(Shanghai) Le Centre Pompidou, inauguré mardi à Shanghai par Emmanuel Macron, est la première implantation hors d’Europe du musée d’art moderne et contemporain parisien, qui espère séduire davantage de Chinois.

Le bâtiment de verre et de béton, d’une superficie de près de 25 000 m2, est situé au bord du Huangpu, la rivière qui traverse la métropole de 24 millions d’habitants, jadis surnommée le « Paris de l’Orient ».

Présenté comme le « plus important projet d’échange et de coopération culturels » franco-chinois, il résulte d’un partenariat de cinq ans avec le développeur local West Bund, propriétaire et exploitant des lieux.

« La Chine est aujourd’hui un centre majeur pour la création artistique », a déclaré à l’AFP Serge Lasvignes, le président du Centre Pompidou, pour justifier cette nouvelle implantation.

« C’est aussi un lieu essentiel pour constituer un nouveau public », car il y a un vivier de gens « jeunes et passionnés » qui « progressivement, apprécient l’art contemporain et moderne », souligne-t-il.

Emmanuel Macron, présent à l’inauguration avec le musicien français Jean-Michel Jarre, sa compagne l’actrice Gong Li, et le réalisateur Guillaume Canet, a célébré dans un discours « l’amitié entre la Chine et la France » et salué un nouvel espace ayant une « part d’universel ».

Concrètement, le musée parisien prêtera de 2019 à 2024 des œuvres à ce lieu shanghaïen, nommé « Centre Pompidou x West Bund Museum Project », où il sera également chargé de la programmation (expositions, spectacle vivant).

Des employés venus de Paris sont aussi envoyés à Shanghai afin d’apporter leur expertise au personnel local, notamment en matière de conservation des œuvres et d’organisation d’ateliers jeune public.

« Plus instruits »

Le partenaire chinois, West Bund Development Group, est l’entreprise publique chargée du développement et de l’exploitation du district shanghaïen de Xuhui. Avec notamment l’ambition d’en faire un des principaux quartiers culturels d’Asie.

« L’un de mes espoirs, c’est qu’une fois que le Centre Pompidou sera davantage connu en Chine, on aura davantage de visiteurs à Paris », déclare Serge Lasvignes.

Il mise notamment sur l’évolution des habitudes de voyage des Chinois, dont le pouvoir d’achat a explosé en 20 ans.

« Jusqu’ici, c’était un tourisme de voyage organisé. Avec des gens qui restaient très peu à Paris et allaient surtout voir quelques incontournables : Notre-Dame, le Louvre et Versailles », note-t-il.

« Mais aujourd’hui se développe un tourisme de couples, avec des gens plus jeunes et plus instruits, qui resteront davantage et du coup, pourront faire une halte au Centre Pompidou. »

Conçu par l’architecte britannique David Chipperfield, le bâtiment shanghaïen est également équipé d’un auditorium, d’un espace pour les œuvres multimédia et d’une galerie consacrée aux jeunes artistes locaux.

Il est parfois délicat d’exposer en Chine : les autorités contrôlent étroitement les œuvres, afin de s’assurer qu’elles ne sont pas subversives.

« Le Centre Pompidou n’a pas un contact direct avec le Bureau de la censure à Shanghai », indique Serge Lasvignes. « C’est notre partenaire, West Bund, qui discute avec eux ».

Traduction et censure

« Notre rôle, c’est d’expliquer, de la façon la plus détaillée possible, en quoi consistent les œuvres, ce qu’elles signifient. »

Le président du Centre Pompidou fait état de « difficultés » pour une exposition vidéo, car « il faut traduire » tous les textes pour les autorités de censure.

« En revanche, du côté des arts plastiques, les choses se sont passées facilement », souligne-t-il.

Outre Paris, le Centre Pompidou a déjà ouvert des antennes muséales à Metz en 2010, à Malaga (Espagne) en 2015 et à Bruxelles en 2018. L’institution dit posséder la plus riche collection d’art moderne et contemporain en Europe.

Le but de l’implantation en Chine est également de pouvoir enrichir les collections du Centre Pompidou de Paris avec davantage d’œuvres d’artistes chinois, souligne Serge Lasvignes.

« Il faut le faire à bon escient, et pendant qu’il en est encore temps, avant qu’elles deviennent inaccessibles, notamment du point de vue financier. »

Le Centre Pompidou Shanghai ouvrira au public vendredi. Mais quid de l’après-2024, lorsque le partenariat arrivera à son terme ?

« Soit on arrêtera, soit on continuera, comme on vient de le décider avec Malaga, où on a renouvelé pour cinq années supplémentaires », explique M. Lasvignes.