Phylllis Lambert célèbre ses 90 ans avec une petite exposition au Centre canadien d'architecture (CCA) sur 75 ans de travail. Une occasion de faire le point sur sa ville, Montréal, sa véritable et éternelle passion.

La pasionaria de Montréal Phyllis Lambert souhaite pour sa ville une vision plus globale. Une défense du patrimoine par quartiers et non plus par édifice ou par projet, comme c'est encore trop souvent le cas de nos jours. 

«C'est très simple, fait-elle. Si on disait tout simplement qu'on allait sauvegarder les quartiers qui ont un vrai caractère patrimonial. L'avenue Morgan dans Hochelaga-Maisonneuve, par exemple, on ne doit pas y mettre de gratte-ciel. Par contre, le Quartier des spectacles, on a su conserver son identité avec les lumières, notamment. Même chose dans le Quartier international.»

En amont des projets, cette grande Montréalaise prône encore et toujours la discussion et la participation citoyenne, citant en exemple les travaux qui se font autour de l'Hôpital de Montréal pour enfants et de l'Hôtel-Dieu.

«Une autre idée est de régler une fois pour toutes la question de savoir où mettre les grandes tours. Sur René-Lévesque, oui, mais pas rue Sherbrooke, qu'on a déjà passablement amochée», indique-t-elle.

Architecte, militante, femme de caractère et d'action, elle poursuit sans relâche une carrière destinée à l'amélioration de la vie montréalaise.

«Les choses ont beaucoup changé avec Sauvons Montréal et Héritage Montréal. Les départements d'architecture donnent maintenant des cours en conservation, mais on a les mêmes batailles qu'il y a 45 ans.»

Si la vie de Phyllis Lambert en est une de combats, elle assure n'y être pour rien. «Je ne les cherche pas, ils viennent à moi.»

L'édifice Seagram

Avant même d'avoir étudié en architecture, son premier combat aura été de dire à son père «NON, NON et NON» quand celui-ci voulait engager un consultant plutôt qu'un architecte pour la construction du navire amiral de la famille Bronfman à New York, l'édifice Seagram.

L'exposition nous montre aussi des sculptures réalisées par la jeune Phyllis et une photo du Centre Saydie-Bronfman [devenu le Centre Segal], en hommage à sa mère, et dont le plan original tout en transparence, très Mies Van der Rohe (l'architecte qu'elle avait choisie pour l'édifice Seagram), a été défiguré sans sa permission pour des besoins commerciaux.

Phyllis Lambert a, en fait, toujours cru en l'architecture comme expression artistique et comme véhicule social. 

«Avec Héritage Montréal, ce qui m'intéressait, ce n'était pas l'architecture qui part de zéro, mais celle qui défend le tissu de la cité, un matériel qui possède une signification.»

CCA

C'est ce qui l'a guidée notamment dans la création du Centre canadien d'architecture. Elle a d'abord sauvé de la destruction la maison Shaughnessy, «achetée pour presque rien», et y a fondé le CCA.

«Je ne voulais pas d'un autre musée, d'une collection, d'un centre d'études, mais de tout ça au même endroit. Un endroit qui allait traiter des enjeux de notre époque et qui susciterait l'intérêt du public pour le processus architectural.»

Le prochain rendez-vous pour l'infatigable grande dame, dont l'apport à l'architecture a été couronné par un Lion d'or à la Biennale de Venise en 2014, aura lieu l'automne prochain au CCA avec ses propres photos qui retraceront l'histoire urbaine de Montréal. 

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L'exposition Phyllis Lambert: 75 ans au travail est présentée au Centre canadien d'architecture jusqu'au 4 juin.

Photo Ezra Stoller, fournie par le cca

L'édifice Seagram, à New York, vu du nord-ouest au crépuscule, en 1958. Ludwig Mies van der Rohe et Philip Johnson, architectes; Kahn et Jacobs, architectes associés; Phyllis Lambert, directrice de la planification.