Fasciné par le papier, Sébastien Gaudette expose, au salon b - espace culturel à Montréal, ses dernières créations de papier... en aluminium. Un travail sur la matière, le mouvement et l'illusion.

Immortaliser l'esprit du papier en une oeuvre d'art pérenne par l'étude du geste. L'artiste montréalais Sébastien Gaudette y parvient avec brio. L'expo que présente ce diplômé de l'Université du Québec à Montréal, en collaboration avec la commissaire Malgosia Bajkowska, est une réflexion en trois étapes sur le papier, son matériau de prédilection.

Première étape : des piles de feuilles blanches au milieu de la salle d'exposition pour évoquer le matériau initial de l'artiste. Deuxième étape : deux exemples du talent de dessinateur de Sébastien Gaudette, pour comprendre l'importance de la conception. Étape finale : 18 sculptures en aluminium qui représentent la transformation artistique de 18 feuilles de papier de format standard (11 pouces sur 8 pouces et demi). 

« J'ai toujours eu une pratique en dessin. Le papier comme sujet m'intéresse, le papier comme matériau qui se laisse modeler. » 

- Sébastien Gaudette

MODELER LE MATÉRIAU 

Âgé de 33 ans, l'artiste représenté par la galerie de Juno Youn a déjà exposé à la Chapelle historique du Bon-Pasteur, à Montréal, au Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire, à la galerie d'art R3, à Trois-Rivières, et au Centre national d'exposition de Jonquière. L'été dernier, il a présenté à New York le premier élément de ses 18 sculptures en aluminium.

Avec trois autres artistes, il a créé en 2014 un laboratoire de dessin sous la forme du collectif Lab/Dessin. « On essaie d'y repousser les limites d'une simple feuille de papier, ce qui nous a permis d'en arriver à des projections vidéo ou à des aspects plus installatoires, dit-il. De mon côté, le papier est devenu sculptural. » 

Sa démarche, qui consiste à passer d'une feuille de papier à une sculpture en aluminium, requiert beaucoup de minutie. Quand on observe de près ses 18 sculptures, on a du mal à croire qu'il s'agit de pièces créées à partir de feuilles d'aluminium. Comme pour les chaussures San Smith en bronze de Patrick Bérubé, le trompe-l'oeil est parfait. 

Ses « feuilles de papier » déchirées ou froissées sont très bien rendues. « Pour cela, il y a beaucoup d'étude sur la façon de froisser ou de déchirer le papier, dit l'artiste. Ensuite, il faut appliquer la couleur. J'utilise beaucoup la peinture en aérosol, car elle peut adhérer à n'importe quel médium. » 

« C'est un travail totalement fait à la main. Il n'y a aucune intervention du numérique ou d'une imprimante 3D. »

- Sébastien Gaudette

Dans certaines sculptures, on distingue le travail de gravure pratiqué pour donner l'impression de lignes de feuilles de cahier. Parfois, la feuille semble réellement déchirée : l'artiste a travaillé lentement avec des pinces tranchantes, pour donner l'illusion d'une déchirure, avec les brins de papier retournés.

Pour d'autres sculptures, Sébastien Gaudette a dû tracer chaque ligne du cahier avant de froisser l'oeuvre. Dans certains cas, des taches ont été créées à l'encre de Chine. Pour deux « feuilles », l'endos a été enduit d'une peinture fluo, ce qui donne des reflets lumineux sur le mur d'exposition.

LA PAGE BLANCHE

En parallèle, la commissaire a décidé de diffuser un petit montage vidéo d'extraits de films sur le syndrome de la page blanche. Des acteurs et des actrices, tout comme le réalisateur Woody Allen, froissent des feuilles de papier sur lesquelles l'inspiration n'était pas au rendez-vous. Ce qui est loin d'être le cas de Sébastien Gaudette.

« Son travail est une sorte d'analyse du processus de création, dit Malgosia Bajkowska. L'expo est une synthèse au cours de laquelle le papier devient sujet et partie intégrante de la démarche de l'artiste. Cette démarche est valable pour chaque créateur. C'est pourquoi on offre au public un petit catalogue dans lequel le visiteur est invité à créer en réfléchissant. »

Ce dernier pourra y épancher ses idées, réaliser des croquis, voire planifier des créations ou coucher des poèmes sur le papier... 

L'exposition Trois papiers est présentée au salon b - espace culturel (4231, boulevard Saint-Laurent), jusqu'au 2 décembre.

Photo fournie par la galerie salon b-espace culturel

Sébastien Gaudette a présenté cette Page blanche en aluminium sculpté l'été dernier à New York.

Photo fournie par la galerie salon b-espace culturel

Orange déchiré, 2017, Sébastien Gaudette, techniques mixtes sur aluminium sculpté, 11 po x 8,5 po