Un nouveau phénomène québécois des arts visuels marque la rentrée automnale, à la galerie Hugues Charbonneau. Ce phénomène s'appelle Cindy Phenix. Elle a 29 ans, endosse son féminisme avec une belle aisance et a en plus un talent fou. Allez voir ses grandes toiles colorées... déjà toutes vendues.

En 2015, Cindy Phenix a été finaliste du concours canadien de peinture RBC. Elle a alors été remarquée par John Zeppetelli, directeur du Musée d'art contemporain de Montréal, qui était membre du jury du concours et avait adoré son travail, raconte le galeriste Hugues Charbonneau.

En 2016, elle participait à la foire d'art contemporain de Saint-Lambert. Au printemps dernier, elle a exposé à la maison de la culture de Longueuil. Hugues Charbonneau a été «soufflé» par les oeuvres qu'elle y a exposées (et toutes vendues). Il a alors décidé de lui offrir son premier solo en galerie privée, un solo qui a fait si grand bruit dans les coulisses du marché de l'art que ses grandes toiles accrochées depuis le 29 août avaient toutes été acquises par des collectionneurs et des entreprises avant même le vernissage...

Résidence

Le mois dernier, Cindy Phenix était en résidence artistique à la galerie du Belgo pour préparer ce solo intitulé Ces femmes tiennent une fleur à la main. Elle y a organisé des réunions «de participation et de discussions» avec des groupes de femmes. Le continu enregistré des échanges a inspiré ses créations.

Ces rencontres font partie intégrante de sa démarche qui découle de la philosophie féministe de l'Américaine Iris Marion Young (1949-2006), qui a mis de l'avant la pluralité des expressions féministes et la nécessité de témoigner de sa différence.

«Je crée des projets communs, avec des activités artistiques et sensorielles, comme du dessin, le déplacement d'une personne dans l'espace, les yeux fermés, ou l'évocation de souvenirs à partir d'odeurs et d'huiles essentielles, dit Cindy Phenix. Avec des femmes différentes les unes des autres, j'installe une ambiance zen. Les personnes décrivent ensuite ce qui les habite.»

Ces histoires, réflexions et anecdotes que Cindy Phenix recueille témoignent de l'expérience féminine plurielle et du désir des femmes de prendre leur place. Elle les interprète dans ses toiles avec un style mi-figuratif, mi-abstrait.

Les corps de ses personnages sont plus suggérés que réellement dessinés, tel que le montre le plus grand tableau de son expo, The Light Doesn't Increase, qui exprime une fête et des relations interpersonnelles. La façon de peindre de Cindy Phenix fait ressentir l'ambiance de la scène, la chaleur des échanges, la réserve d'un personnage, le côté extraverti d'une femme qui fixe le spectateur.

Style

C'est un enseignant de Concordia, Paul Hardy, qui a fait germer le style de Cindy Phenix. «Je n'avais pas de bons résultats au début et il m'a conseillé d'utiliser une plus grande variété de pinceaux, dit l'artiste native de Varennes. Alors je lui ai dit: "O.K., watch me!"»

Les peintures de Cindy Phenix sont très travaillées. Elle les entame par une mise en scène (au moyen de photos, de collages et de dessins), puis elle construit son tableau avec une large gamme de techniques et de couleurs.

Amas de peintures aplati, yeux formés par une pression du tube de peinture, Cindy Phenix joue avec la matière pour évoquer l'essence de ses rencontres entre femmes.

«J'aime présenter une certaine réalité des femmes, dit cette fan de la plasticienne américaine Nicole Eisenman. Ces discussions font du bien aux femmes. Elles voient de nouvelles personnes et partagent des éléments de leur vie. Elles aiment beaucoup ça.»

Direction: Northwestern

Cette empreinte sociale et féministe de l'art de Cindy Phenix s'inscrit totalement dans la mouvance de#metoo. «Au début, j'avais peur d'être catégorisée, mais quand j'ai fait mon bac, il y a deux ans, le professeur François Morelli, qui, comme David Elliott, a été un mentor extraordinaire, m'a motivée et encouragée à poursuivre mes lectures de Simone de Beauvoir et à beaucoup lire.»

Toutefois, Cindy Phenix ne parle pas que des femmes. Elle peint aussi des hommes et aborde la vie au quotidien. Notre propension à privatiser des bouts de lieux publics, comme dans Stormy Afternoons qui représente des baigneurs sur une plage. Ou encore nos interactions en public, comme avec Observing the Random Passage of Friends.

Alors que son nom commence à circuler, Cindy Phenix a quitté le Canada pour Chicago à la fin août pour entamer une maîtrise à la Northwestern University. Très inspirée par les mouvements féministes et noirs, fort développés là-bas, elle se greffe finalement à merveille aux Karen Tam, Maria Hupfield, Isabelle Hayeur ou Cynthia Girard, des artistes très allumées représentées par Hugues Charbonneau.

«Elles forment une belle communauté d'affinités mais aussi d'idées, dit le galeriste. Car Cindy a non seulement un beau dessin et une belle peinture, mais elle a aussi quelque chose de solide, sa qualité de réflexion et une démarche bien arrimée.»

Ces femmes tiennent une fleur à la main, de Cindy Phenix, à la galerie Hugues Charbonneau (372, rue Sainte-Catherine Ouest, local 416, Montréal), jusqu'au 13 octobre

Autres expositions à l'affiche

> Elisabeth Picard

L'artiste Elisabeth Picard expose ses nouvelles oeuvres à la maison de la culture Frontenac à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 14 octobre. Connue pour ses sculptures faites d'attaches à tête d'équerre (Ty-Rap), elle présente, avec Lueurs et trajectoires, un nouveau corpus dans lequel les technologies de découpe au laser et d'impression 3D lui ont permis de créer de nouveaux systèmes d'assemblage. Le vernissage a lieu à 17 h.

Lueurs et trajectoires, par Elisabeth Picard, à la maison de la culture Frontenac (2550, rue Ontario Est, Montréal), jusqu'au 14 octobre

> Virginie Maltais

L'artiste collagiste montréalaise Virginie Maltais expose ses dernières oeuvres à la galerie Kokë, à Rosemère. Des oeuvres réalisées en utilisant des images de magazines de mode et des symboles récurrents dans un déploiement d'énergies et de couleurs.

Virginie Maltais à la galerie Kokë (415, chemin de la Grande-Côte, Rosemère), jusqu'au 16 septembre