Auteur, poète, cinéaste à ses heures, Michel Houellebecq est aussi photographe. Il présente ces jours-ci à New York sa toute première exposition sur le sol américain. L'occasion de découvrir certaines des images qui nourrissent son écriture et sa vision du monde.

Cela devait être un des événements littéraires incontournables de la semaine à New York. Des journalistes du New York Times, du New Yorker et bien d'autres médias encore avaient pris place dans les locaux du consulat français vendredi dernier pour assister à une rare discussion avec le plus polémique des auteurs francophones.

Évidemment, Michel Houellebecq étant Michel Houellebecq, il ne s'est pas présenté au rendez-vous. «Il ne se sent pas très bien», a dû annoncer un responsable aux centaines de personnes qui s'étaient déplacées.

Zach Fischman, employé de la galerie Venus Over Manhattan où est présentée l'exposition French Bashing de Houellebecq, lui, n'était guère étonné. «Il a travaillé comme un fou pour préparer l'installation de l'exposition, plaide-t-il. Et puis, comment dire, Michel Houellebecq est un peu particulier. La seule demande qu'il a faite depuis qu'il est arrivé a été d'aller dans une épicerie pour acheter des pots de moutarde américaine jaune!», poursuit Fischman, encore médusé par les bizarreries de l'auteur des Particules élémentaires.

Située au troisième étage d'un immeuble de Madison Avenue, à proximité de boutiques de luxe, la galerie Venus Over Manhattan a effectivement été réorganisée de fond en comble pour accueillir le travail de l'artiste.

Paysages mornes et vacances au soleil

Version miniature de l'exposition Rester vivant, présentée l'an dernier au Palais de Tokyo à Paris, French Bashing occupe deux salles bien distinctes. 

Dans la première, plongée dans la pénombre, on présente une vingtaine de photographies grand format représentant des paysages français aux couleurs mornes: voies ferrées, cités HLM, péage d'autoroute. Des paysages façonnés par l'homme, mais sans vie, où le béton semble avoir annihilé jusqu'à l'idée de plaisir.

Dans l'autre pièce, blanche et baignée de lumière artificielle, une dizaine de photographies et de photomontages mettent en vedette des images qui évoquent le tourisme, le soleil et les congés payés. 

Mais comme dans la salle obscure, l'humain est absent. La pièce, dont le plancher a été entièrement recouvert de cartes postales qui sentent le fromage, le vin et les clichés, est sursaturée de couleurs criardes. 

Méthodiques et soignés, les clichés de Houellebecq évoquent un univers déshumanisé, où le commerce et l'hédonisme, le 9 à 5 et les vacances au soleil ne sont que des facettes d'une même réalité. Une réalité plutôt glauque. 

Certaines de ses photographies sont accompagnées ou surimposées de ses écrits. Un triptyque composé de deux photos d'édifices grisâtres est ainsi accompagné d'une citation de son dernier roman (Soumission): «Je n'avais, pas davantage que la plupart de ces gens, de véritable raison de me tuer.»

PHOTO EDUARDO MUNOZ ALVAREZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

L'écrivain français Michel Houellebecq a été avare de commentaires, vendredi, lors du vernissage de son exposition new-yorkaise French Bashing.

Pessimisme et morosité

On l'aura compris, l'expo French Bashing (le dénigrement de tout ce qui est français) transpire le pessimisme et la morosité. Ici, le «French bashing» ne semble pas tant évoquer le dénigrement des Américains à l'égard de la France que l'autodéfaitisme des Français à l'égard d'eux-mêmes, ou de Houellebecq à l'égard de lui-même et de ses contemporains.

S'il a fini par se présenter au vernissage de l'exposition vendredi soir dernier, il s'est fait avare de commentaires. Interrogé sur le titre de l'exposition aussi bien que sur la situation politique en France et aux États-Unis, l'auteur a refusé de véritablement préciser sa pensée.

Si les photographies de son exposition ne suintent pas la joie de vivre, elles permettent assurément de mieux apprécier les images et l'univers qui inspirent Houellebecq et en ont fait l'auteur contemporain français peut-être le plus respecté de sa génération.

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À la galerie Venus Over Manhattan, jusqu'au 4 août.

Photo Yves Schaëffner, collaboration spéciale

Méthodiques et soignés, les photographies de Michel Houellebecq évoquent un univers déshumanisé, où le commerce et l'hédonisme, le 9 à 5 et les vacances au soleil ne sont que des facettes d'une même réalité.