Grâce à la passion d'un collectionneur, le Musée des beaux-arts de Montréal expose 55 dessins de maîtres anciens et modernes. Des oeuvres rares signées par de grands noms de l'histoire de l'art tels que Gustave Courbet, Edgar Degas, Henri Matisse, Amadeo Modigliani, Le Parmesan, Camille Pissarro, Eugène Delacroix ou Théodore Géricault.

Deux ans après la présentation de l'exposition Le retour à l'antique: de la Renaissance au néoclassicisme en France et en Italie, le conservateur des maîtres anciens et conservateur en chef adjoint au MBAM, Hilliard Todd Goldfarb, nous gâte une nouvelle fois avec un fascinant déploiement de dessins au Centre des arts graphiques du musée.

Il s'agit du second volet d'une série amorcée en 2013, De main de maître, intitulé cette année Du Parmesan à Matisse, un titre qui découle des noms de l'artiste italien Girolamo Francesco Maria Mazzola dit Le Parmesan et du peintre français Henri Matisse.

Nous voilà donc de retour au coeur d'une collection montréalaise dont le propriétaire anonyme est un ami précieux du musée de la rue Sherbrooke, à qui il a déjà donné quelque 70 dessins de grands maîtres. 

Une philanthropie éclairante quand on découvre les trésors qu'il est parvenu à acquérir ces dernières années. Et des oeuvres bien présentées et soutenues par des cartels si bien tournés qu'ils encouragent le visiteur à compléter ses connaissances en allant fouiller sur son téléphone intelligent! 

Le Parmesan 

L'exposition met en exergue Les noces d'Alexandre et Roxane, un dessin à la plume, à l'encre et au lavis sur traces de pierre noire exécuté par Le Parmesan vers 1530, vraisemblablement à Parme, sa ville natale.

Ce petit dessin et «grand chef-d'oeuvre», selon M. Goldfarb, est très bien conservé et a appartenu à une longue lignée de collectionneurs, dont le courtisan anglais Thomas Howard, comte d'Arundel, au début du XVIIe siècle, le collectionneur et banquier allemand Everhard Jabach, l'écrivain français Anatole France en 1900 et le Louvre en 1949. 

Quelle émotion de découvrir une oeuvre si délicatement réalisée - avec un toucher à l'encre et à la plume exceptionnel et raffiné -, si fouillée et dont on scrute attentivement chacune des parties. 

L'angelot se regardant dans un miroir, Roxane nue à qui l'on retire son voile, Alexandre en armes posant la main sur la tête d'un autre angelot... 

Belle oeuvre aussi que le dessin à l'encre noire et rouge terminée au lavis bleu foncé du Cigoli (le peintre florentin Ludovico Cardi) sur les lamentations et la mise au tombeau du Christ, en présence de saint Jean, de la Vierge Marie, de Marie Madeleine et du notable juif Joseph d'Arimathie qui participa à la descente de croix du Christ, selon la mythologie chrétienne. 

Un dessin qui comporte un verso épuré, avec moins de personnages, permettant d'avoir deux versions de la mise au tombeau de Jésus-Christ.

Dessin flamand

Les amateurs de narration pastorale flamande apprécieront le dessin bleuté du miniaturiste Jacob Savery l'Ancien (1566-1603), intitulé Décembre et appartenant à une série de 12 paysages correspondant aux 12 mois de l'année. 

Adouci à la gouache, il comprend une multitude de petits détails et des changements de tonalité magnifiques. On ne se lasse pas de regarder ce paysage dans lequel Savery a documenté le lieu, avec son église, ses maisons, une charrette, un petit pont et des bûcherons coupant du bois dans une clairière.

Photo fournie par le MBAM

Une femme allongée tenant un éventail, regardant son pied gauche, vers 1717-1719, Antoine Watteau (1684-1721), mine de plomb et sanguine, 24,5 x 40,7 cm. Prêt d'une collection particulière.

Plus loin, on découvre Une femme allongée tenant un éventail, regardant son pied gauche, créé à la mine de plomb par Antoine Watteau (1684-1721), puis, avec un effet miroir, un nu féminin du peintre rococo François Boucher (1703-1770) intitulé Une femme nue étendue, regardant vers la droite.

Victor Hugo

Curiosité de l'exposition, deux oeuvres du poète Victor Hugo. D'abord, un papier découpé noirci à l'encre de Chine et collé sur une feuille de papier, intitulé Aigle et créé en 1855. Un travail plutôt simple, mais passablement avant-gardiste. 

Également, un dessin à l'encre et gouache, Vue nocturne, à l'intensité dramatique, mais peu lisible. Était-ce l'objectif pour cette oeuvre réalisée alors que Victor Hugo était en exil volontaire dans l'île de Guernesey? 

Théodore Géricault 

Enfin, grand plaisir d'avoir sous les yeux une oeuvre phare de l'exposition, un dessin préparatoire de Théodore Géricault (1791-1824) quand il s'est lancé dans l'aventure de reconstituer le fameux radeau de La Méduse, la frégate française échouée au large du Sénégal en 1816.

Ce dessin à la plume et encre, avec des rehauts de gouache sur papier bleu, correspond à l'élément central de ce qui deviendra, en 1819, sa plus célèbre toile, Le radeau de La Méduse, soit le personnage noir, Joseph, qui agite un morceau de tissu pour tenter d'attirer l'attention de L'Argus, un des trois autres vaisseaux français partis avec La Méduse.

Ce dessin préparatoire splendide et fort révèle l'intention de Géricault de transmettre un message d'espoir à travers sa future peinture, malgré la lâcheté du capitaine de La Méduse et malgré la bestialité qui anima les survivants quand ils se sont livrés au cannibalisme. Un message d'espoir incarné par des personnages aux corps athlétiques, aux muscles saillants, à l'énergie débordante alors que le drame s'abat sur eux. Un mélange de réalisme et d'académisme qui donne sa force expressive à cette oeuvre mythique dont on a, de façon exceptionnelle, un témoin fascinant. Quel bonheur!

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Au Musée des beaux-arts de Montréal jusqu'au 12 août.

Photo fournie par le MBAM

Aigle, vers 1855, Victor Hugo (1802-1885), découpe de papier noir bleuté collée sur papier, 19,3 cm x 13 cm. Prêt d'une collection particulière.