Peintre montréalais d'origine écossaise, James Wilson Morrice (1865-1924) a vécu la plus grande partie de sa vie en France. Reconnu comme l'un des premiers modernistes canadiens, il est à l'affiche au Musée des beaux-arts du Canada, grâce à un important don, en 2015, du collectionneur A.K. Prakash après celui, en 1989, du marchand d'art torontois G. Blair Laing.

En visitant l'exposition Art canadien et autochtone, inaugurée en mai dernier au MBAC, on arrive au bout d'une bonne heure dans une salle consacrée au collectionneur canadien A.K. Prakash, derrière laquelle sont accrochés 35 tableaux de James Wilson Morrice. Mais ce ne sont pas les siens! Ils ont, pour la plupart, été donnés au musée par G. Blair Laing en 1989.

Ces tableaux donnent déjà une bonne idée de la pratique du Montréalais qui a résidé la plupart du temps à Paris. Notre-Dame de Paris sous la neige, de 1901. Des huiles montrant des vues prises à partir de son atelier du quai des Grands-Augustins, d'autres réalisées lors de séjours à Venise, en Afrique du Nord ou à Cuba. Des paysages urbains, des scènes de rue ou de café, des sites pittoresques et quelques portraits, notamment de son modèle préféré, Blanche Baume.

Dans un style postimpressionniste enveloppant, teinté parfois d'un fauvisme modéré, Morrice avait un toucher plastique mesuré. Sauf après 1905, quand il a commencé à emprunter à un Henri Matisse, qu'il aimait beaucoup, ses couleurs plus tranchées.

Mais les toiles de Morrice ont la plupart du temps cette atmosphère sépia qui donne un brin de mélancolie à ses célébrations de l'ordinaire. Ses tableaux sont apaisants et ont un fort caractère français.

On ne s'étonne pas que James Wilson Morrice ait connu tant de succès en Europe au début au XXe siècle avant de se faire un nom dans son pays d'origine... une fois mort.

Son oeuvre a joué un rôle majeur dans l'expression moderniste au Canada et a fortement influencé des générations d'artistes. On a d'ailleurs un drôle de sentiment quand on regarde son Bateau aux fruits, Trinité, créé vers 1921. Ce canot fleuri, cette plage, la végétation luxuriante, l'impression d'humidité nous font inéluctablement penser aux tableaux de Peter Doig inspirés des mêmes lieux.

Collection A.K. Prakash

Cette allée de toiles de Morrice donne un bel avant-goût de l'exposition James Wilson Morrice. Une collection offerte par A.K. Prakash à la nation, présentée un étage plus haut et comprenant 49 oeuvres, soit 45 huiles et 4 aquarelles. Une collection assemblée pendant 35 ans et qui comprend des oeuvres déjà montrées lors de grandes expositions, notamment celle réalisée pour l'inauguration du pavillon du Canada à la Biennale de Venise, en 1958, pavillon qui subit d'ailleurs actuellement une cure de jouvence.

L'exposition Prakash retrace la vie et la carrière du peintre. Elle débute avec la plus ancienne pièce de la collection, soit deux petites aquarelles peintes par Morrice à l'âge de 17 ans sur une page de carnet. On découvre ensuite ses oeuvres réalisées à Montréal ou à Québec quand il rentrait passer l'hiver au Canada. Et un grand nombre de tableaux réalisés à Paris, notamment ses personnages attablés dans des cafés (Scène de café, Paris, 1905-1908) qui rappellent des sujets de Manet. Des scènes de fête qui témoignent du souci de Morrice de reproduire la réalité, sans en rajouter.

Avec de vieilles photographies et cartes postales de lieux qu'il a fréquentés, l'expo permet de situer le contexte historique et géographique. Sur un grand plan, on a cartographié ces endroits où il a peint, que ce soit à Québec, à Montréal, en Europe ou aux Antilles. Un carnet de croquis est ouvert à la page sur laquelle Morrice a esquissé ce qui deviendra son huile Notre-Dame de Paris sous la neige, que l'on a vue un étage plus bas. Une de ses rares toiles hivernales de Paris.

Exotisme

Les peintures créées à Venise, à Cuba et en Afrique du Nord soulignent son étude à la fois soignée et libre de la lumière et des ombres, avec parfois un soupçon d'orientalisme mais pas plus, car James Wilson Morrice traduisait sa seule observation d'un sujet plutôt que de le fantasmer.

L'exposition est accompagnée d'un beau catalogue de 240 pages et d'un petit film sur A.K. Prakash, diffusé dans une des salles.

Le collectionneur canadien y raconte combien Morrice l'a habité durant toute sa vie, devenant une véritable obsession. M. Prakash a visité tous les musées du monde qui ont des tableaux de Morrice, de la fin des années 70 à 2014!

G. Blair Laing et A.K. Prakash ont ainsi permis au Musée des beaux-arts du Canada de conserver la plus extraordinaire collection d'oeuvres de James Wilson Morrice. Une réalité qui illustre l'importance de la philanthropie, mais aussi combien l'art de préserver une mémoire picturale est précieux. Pour l'histoire de l'art, mais aussi pour la nôtre.

Ces oeuvres données par A.K. Prakash partiront ensuite en tournée, d'abord au Musée des beaux-arts de l'Alberta, à Edmonton, au printemps, puis à la Galerie d'art Beaverbrook de Fredericton, le musée d'art du Nouveau-Brunswick, à l'été, avant de venir visiter le Québec au Musée d'art de Joliette, du 2 février au 5 mai 2019.

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Au Musée des beaux-arts du Canada (380, promenade Sussex, à Ottawa) jusqu'au 18 mars.