La Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières fête ses 20 ans avec une 10e édition nourrissante et originale. Quelque 300 oeuvres d'artistes internationaux sont exposées cet été dans la cité trifluvienne, ville de papier et de poésie mais aussi capitale canadienne de la gravure contemporaine.

En cette ère du numérique, la Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières (BIECTR) suscite encore beaucoup d'engouement. Cette année, elle a reçu 420 candidatures d'estampiers du monde entier qui souhaitaient exposer en Mauricie. Au lieu de 385, il y a deux ans. 

«Cinquante et un corpus d'artistes de dix-neuf pays ont été retenus, dit Élisabeth Mathieu, présidente et directrice artistique de la BIECTR. Les oeuvres sont regroupées en sept groupes: Territoire, Matière, Indignation, Fable contemporaine, Géométrie variable, Portrait et Le geste/Esthétique du vide et du plein.»

Les oeuvres sont exposées sur une dizaine de sites, ce qui nécessite une journée de visite si l'on veut prendre son temps, passer d'un lieu à un autre et profiter du charme du centre-ville. 

Chaque lieu est agrémenté de textes composés pour l'occasion par le poète Guy Marchamps. Une bonne idée puisque la cité a été baptisée «capitale de la poésie» par Félix Leclerc. Et en cette année des 50 ans d'Expo 67, un passeport accompagne le visiteur et reçoit, sur chaque site, une estampe de la Belge Kikie Crêvecoeur.

Ancienne gare

La visite peut débuter dans l'ancienne gare ferroviaire de la rue Champflour, un espace séduisant qui mériterait de devenir centre d'art permanent. La BIECTR y a installé les oeuvres de huit artistes, notamment les denses lithographies de l'Américain Matthew J. Egan, les eaux-fortes détaillées de la Coréenne Sohee Kim, les bois gravés un poil macabres du Belge Thierry Lenoir et l'univers mi-figue mi-raisin du Turc Ozan Bilginer. 

Nous avons bien aimé la force des créations de la Britannique Marcelle Hanselaar. Intitulées The Crying Game, elles prolongent son travail précédent sur le Printemps arabe avec des gravures en taille douce sur la guerre et son impact sur les civils. Bel ouvrage également que les installations en plexiglas d'Andréanne Gagnon qui utilise la sérigraphie sur papier pour élaborer un ensemble sculptural d'une esthétique délicate et moderne.

Atelier Silex

Une même force d'évocation habite l'Atelier Silex. Pour la biennale, Valérie Guimond y a installé Les fausses princesses, une expo qui aborde le rôle de la femme dans la société et les dangers qui la menacent. Des papiers suspendus imprimés montrent des petites filles déguisées en princesses tandis que sur des bois gravés, des femmes jouent les aguicheuses.

Musée Pierre-Boucher 

Au Musée Pierre-Boucher, on tombe sous le charme des grandes fleurs de la Suédoise Kersti Rågfelt Strandberg, créées avec la technique de collagraphie (collage d'éléments sur une plaque que l'on encre avant d'imprimer sur papier). Mais aussi avec les eaux-fortes de Philippe Mainguy, un artiste collaborant à Montréal avec l'Atelier circulaire. Ses portraits ont des jeux d'ombrage parfaitement exécutés qui créent de beaux gris contrastés. 

Au même endroit, les amateurs de fantastique apprécieront les tailles douces maîtrisées du Polonais Marcin Bialas et la complexité de l'approche de la Britannique Wuon-Gean Ho qui a exploré le multiculturalisme avec divers motifs de tissus. 

Raymond-Lasnier

C'est au Centre Raymond-Lasnier qu'on réalise le plus à quel point l'estampe est un véhicule que les artistes contemporains n'hésitent pas à emprunter. L'Américaine Teresa Cole l'illustre avec sa série de rouleaux qui allient teinture et impressions. Élise Massy avec des scènes fouillées d'un autre temps. L'Américain Art Werger fait même prendre ses eaux-fortes pour de la photo tant de son geste surgit la lumière. 

Sarah Galarneau, qui remporte l'un des prix de la 10e édition, surprend avec des linogravures inspirées par la végétation mexicaine. « Une nouvelle forme d'herbier contemporain », commente Élisabeth Mathieu.

Photo fournie par la BIECTR

Center, 2016, Marcin Bialas (Pologne), intaglio, 70 cm x 100 cm

L'Ukrainien Oleg Denysenko recule, lui, de plusieurs siècles avec des intaglio minutieux à l'instar des gravures médiévales. Et bien sûr, Sabine Delahaut, la grande maîtresse franco-belge du burin et de la pointe sèche, revisite, avec une finesse extrême, l'animalité de la femme et de son fiancé. 

Au Musée de la culture populaire, trois artistes se sont inspirés d'artéfacts de sa collection. Giorgia Volpe a ainsi inséré dans 84 cadres anciens des monotypes qui évoquent des motifs de courtepointes du musée. 

Enfin, la galerie du Parc présente des artistes innovateurs, telle Agata Gertchen (Pologne) avec son utilisation originale de la manière noire qui donne des oeuvres qui évoquent les contrastes en noir et blanc de Borduas. Mais aussi Catherine Gillet (France), dont le travail acharné au burin reproduit le geste d'un coude encré qu'on aurait passé sur le papier. 

Encore une fois, la BIECTR nous enchante. Événement artistique soutenu par une équipe de passionnés, elle nourrit l'esprit de l'amateur d'art et éclaire avec brio le foisonnement de l'estampe actuelle, plus que jamais hybride entre nouvelles technologies et techniques d'impression classiques. 

Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières, jusqu'au 10 septembre. 

Lieux d'exposition

- Musée Pierre-Boucher, 858, rue Laviolette, Trois-Rivières

- Musée québécois de culture populaire, 200, rue Laviolette, Trois-Rivières

- Centre Raymond-Lasnier, 1425, place de l'Hôtel-de-Ville, Trois-Rivières 

- Galerie d'art du Parc, 864, rue des Ursulines, Trois-Rivières 

- Ancienne gare ferroviaire, 1075, rue Champflour, Trois-Rivières

- Atelier Presse Papier, 73, rue Saint-Antoine, Trois-Rivières

- Atelier Silex, 1095, rue du Père-Frédéric, Trois-Rivières

- Deux événements satellites à Montréal: à l'Atelier-galerie A. Piroir, 5333, avenue Casgrain, #802, et à la galerie Robert Poulin, 6341, boulevard Saint-Laurent (à partir du 27 juillet)

Photo fournie par la BIECTR

Matthew, 2013, Jean A. Dibble (Indiana), intaglio, impression numérique, 90 cm x 60 cm