La Fondation DHC/ART vient d'ouvrir sa 27e exposition avec Points de départ, points qui lient, de l'artiste britannique et indienne Bharti Kher. Un art contemporain évocateur, croisant tradition et modernité, et marqué par l'expression d'une passion envers la vie et sa diversité.

Représentée par deux galeries prestigieuses (Perrotin et Hauser & Wirth), Bharti Kher mène une carrière internationale depuis une vingtaine d'années. Travaillant à New Delhi, elle a exposé dans une quarantaine de pays. Avec son identité plurielle, elle s'inspire de réflexions sur la culture, l'identité, la justice, la spiritualité et les droits de la personne pour réaliser, avec ses assistants, des oeuvres picturales et sculpturales qui appellent à la découverte, à l'empathie et au respect.

Lors de sa première visite à Montréal cette semaine, Bharti Kher a charmé les journalistes qui ont parcouru, avec elle, les huit salles de l'exposition que lui consacre la Fondation DHC/ART dans le Vieux-Montréal.

Avec profondeur et cohérence, elle a présenté son déploiement d'oeuvres complexes, fortes et étonnantes. Bharti Kher parvient à universaliser son propos avec une expression artistique qui dépayse, tout en mettant en lumière des valeurs qu'elle souhaiterait plus largement partagées.

Technique des bindis

Un grand nombre des oeuvres de Bharti Kher est constitué de centaines de petits ronds de couleurs qui évoquent le bindi, ce point rouge que les femmes hindoues ont sur leur front pour symboliser un troisième oeil spirituel et leur conscience personnelle. Ces ronds colorés sont une sorte de langage codé de l'artiste et confèrent à ses oeuvres des airs d'abstraction géométrique et d'expressionnisme abstrait. Des oeuvres que l'on observe autant qu'elles nous regardent, se plaît à dire Bharti Kher.

Tout un étage de DHC/ART présente sa nouvelle série Points of Departure qui illustre son attrait pour les cartes géographiques. Sur de vieilles cartes du monde, elle a essaimé des bindis et de minuscules virgules en forme de spermatozoïdes. Ces oeuvres peuvent évoquer les courants, marins ou telluriques, les mouvements de population ou de satellites, la polarité Nord-Sud des pays, la richesse géographique ou encore la vision nombriliste de l'Occident.

«Sculptures-portraits»

Entre 2012 et 2015, l'artiste a innové avec des sculptures formées de tissus à sari qu'elle entortille et fixe avec des résines donnant à l'ensemble l'aspect brillant des sucreries. Ces abstractions très fragiles, posées sur des socles en béton, sont des «sculptures-portraits» de femmes qui expriment des gestes, une grâce, une intimité, un état d'esprit et le raffinement de la mode indienne.

Mother and Child

Bharti Kher a aussi créé plusieurs installations intitulées Mother and Child. Celle exposée à Montréal date de 2014 et découle d'un fait divers de 2012 qui avait fait grand bruit en Inde et dans le monde, quand une étudiante de 23 ans avait été violée dans un autobus par six hommes avant de succomber à ses blessures. Quatre de ses agresseurs ont été condamnés à mort.

L'oeuvre suggère donc la violence faite aux femmes, mais l'artiste explique que sa sculpture évoque la maternité, le fait qu'une femme enfante en donnant une part d'elle-même après avoir reçu un patrimoine génétique qui va se combiner au sien.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Six Women, 2013-2015, Bharti Kher, plâtre, bois, 123 cm x 95,5 cm x 61 cm (chacune). Avec la permission de Hauser & Wirth.

Mother and Child est constituée d'un enfant (une marionnette en bois du sud de l'Inde) avec un sein dans le dos, d'une mère (un mannequin indien en plâtre des années 60 auquel il manque une jambe) et d'une troisième sculpture qui correspond à l'esprit de la mère, à son ange.

Six femmes

Au 4étage de DHC/ART, l'installation Six Women occupe tout l'espace. Il s'agit du moulage en plâtre des corps de six femmes qui travaillaient dans le quartier des prostituées de Calcutta quand Bharti Kher les a abordées, entre 2013 et 2015, pour créer cette oeuvre. Assises nues sur un tabouret, les mains posées à plat sur leurs genoux, les cheveux ramassés en chignon et les yeux fermés comme en état de méditation. Des femmes qui semblent à la fois sereines et apaisées. Un beau moment de l'exposition.

Plusieurs autres créations ont ce caractère envoûtant au 465, rue Saint-Jean, notamment An Absence of Assignable Cause, une grande sculpture du coeur d'une baleine bleue. Une oeuvre créée en fibre de verre à l'échelle 1 : 1 à partir des propres recherches de l'artiste en Australie. Avec la paroi du coeur recouverte de bindis qui donnent l'illusion du flux sanguin, un réseau artériel sculpté en relief et de grosses veines qui vascularisent le coeur représentées avec un réalisme déroutant.

Une oeuvre impressionnante et inédite car, selon Bharti Kher, il n'y a de coeur de baleine bleue à l'échelle réelle dans aucun musée d'histoire naturelle du monde.

Seul bémol dans cette exposition sur les forces de la diversité biologique et culturelle: le manque de cartels explicatifs. La visite se fera donc avantageusement avec le dépliant fourni à l'entrée...

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À la Fondation DHC/ART (451 et 465, rue Saint-Jean, Montréal), jusqu'au 9 septembre.

Du mercredi au vendredi, de 12 h à 19 h, et samedi et dimanche, de 11 h à 18 h.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Une des oeuvres de la série Heroides réalisée en 2015 et 2016 par Bharti Kher avec des bindis et de la laque d'automobile.