Tout le contenu du bureau et de l’atelier de l’écrivain de l’ombre, Réjean Ducharme, décédé il y a deux ans, a été légué au Musée de la civilisation de Québec par sa Succession. C’est l’exécutrice littéraire et testamentaire Monique Jean qui en a fait l’annonce ce matin au TNM, en présence du directeur général du Musée, Stéphan La Roche et de la directrice générale et artistique du théâtre Lorraine Pintal.

Le don inclut la bibliothèque personnelle de Réjean Ducharme, ainsi que tous ses livres, son bureau, des cadres, des photos et une multitude de petits objets. Quant à l’atelier, il comprend bien sûr tous ses outils, mais surtout quatre de ses Trophoux, ces sculptures/collages faits de débris que Ducharme signait de son pseudonyme Roch Plante.

« Cette donation est faite en reconnaissance de la dette de Ducharme envers tous ceux et celles qui ont accepté tout simplement, d’un accord tacite, sa discrétion, a affirmé Monique Jean. Pour les remercier d’avoir accepté les conditions qui lui étaient nécessaires pour écrire et accéder à la liberté qu’il recherchait. »

Le choix du TNM n’était pas innocent, Réjean Ducharme ayant légué au théâtre ses droits d’auteur et de parolier sur toutes ses œuvres publiées, jouées ou enregistrées. Romans, pièces de théâtre, scénarios de films et paroles de chansons appartiennent désormais à « sa maison de théâtre », qui a notamment monté ses pièces HA ha ! et L’hiver de force.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Lorraine Pintal, directrice générale et artistique du TNM, était présente pour l'annonce du legs du contenu du bureau et de l'atelier de Réjean Ducharme au Musée de la civilisation de Québec.

En juin prochain, le TNM présentera d’ailleurs L’avalée des avalés, que Mme Pintal mettra en scène. La nouvelle salle de répétition du TNM, qui sera prête en 2022, sera également baptisée la salle Réjean-Ducharme.

Des photos du bureau et de l’atelier de Ducharme témoignent de la richesse du contenu (épars) qui s’y trouve. On a pu voir entre autres une table de chevet dans l’état où elle a été trouvée après sa mort, en 2017, avec au moins deux dictionnaires ouverts dessus. Une boite à outils, ainsi que le collier de son chien Blaize, font également partie de la collection.

Le Musée de la civilisation s’est félicité d’enrichir le patrimoine culturel des arts vivants, le legs de Ducharme s’ajoutant entre autres au piano de Claude Léveillée, à l’ensemble du décor, costumes et accessoires de la pièce Broue (qui fera l’objet d’une expo le 29 octobre), ou encore de la collection des costumes conçus par le regretté François Barbeau.

PHOTO MONIQUE BERTRAND, FOURNIE PAR LA SUCCESSION RÉJEAN DUCHARME

Le bureau de Réjean Ducharme

Stéphane La Roche s’est d’ailleurs engagé à présenter, d’ici 2022, une exposition où seront reconstitués à l’identique le bureau et l’atelier de l’écrivain. « Ce don permettra aux gens d’entrer dans l’intimité de l’artiste », a précisé Mme Jean, qui a fondé l’OBNL Les Amitiés ducharmiennes.

Règlement à l’amiable

Cette annonce met également fin au litige concernant les sept Trophoux de Ducharme. Dans son testament, l’énigmatique écrivain avait indiqué qu’il léguait ses Trophoux signés Roch Plante à ses amis collectionneurs Charles Forget et Stefan Georgesco, qui possèdent déjà une soixantaine de ces œuvres. Or, seuls trois Trophoux étaient signés « RPlante ».

Monique Jean, une amie de longue date de Ducharme et de sa compagne Claire Richard (décédée un an avant lui), qui est l’exécutrice testamentaire, avait décidé d’appliquer à la lettre le testament de l’écrivain. Les deux hommes avaient répliqué en déposant une poursuite civile le 28 mars dernier pour récupérer les quatre autres Trophoux.

PHOTO MONIQUE BERTRAND, FOURNIE PAR LA SUCCESSION RÉJEAN DUCHARME

L'atelier de Réjean Ducharme

Mme Jean a confirmé à La Presse qu’elle avait signé une entente à l’amiable avec MM. Forget et Georgesco, il y a une semaine, pour que ces quatre Trophoux fassent partie du don offert au Musée de la civilisation. « Ça a toujours été mon intention d’inclure les Trophoux qui étaient dans l’atelier de Réjean Ducharme, comme c’était mon objectif de ne pas dissocier la bibliothèque des livres », a-t-elle simplement indiqué.

Les journaux, calepins et manuscrits de l’écrivain avaient quant à eux été légués aux Archives nationales du Canada à la suite de son décès.