(Rio de Janeiro) « Je ne m’y connais pas en armes, je m’y connais en art », affirme Rodrigo Camacho en s’emparant d’un fusil d’assaut AK-47 rutilant qu’il a confectionné à partir de balles dans son atelier de Rio de Janeiro.

Fervent admirateur de la police, de l’armée et du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, ce Brésilien de 40 ans crée des tableaux et des sculptures avec des munitions usagées récupérées dans les clubs de tir ou les lieux d’entraînement de la police.

« Je veux montrer que chacune de ces balles est passée dans la main d’un policier, d’un soldat, d’un sergent, de personnes qui s’entraînent pour nous défendre », explique Rodrigo Camacho à l’AFP.

Dans son atelier, installé dans son garage, il stocke des milliers de cartouches, balles et munitions, dans diverses caisses en bois.

Avec dextérité et patience, cet ancien étudiant en architecture les transforme en des œuvres dont le dessin se révèle lorsqu’on les observe à distance.

« Certains comparent mon travail à l’art des tranchées », raconte-t-il en référence aux pièces que sculptaient les poilus de la Première Guerre mondiale dans des restes d’obus.

PHOTO MAURO PIMENTEL, AFP

Cela fait un an et demi à peine que Rodrigo Camacho s’est lancé dans cette activité.

« Mais je me considère comme un artiste brésilien » qui « croit en son pays », dit-il. Une foi qu’il porte à même la peau avec la partition de l’hymne national tatouée sur un avant-bras.

Parmi ses œuvres figurent des portraits d’hommes politiques — dont deux de Jair Bolsonaro —, des emblèmes d’unités de police ou de bataillons militaires, la réplique d’un AK-47 et celle du trône de fer de la série américaine Game of Thrones qu’il avait présentée à une foire internationale des armes à Rio de Janeiro.

« Je travaille avec des personnes et des choses controversées », reconnaît le quadragénaire.

Un artiste de l’ère Bolsonaro

Cela fait un an et demi à peine que Rodrigo Camacho, qui vit avec son épouse, médecin, s’est lancé dans cette activité.

Une visite au commandement du Bataillon des opérations spéciales (BOPE) de la police militaire de Rio de Janeiro a été un déclic pour celui qui ne confectionnait jusque-là que des pièces de menuiserie et de décoration à la demande.

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Rodrigo Camacho devant l'une de ses oeuvres.

« Un ami sous-commandant du BOPE m’a invité au quartier général pour fabriquer un banc avec des palettes […] Quand j’ai vu les cartouches sur le sol, j’ai eu l’idée de les utiliser pour faire une tête de mort », emblème du bataillon, explique-t-il.

La pièce a été utilisée pour commémorer les 40 ans du bataillon. Elle a donné le coup d’envoi d’une activité qui ne permet pas encore à l’artisan d’en vivre, mais lui a assuré une visibilité nationale, en particulier lorsqu’il a offert un de ses portraits à Jair Bolsonaro.

Avec fierté, Rodrigo Camacho montre sur son téléphone cellulaire une vidéo où on le voit remettre son œuvre au président : dans des tons noirs et dorés se dessine le visage sérieux de Jair Bolsonaro sur une structure qui reprend la forme du Brésil.

« La première fois que je l’ai vu, j’ai regardé ses yeux et j’ai senti sa conviction. Si Dieu le veut, il va changer ce pays. Pas d’un jour à l’autre, mais d’ici trois ans », estime-t-il au sujet du chef de l’État proarmes.

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Rodrigo Camacho s’empare d’un fusil d’assaut AK-47 rutilant qu’il a confectionné à partir de balles dans son atelier de Rio de Janeiro.

Rodrigo Camacho est également un grand admirateur du gouverneur de Rio, Wilson Witzel, élu en octobre sur la ligne sécuritaire du président et qui a admis le recours à des snipers pour lutter contre la criminalité dans les favelas.

« Rio a besoin d’une main de fer », soutient l’artisan.

Depuis qu’il a réalisé les portraits de Bolsonaro et de Witzel, les commandes affluent, en particulier de la part d’unités de police et de casernes militaires qui souhaitent décorer leurs locaux avec des œuvres qui exaltent leur mission.

L’artisan ne se fait quasiment jamais payer. La plupart du temps, il échange simplement son œuvre contre d’autres munitions.

Son œuvre favorite, réalisée pour un séminaire consacré aux policiers morts ou blessés à Rio, montre la silhouette d’un policier soutenu par des béquilles, qui exécute un salut militaire devant la tombe de collègues décédés.

« Ce sont eux les véritables héros », confie-t-il avec émotion.