(Paris) Lucrèce, tableau de la peintre baroque Artemisia Gentileschi, qui met en scène l’honneur outragé d’une femme, sera proposé mercredi à Paris aux enchères chez Artcurial, pour une estimation de base entre 600 000 et 800 000 euros (875 000 $ et 1,2 million $), a annoncé à l’AFP la première maison de ventes française.

Cette œuvre de cette femme peintre de la première moitié du XVIIe siècle italien (1593-1654), a été découverte récemment dans une collection lyonnaise où elle se trouvait depuis plus de 40 ans.

De 95,50 sur 75 cm, ce tableau est une nouvelle pièce maîtresse de la peinture ancienne mise en vente en France cette année après le Caravage de Toulouse et le Cimabue de Senlis. Un chef-d’œuvre du peintre Bernardino Luini, qui travailla un temps pour Léonard de Vinci, sera mis aux enchères le lendemain à Drouot.

Selon Éric Turquin, expert d’art ancien, qui s’était penché sur Caravage et Cimabue, ce tableau est « digne des plus grands musées du monde » et « nous parvient dans un état de conservation exceptionnel », ce qui est « très rare » pour un tableau de cette époque.

L’expert y voit « une volonté de choquer, de percuter, d’aller chercher le spectateur, qui est caravagesque ».

Cette toile, qui est à rapprocher de l’Esther et Assuérus conservé au Metropolitan Museum de New York, a été exécutée dans les années 1630, au cours du premier séjour napolitain de l’artiste.

Les œuvres d’Artemisia sont très rares sur le marché. L’artiste mena une brillante carrière internationale, recevant des commandes des grandes cours européennes. Tombée dans l’oubli pendant près de deux siècles, elle fut redécouverte par l’historien de l’art Roberto Longhi dans les années 1910.

Le record pour Artemisia s’élève à 2,8  millions d’euros (4 millions $) pour un tableau vendu en décembre 2017 à l’Hôtel Drouot, représentant Sainte Catherine d’Alexandrie.

Matthieu Fournier, directeur du département Maîtres anciens d’Artcurial, explique qu’Artemisia incarne parfaitement les luttes féminines du XXIe siècle.

« C’est une œuvre autobiographique : Lucrèce, patricienne romaine outragée par le fils du dernier roi de Rome, va par son suicide, renverser la royauté et établir la république ».

« L’histoire d’Artemisia est directement calquée sur cette histoire, sauf qu’Artemisia décide d’offrir une autre tournant à sa vie. Elle a été outragée par Agostino Tassi qui collabora avec son père Orazio Gentileschi. Elle décide de déclencher un procès pour faire en sorte qu’Agostino Tassi soit condamné. Le procès est gagné. Elle offre ainsi un destin salvateur à sa vie de femme et à sa carrière d’artiste ».