«L'homme-araignée» pourrait tomber lors de son procès qui s'est ouvert lundi à Paris pour l'un des plus importants vols de tableaux de ces dernières années, celui de cinq toiles de maître estimées à près de 100 millions d'euros et restées à ce jour introuvables.

Cinq merveilles de Picasso, Matisse, Modigliani, Braque et Léger ont été volées au Musée d'art moderne de Paris dans la nuit du 20 mai 2010, sans déclencher aucune alarme.

Un cambriolage impeccable portant la signature de «l'homme-araignée», Vjéran Tomic, 49 ans et quatorze condamnations au casier, autant un as de la varappe qu'un voleur talentueux.

Arrêté en mai 2011, il avoue rapidement le vol du musée. Peu avant l'audience, il expliquait aux journalistes: «Quel rôle j'ai eu? Arsène Lupin».

Aux côtés du gentleman cambrioleur autoproclamé, deux hommes sont sur les bancs des prévenus: Jean-Michel Corvez, un antiquaire pour qui Tomic a déjà «fait des coups» et qui lui a fait «la demande d'un Léger», et Yonathan Birn, un jeune horloger qui a recelé les toiles avant, dit-il, de «s'en débarrasser».

Tous trois comparaissent libres. Pour avoir dérobé ou recelé des trésors, «en bande organisée», ils encourent jusqu'à dix ans de prison. Une peine qui peut être doublée pour Tomic le multirécidiviste.

Trois hommes comme trois mondes. Celui de Tomic, une baraque athlétique d'1,90 m, voleur professionnel, qui fait son «boulot» avec passion, finit par connaître les artistes. «Sujet suradapté dans la délinquance» dit une expertise psychiatrique. Quinze ans de détention au compteur.

Celui de Corvez, 61 ans, l'antiquaire à la veste de velours noir, cheveux gris, qui soigne ses phrases, refuse de confirmer que son acheteur est saoudien comme l'a entendu dire Tomic, et préfère taire le nom de son commanditaire car il «craint pour son intégrité physique».

«Tombé amoureux» 

Et celui de Yonathan Birn, 40 ans, le petit horloger qui dira avoir accepté de garder les toiles parce qu'il était «tombé amoureux» en voyant la Femme à l'éventail (1919) de Modigliani. Qui pleure, pour avoir détruit des trésors «pris de panique» après une première garde à vue.

Des oeuvres majeures, évaluées à près de 100 millions d'euros par son propriétaire, la mairie de Paris, qui «ne peut pas croire» à leur destruction.

Dans la salle, tout le monde est sceptique, du voleur au procureur. Alors le président de la 32e chambre Peimane Ghaleh-Marzban veut en savoir le plus possible.

Tomic explique avoir reçu une commande de Corvez pour la Nature morte au chandelier (1922) de Fernand Léger et avoir rapidement vu les failles de sécurité du musée. «Je connais un peu les systèmes d'alarme, dit-il modestement, certains particuliers sont bien mieux protégés».

Il met «six nuits» à préparer le vol et la nuit du 20 mai 2010, entre sans difficulté par une baie vitrée dont il descelle la vitre. Et pour cause: les détecteurs de mouvement sont défaillants depuis deux mois et les alarmes déclenchées par des bris de vitre hors service.

Venu pour le Léger, il repart avec cinq oeuvres majeures, embarquant aussi le Modigliani, dont Corvez lui avait parlé, mais aussi Le Pigeon aux petits pois (1911) de Pablo Picasso, L'Olivier près de l'Estaque (1906) de Georges Braque et une Pastorale (1906) d'Henri Matisse.

Il remet les toiles plus tard dans la journée à un Corvez stupéfait de voir «cinq toiles au lieu d'une».

C'est là que les versions divergent. Tomic rumine encore, furieux de n'avoir été «payé que 40 000 euros». «C'est normal», puisqu'il n'était mandaté que pour une toile, rétorque Corvez.

L'antiquaire affirme que son acheteur a pris peur en voyant le retentissement du vol et lui a laissé le Léger, «le temps que les choses se tassent». C'est alors qu'il a confié les toiles à Yonathan Birn, qui renifle et «comprend que personne ne croit» qu'il ait détruit les oeuvres.

«Qu'est-ce qui est le plus grave, a demandé le président. Voler une oeuvre qui reparaîtra un jour, dans 50 ou 100 ans, ou la destruction d'une oeuvre irremplaçable, le fait de l'enlever à toute l'humanité?»

Le parquet proposera un prix pour cette faute vendredi, à la reprise de l'audience.