticences, sans aucune aide de Québec et grâce à l’appui de Jean Paul Riopelle et d’amis autochtones.
La Maison amérindienne n’est pas seulement une institution qui expose les œuvres d’artistes autochtones (en ce moment Dominique Normand) et qui honore la mémoire artistique de Riopelle.
C’est aussi un lieu d’échanges et de partage, de réflexions sur l’environnement, de découvertes gastronomiques et de camps destinés à de jeunes Amérindiens qui veulent renouer avec leurs traditions.
Car aujourd’hui au Canada, la réalité autochtone fait que les Amérindiens sont de plus en plus nombreux à vivre hors réserve. Selon le recensement de 2016, on dénombrait, cette année-là au pays, 744 855 membres des Premières Nations (sans compter les Inuits). Parmi ces personnes, 55,8 % ne vivaient pas dans des réserves.
Michel Noël provient par exemple de la réserve algonquine Rapid Lake, dans le parc de La Vérendrye. En 2016, elle était la réserve de 764 autochtones, mais seulement 182 y résidaient.
« La plus grosse réserve amérindienne au Canada, c’est sans doute Montréal ! », dit Michel Noël.
Plus flagrant, selon Richard Ruest, aucun des 1360 Malécites du Québec ne vit dans sa réserve Wolastoqiyik Wahsipekuk, qui s’étend entre Notre-Dame-du-Portage et Rivière-du-Loup, dans le Bas-Saint-Laurent. Seul un bureau du conseil de bande se trouve à Cacouna.
Plus grande visibilité
Les Amérindiens québécois sont donc de plus en plus en contact direct avec les non-autochtones et bénéficient, depuis quelques années, d’une plus grande visibilité. Longtemps agent de développement au fédéral puis au provincial, Michel Noël a fait la promotion des arts autochtones dès les années 70.
« Je savais à l’époque que ce qui manquait aux autochtones, c’était leur visibilité à l’extérieur des réserves, dit-il. Actuellement, les Amérindiens ont le vent dans les voiles. Il y a une volonté de réconciliation. »
« La cohabitation est plus facile, ajoute Pierre Gagné. Un état d’esprit a changé. Les gens sont plus ouverts. » Selon Michel Noël, à cette plus grande ouverture s’est ajoutée une prise de parole des autochtones. « Pendant très longtemps, on n’a pas parlé, dit-il. On ne disait pas qui on était. Car dans la culture autochtone, tu ne parles pas au nom des autres. »
Les autochtones sont plus instruits qu’avant, donc plus ouverts au dialogue. « La tradition des autochtones, c’est l’oralité, dit Michel Noël. On a pris conscience que, pour progresser dans la vie, ça prend une éducation et l’expression par l’écriture. J’ai 1500 amis Facebook, dont de nombreux autochtones. Je les vois, leurs remises de diplôme à l’université… sans compter les nombreux ouvrages publiés aujourd’hui par des autochtones. »
La société québécoise et les autochtones ont évolué en même temps et le font maintenant de plus en plus ensemble. Le Québec et les Amérindiens vivent une Renaissance, selon Michel Noël.
« Je vois mes filles aller et je suis très optimiste, ajoute Richard Ruest. Les autochtones s’épanouissent et se développent. Mais il faut que la Maison amérindienne continue de promouvoir les cultures autochtones. » « La réconciliation, on y travaille depuis 20 ans », fait remarquer la directrice générale de la Maison amérindienne, Chantal Millette.
« Je crois qu’on est les Amérindiens de demain, dit Michel Noël. Dans quelques années, les autochtones seront encore plus nombreux à être instruits et à l’aise dans cette société. Mais pas obligatoirement intégrés. Tu n’es pas obligé de toujours crier sur les toits qui tu es, mais on assume qui on est. »
> Consultez le site de la Maison amérindienne : https://www.maisonamerindienne.com/
Richard Ruest
Président du C.A. de la Maison amérindienne ;
Membre de la nation malécite Wolastoqiyik Wahsipekuk (Bas-Saint-Laurent) ;
Habite à Bromont, président de Kaclauma, située à Kahnawake, qui distribue des produits agricoles certifiés bio.
Michel Noël
Vice-président du C.A. de la Maison amérindienne ;
Écrivain et ethnologue métis et algonquin ;
A vécu dans la réserve Rapid Lake (parc de La Vérendrye) avant d’aller s’instruire et de devenir professeur ;
Habite près de Joliette.
Pierre Gagné
Nouvelle recrue du C.A. de la Maison amérindienne ;
Policier micmac travaillant à la Régie intermunicipale de police Richelieu–Saint-Laurent ;
Originaire de Rimouski, il provient d’une réserve près de New Richmond, Gesgapegiag, mais n’a pas de relation avec elle.
André Michel
Artiste d’origine française, fondateur de la Maison amérindienne, en 2000, et de quatre autres musées : le Musée du Vieux-Poste à Sept-Îles, en 1975, le Musée régional de la Côte-Nord, en 1985, le Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire, en 1995, et le Musée du peuple innu, en 1998.
Chantal Millette
Directrice générale de la Maison amérindienne
Suggestions de lectures
Le peintre et l’Amérindien, de Michel Noël
Les visages de la terre, de Louis-Karl Picard-Sioui
Kukum, de Michel Jean
Le territoire dans les veines, de Jean-François Létourneau
Shuni, de Naomi Fontaine