Le Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny propose, jusqu’au 2 juin, Ellipses, une expo inédite consacrée aux œuvres de l’artiste québécois et catalan Jordi Bonet (1932-1979) ainsi qu’aux créations de sa conjointe, la céramiste Huguette Bouchard-Bonet, et à celles de leur fils Laurent Bonet.

Cela fera 40 ans à Noël que Jordi Bonet, le dessinateur, peintre, muraliste, céramiste et sculpteur installé au Québec en 1954 mourait d’une leucémie. Fondateur de la revue d’art Parcours, Robert Bernier a décidé de rendre hommage à l’artiste originaire de Barcelone en explorant ce qu’a été la richesse de son œuvre tout en y associant les réalisations d’Huguette Bouchard-Bonet et de Laurent Bonet.

Le commissaire a uni leurs trois productions tout en les présentant dans des espaces bien délimités par un éclairage jaune pour Jordi Bonet, bleu pour son fils et rouge pour sa conjointe. Une scénographie soignée qui confère esthétisme et douceur au déploiement des œuvres. 

Créateur prolifique

Ellipses présente des sculptures, plusieurs murales, quelques peintures, des dessins, des céramiques et des techniques mixtes du créateur prolifique qu’était Jordi Bonet. Ont été placées côte à côte les œuvres les plus anciennes, notamment une peinture sur plaque de bois de 1953, et celles qui ont été réalisées durant les quatre dernières années de sa vie. Celles-ci constituent le mystique Livre des naissances, quelque 200 œuvres sur papier évoquant le parcours de vie de Jordi Bonet, sa lutte contre la maladie et sa quête de sérénité. 

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Fondateur et rédacteur en chef de la revue Parcours, Robert Bernier, commissaire de l’exposition Ellipses, est parvenu à rassembler un grand nombre de créations de la famille Bonet.

« Jordi Bonet parle de la mort dans son travail, bien sûr, mais il fut aussi un des premiers, avec Paterson Ewen, à s’intéresser à la nature au-delà de la nature, dit Robert Bernier. Pas dans sa représentation physique ou mentale, mais dans quelque chose qui va plus loin, soit la cosmologie et l’homme et la nature dans l’univers. » 

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Testament artistique et de vie, le Livre des naissances, constitué de quelque 200 œuvres dessinées et peintes, 
a été créé par Jordi Bonet à la fin de sa vie, de 1976 
à 1979.

Les œuvres de Jordi Bonet, avec leurs symboles cosmiques récurrents, témoignent du goût qu’il avait d’explorer la matière, mais aussi de ses états d’âme. De la joie à la souffrance, de la légèreté à la densité, de la clarté à l’opacité. 

« Son œuvre a une dimension sociale, dit Robert Bernier. En même temps, elle est très personnelle. Jordi était de la génération où la liberté n’était pas qu’un mot mais vécue au quotidien. Comme l’ont fait les automatistes. » 

La controverse à Québec

Jordi Bonet a réalisé un grand nombre d’œuvres d’art public, au Québec et à l’extérieur, ce que nous rappelle une vidéo. Ce document évoque aussi la fameuse controverse liée à son immense murale du Grand Théâtre de Québec, inaugurée en 1971, avec sa provocante inscription « Vous êtes pas écœurés de mourir bande de caves ! C’est assez ! », citation de son ami poète Claude Péloquin. Une envolée alors peu prisée par la frange frileuse de la province, mais Jordi Bonet, comme on le voit lors de la conférence de presse du 29 mars 1971, avait balayé les critiques d’un revers de main. 

« Ce fut la dernière œuvre publique qu’il fit sans plan, dit Robert Bernier. Après, il a dû soumettre les détails avant la création ! Ce fut le début de la fin de la liberté, car quand on regarde l’art public aujourd’hui, c’est un art très sage et sans polémique, car tout le monde la fuit ! » 

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Ange, 1973, Jordi Bonet, bronze, 50 po x 16 1/2 po x 16 1/2 po. Collection Lune Rouge.

Parmi les sculptures exposées à Repentigny, le commissaire a retenu L’ange, un bronze de 1,27 m de hauteur, quelques pièces en aluminium, notamment son Mouvement de vagues, qui ressemble au drapeau américain, et quelques murales, dont Homme, de 1973. 

Laurent Bonet

On découvre ensuite les œuvres de Laurent Bonet, polyvalent comme son père et influencé par la force narrative de sa mère. Pris en sandwich entre deux parents artistes, Laurent Bonet est parvenu à trouver sa place, son unicité. Nous avons beaucoup aimé ses toiles – qui illustrent une belle aisance picturale – et bien apprécié ses sculptures en forme de table, utilisant le bois, l’aluminium ou la résine.

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Huguette Bouchard-Bonet

D’Huguette Bouchard-Bonet, Robert Bernier a retenu une douzaine de petites sculptures en céramique, oniriques et classiques, qui témoignent d’une solide dextérité et couvrent sa production des années 60 jusqu’au début du millénaire. C’est la céramique qui a permis au couple de survivre après son mariage en 1956. Et ce, grâce à l’aide du potier Jean Cartier qui leur a ouvert les voies de l’argile cuite, des voies qui conduiront Jordi Bonet sur la piste des murales. 

L’exposition Ellipses s’achève le 2 juin. Elle mériterait de partir en tournée, tant la réunion inédite de toutes ces œuvres vaut le détour, notamment parce qu’elles témoignent de l’héritage puissant qu’a laissé ce Québécois d’adoption parti trop tôt.

Ellipses, au Centre d’art Diane-Dufresne, jusqu’au 2 juin

Cinq murales de Jordi Bonet à Montréal 

– Huit tympans en hommage à Antoni Gaudí, au-dessus des portes d’entrée de la salle Wilfrid-Pelletier, à la Place des Arts 

– Une murale au cégep du Vieux Montréal 

– Deux murales à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) 

– L’homme soleil à l’Auberge Saint-Gabriel, dans le Vieux-Montréal

– L’œuvre Citius, Altius, Fortius, à la station de métro Pie-IX