Ayant une passion commune pour le travail des couleurs et des formes, les artistes Isabelle Leduc et François Vincent ont été réunis pour s'inspirer l'un l'autre. Il en découle une présentation raffinée et reposante, avantageusement logée au coeur de la Chapelle historique du Bon-Pasteur, à Montréal, jusqu'au 19 mars.

Parfois, il existe dans l'art des frère et soeur sans que la génétique n'y soit pour rien. Et l'on en prend conscience dès lors qu'on réunit leurs créations côte à côte.

Admirer les oeuvres d'Isabelle Leduc et de François Vincent entremêlées à la Chapelle historique du Bon-Pasteur fait réaliser combien ces deux artistes opèrent au sein d'un univers qui, s'il n'est pas commun, appartient en tout cas à la même galaxie !

« Je me souviens d'une exposition de François à la galerie Lacerte où il y avait des tableaux avec des formes qui me faisaient beaucoup penser aux miennes, dit d'ailleurs Isabelle Leduc. Ça m'avait surprise. »

Isabelle Leduc et François Vincent ne se connaissaient pas vraiment. Ils se croisaient dans des vernissages. René Viau, le compagnon d'Isabelle Leduc, a déjà écrit - dans une vie précédente - sur le travail de François Vincent. Mais les deux artistes n'étaient pas proches, pour ainsi dire, et aucun n'a véritablement été influencé par l'autre. Pourtant, ils raffolent tous les deux autant des formes rondes, ovales et triangulaires que du vocabulaire des couleurs terreuses.

« S'il y a des similitudes, ça s'est fait à notre insu, d'une certaine façon, mais on peut avoir les mêmes intuitions », dit François Vincent, qui dit créer à l'instinct.

Créer ensemble séparément

C'est en réalisant à quel point des analogies se dégageaient de leurs travaux respectifs qu'ils ont accepté de participer à une expérience de création en parallèle, qui a mené à cette exposition intitulée Jeu de piste. Ils se sont rencontrés trois fois l'an dernier dans l'atelier d'Isabelle Leduc, sous les auspices du commissaire Jean-Michel Correia. Les deux artistes montréalais n'ont pas travaillé ensemble mais en écho, si l'on peut dire. S'influençant de loin.

« Isabelle a vu les dessins que François prépare avant de créer et elle a montré ses esquisses dessinées dans un carnet, dit Jean-Michel Correia. On ne savait pas où on allait, mais il y a eu une attirance mutuelle, platonique, entre les deux. »

Près de la moitié des oeuvres de l'exposition a été réalisée depuis leurs rencontres régulières de l'an dernier. S'y sont ajoutées quelques gravures de François Vincent et des sculptures d'Isabelle Leduc déjà exposées dans le passé. M. Correia a élaboré un concept d'exposition qui opère des va-et-vient entre les oeuvres des deux artistes. Et des liens apparaissent avec une telle évidence qu'ils ont frappé François Vincent et Isabelle Leduc.

« La journée où on a déballé nos oeuvres pour les placer sur les murs, on a constaté de surprenantes rencontres qu'on n'avait pas prévues, que ce soit au niveau des formes ou des couleurs », raconte François Vincent.

Peinture et pulpe se mêlent dans cette exposition avec une belle harmonie, tout comme ces tons ocrés très doux et forts à la fois qui signent le style des deux artistes. L'arrangement des oeuvres bénéficie de l'architecture intérieure spectaculaire de la Chapelle. Et de la mise en lumière très minutieuse de Chloé Beaulac qui confère à la visite une réelle atmosphère de recueillement.

À l'entrée de la salle d'exposition, la fusée céleste de François Vincent dans son Tableau de chevet 1 est dupliquée par Isabelle Leduc en quatre papiers marouflés sur bois intitulés Envol 1 à 4. Plus loin, deux formes granulaires de François Vincent côtoient Oblong jaune, un des fameux « boucliers africains » d'Isabelle Leduc. Les sculptures verticales de cette dernière répondent aussi de belle manière aux colonnes en bois de la Chapelle.

Il y a quelque chose de rassurant dans les oeuvres de ces deux virtuoses au mitan de leur carrière. La délicatesse et la subtilité des drapés de l'un se marient bien aux formes voluptueuses et chaudes de l'autre. Il s'y dégage en tout cas une lumière qui fait du bien...

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À la Chapelle historique du Bon-Pasteur (100, rue Sherbrooke Est, Montréal), jusqu'au 19 mars. Jeudi et vendredi de 14 h à 18 h, samedi de 13 h à 17 h et dimanche de 13 h à 15 h.

Photo François Roy, La Presse

La fusée céleste de François Vincent dans son Tableau de chevet 1 (à gauche) a été dupliquée par Isabelle Leduc en quatre papiers marouflés sur bois intitulés Envol 1 à 4 (à droite).