(Londres) Banksy a frappé encore une fois : l’artiste de rue le plus célèbre de la planète aurait offert une nouvelle œuvre à un mouvement écologiste britannique, dans la nuit de jeudi à vendredi, au centre-ville de Londres.

L’artiste anglais se serait faufilé parmi les militants d’Extinction Rebellion alors qu’ils soulignaient la fin de leur campement urbain dans un grand square près de Hyde Park, à l’ombre de Marble Arch, un arc de triomphe du XIXe siècle.

Le résultat : la représentation d’une fillette accroupie qui tient un panneau orné du logo du groupe environnementaliste après avoir planté une pousse. Elle semble prononcer les mots qui ont été inscrits près d’elle : « À partir de maintenant, le désespoir prend fin et la stratégie doit débuter. » Le tout sur un muret de béton d’un petit mètre de hauteur, ignoré de tous il y a encore quelques heures.

PHOTO MATT DUNHAM, ASSOCIATED PRESS

Banksy, dont la réelle identité demeure secrète depuis des années, n’a pas encore revendiqué l’œuvre, mais les spécialistes vers lesquels s’est précipitée la presse britannique tendaient vendredi à croire qu’elle était authentique.

Vrai ou pas vrai ?

C’est aussi ce que veut croire Luisa Marino, une amatrice d’art qui travaille tout près de là. « J’ai vu la nouvelle et j’ai décidé de venir », a-t-elle dit à La Presse, passant d’un côté à l’autre de l’œuvre pour la prendre en photo sous des angles différents. « Je ne suis pas une experte, mais je suis allée à certaines de ses expositions. »

L’allure de Mme Marino, une psychologue à l’air impeccable dans son trench-coat beige et portant des lunettes à la mode, tranchait radicalement avec les rastas et la barbe hirsute de Jasha Schmidt, un manifestant qui levait le camp après avoir pris part à l’action d’Extinction Rebellion. 

« C’est joli. Il a compris l’esprit de la révolution et il l’a affirmé clairement. » — Jasha Schmidt, manifestant du mouvement écologique Extinction Rebellion, à propos de l’œuvre

Tout près, son camarade Calvin Benson appelait les services municipaux en exigeant que l’œuvre soit protégée, alors que la pluie commençait à tomber. Le chien d’un sans-abri passait dangereusement près de la peinture, tout comme une jeune femme qui avait décidé qu’elle voulait toucher un (présumé) Banksy avant que des mesures de sécurité ne soient prises.

Helen D., une manifestante qui refuse de fournir son nom de famille, a pris part à la fête de clôture du campement jeudi soir, avant de revenir sur place vendredi après-midi. Elle espère secrètement s’être trouvée dans le même square que Banksy. « J’ai soutenu les manifestations toute la semaine. L’image, c’est comme une grande finale […], une déclaration forte », a-t-elle affirmé. « C’est sûr que c’est lui. J’en suis persuadée. Mais personne ne sait à quoi il ressemble… »

Une large partie de la production de Banksy aborde des enjeux environnementaux ou sociaux, mais ils transmettent rarement (voire jamais) un appui clair à une organisation en particulier. À la fin de 2018, l’artiste avait orné un mur d’une ville industrielle du pays de Galles d’une œuvre montrant un enfant sur lequel tombe un épais nuage de pollution. Celle-ci a été achetée au propriétaire du mur et sera déplacée dans un musée.

Quelques semaines auparavant, l’artiste avait attiré l’attention de tous les amateurs d’art de la planète en orchestrant le déchiquetage de l’une de ses œuvres juste au moment où elle était vendue pour un million de livres (1,8 million) dans une vente aux enchères de Sotheby’s, à Londres.

PHOTO PETER NICHOLLS, REUTERS

Un mouvement sans compromis

S’il est réellement l’auteur de cette image, Banksy n’a pas choisi le mouvement le plus consensuel du pays pour exprimer un tel appui pour la première fois : depuis sa création l’automne dernier, Extinction Rebellion recourt à la désobéissance civile pour faire passer son message, notamment en bloquant des rues et des ponts.

Au début du mois d’avril, l’organisation a tenu une manifestation pendant laquelle des écologistes se sont dénudés à la Chambre des communes. Ses militants ont même occupé des bureaux britanniques de Greenpeace pour exiger qu’elle emploie la ligne dure dans ses démarches. L’organisation n’a ni chef ni structure, mais revendique que l’État agisse pour ramener le bilan carbone du pays à zéro d’ici 2025.

Depuis une dizaine de jours, les autocollants portant le logo en forme de sablier de l’organisation se multipliaient dans le métro londonien. Ses militants occupaient des lieux particulièrement visibles dans la ville, dont un parc attenant au parlement et le pont de Waterloo. En tout, près de 700 personnes ont été arrêtées en quelques jours.

Jonathan Levav, un touriste californien, se tenait décidément plus tranquille. Le hasard a voulu qu’il fasse une visite guidée sur le thème de l’art urbain avec sa petite famille lorsque son guide a mentionné l’apparition d’une nouvelle œuvre. « Je croyais qu’elle allait être plus grande, a-t-il dit. Mais le message est pertinent. »