Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a récemment acquis l’œuvre Sans titre/protection de Dominique Blain, une réflexion de l’artiste montréalaise sur la préservation du patrimoine artistique, car l’art fait souvent les frais des conflits. Créée il y a 30 ans, l’installation a été reconstituée dans le pavillon Jean-Noël Desmarais.

Pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), Venise et d’autres villes italiennes, en conflit avec l’Autriche-Hongrie, ont tenté de protéger leurs œuvres du déluge de feu. 

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’œuvre Sans titre/protection comprend des photographies montrant comment des villes italiennes ont protégé leur patrimoine artistique durant la Première Guerre mondiale.

« Si, aujourd’hui, Venise est telle qu’on la voit, c’est grâce aux efforts gigantesques de la population pour protéger son patrimoine », dit Dominique Blain, qui a été inspirée par les photographies du livre Les monuments italiens et la guerre, publié par le journaliste et écrivain italien Ugo Ojetti en 1917. 

PHOTO WAYNE CULLEN, FOURNIE PAR DOMINIQUE BLAIN

Dominique Blain, lors du vernissage de son exposition Déplacements présentée depuis le 27 septembre
et jusqu’au 14 janvier au Centre culturel canadien, à Paris.

Ces photographies montrent comment les citoyens ont protégé leurs édifices et œuvres d’art des bombardements en construisant de véritables murs avec des sacs de sable. Ce fut le cas de la peinture La Madone de Cimabue, de l’Anglais Frederic Leighton, abritée par une colonne de sacs dans l’église Santa Maria Novella, à Florence. 

« Ça donnait des sculptures très étranges, dit Dominique Blain. Visuellement, j’ai trouvé ça émouvant, car ces monuments existent encore, comme la statue de Colleoni, à Venise. »

PHOTO FOURNIE PAR DOMINIQUE BLAIN

Monument Colleoni, Venise

La statue équestre en bronze du condottiere (chef d’armée) Bartolomeo Colleoni avait été recouverte d’une construction de fortune, en bois et en sacs de sable, afin de la protéger autant que possible.

Dominique Blain s’attache dans sa pratique à réfléchir sur les enseignements des événements historiques. Pour évoquer cet épisode de la vie italienne, elle avait créé, en 1989, Sans titre/protection, qui place le visiteur dans un contexte de menace puisqu’on se retrouve entouré de sacs empilés, dans une atmosphère un peu étouffante. Comme dans une tranchée de la Première Guerre mondiale.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal

Présentée aux 4es Cent jours d’art contemporain de Montréal, en 1989, l’installation a été acquise par le MBAM à la suite du don du collectionneur Erik Deslandres. C’est la 12œuvre de Dominique Blain au sein de la collection du musée.

« Dominique est une artiste chère à mon cœur pour son engagement, sa constance, sa sincérité, sa générosité et sa cohérence, dit Nathalie Bondil, directrice générale du MBAM. Elle s’impose dans notre collection depuis longtemps avec plusieurs installations majeures. Son sens esthétique allié à un propos sans concession nous engage pleinement, comme ici, avec cette expérience mémorielle immersive. Sans titre/protection nous rappelle que le monde n’est pas un espace sûr. »

Depuis le 27 septembre, Dominique Blain présente au Centre culturel canadien, à Paris, l’exposition Déplacements.

PHOTO FOURNIE PAR DOMINIQUE BLAIN

La grande galerie du Louvre, 1939. Fonds Marc Vaux, Bibliothèque Kandinsky

Avec notamment la sculpture Monuments II, qui rend, elle aussi, hommage à la sauvegarde des œuvres déplacées depuis le musée du Louvre lors de la Seconde Guerre mondiale. 

Elle a construit une caisse sur le modèle de celle qui a servi à transporter la peinture L’assomption de la Vierge, du Titien, aujourd’hui située dans la basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari, à Venise.

PHOTO VINCENT ROYER, OPENUP STUDIO/CENTRE CULTUREL CANADIEN, PARIS, FOURNIE PAR DOMINIQUE BLAIN

Monuments II, 2019, Dominique Blain, installation composée d’une sculpture (bois, corde, métal, reconstruction de la caisse de Monuments, 1997-1998, appartenant à la collection du MNBAQ) et de 11 photos de dimensions variées.

« Ces questions sont fascinantes, dit Dominique Blain. On peut se demander pourquoi on protège des œuvres alors que des humains meurent sous les bombes. Mais c’est indissociable. En 1917, les Vénitiens étaient prêts à mourir dans la beauté, avec leurs œuvres. Ces gestes parlent de résistance, d’espoir et de mémoire. Il était important de réactiver cette mémoire. »

Sans titre/protection, pavillon Jean-Noël Desmarais du MBAM, au moins jusqu’en mai 2020

Regardez une vidéo de l’expo

Lisez le communiqué du MBAM