Houdini, magicien de légende, aurait apprécié ce tour de passe-passe: une bible lui ayant appartenu il y a plus d'un siècle a resurgi à Budapest, sa ville natale, où un passionné ressuscite dans un musée la mémoire du roi de l'évasion.

Au début du XXe siècle, magie rimait déjà avec Harry mais ce n'était pas Harry Potter qui fascinait alors les foules.

Harry Houdini était l'illusionniste que l'Europe et les Etats-Unis s'arrachaient, fascinés par son art de «l'escapologie»: menottes, verrous, chaînes, malles, camisoles, aucune entrave ne lui résistait.

Quatre-vingt dix ans après sa mort, Budapest, où il est né avant d'émigrer aux États-Unis avec sa famille, compte enfin un lieu dédié à ses mille et uns exploits.

En juin, David Merlini a ouvert le premier musée européen consacré au «prince des airs», pour faire partager sa fascination au grand public. Cet Italo-Hongrois de 38 ans en rêvait depuis des années.

«Nous sommes tous des Houdinis: tout le monde a le désir secret de se libérer d'une certaine situation, d'être ailleurs, dans une autre paire de baskets», explique-t-il.

Début décembre, «la maison d'Houdini», installée sur la spectaculaire colline du château de la capitale hongroise, s'est enrichie d'une nouvelle rareté: une bible ayant appartenu au jeune Ehrich Weiss, le vrai nom d'Harry Houdini, et dont le papier jauni porte la signature.

«C'est une vraie pièce de collectionneur», un objet d'avant la célébrité, s'enthousiasme David Merlini qui se consacre depuis des années à traquer les objets liés à Houdini, un pseudonyme choisi en hommage à un grand magicien français, Jean-Eugène Robert-Houdin.

C'est la propriétaire du livre en personne, une chanteuse-compositrice new-yorkaise, qui a remis la bible au musée il y a quelques jours.

«J'ai l'impression qu'elle est de retour chez elle», a confié la jeune femme, Tara O'Grady, à l'AFP.

Le livre était dans sa famille depuis la fin des années 1970. C'est le frère de Houdini qui l'avait donné à une infirmière, laquelle l'avait donnée à sa voisine irlandaise, la mère de Tara.

Brises ses chaînes

«Mes amis me disent que je passe trop de temps à collectionner ces objets mais qu'est ce qui a vraiment de la valeur aujourd'hui? L'immobilier? Une bague en diamant? Une voiture. Moi je crois que c'est ce qui vous rend heureux», observe Merlini.

Il a suivi les traces de son héros, devenant à son tour un professionnel de l'évasion. Côté scène, il se produit dans des performances où il se libère de blocs de glace, de ciment à prise rapide ou de voitures en feu.

Côté jardin, la «maison d'Houdini» à Budapest, avec ses murs rouges, ses chandeliers et ses vieux fauteuils Chesterfield, est son refuge.

«L'évasion, ce n'est pas juste le fait de défaire des cadenas, c'est le désir de se débarrasser des choses qui entravent notre liberté dans un monde où règnent tant de contraintes et de règlements», décrit joliment David Merlini.

Son musée présente des objets ayant appartenu au magicien: menottes, cadenas, lettres personnelles, livres ainsi qu'un grand nombre d'accessoires apparus dans la série télévisée britannique Houdini (2014), tournée à Budapest, où le magicien était campé par Adrien Brody.

Pour cette série, Merlini a servi de coach à l'acteur qui reproduit à l'écran quelques numéros les plus impressionnants du répertoire houdinien, comme l'évasion d'une cellule de torture chinoise par l'eau ou comment sortir d'une cage de métal et de verre remplie d'eau, dans laquelle l'artiste était attaché la tête en bas...

Le musée se veut aussi un centre de recherches sur la vie du magicien et de sa famille, dont le passé en Hongrie est mal connu.

Né en 1874, Ehrich Weiss a quatre ans lorsque ses parents s'embarquent pour le Nouveau monde.

Alors qu'il s'est produit dans tous les théâtres d'Europe, comme en témoignent les posters d'époque présentés au musée, il n'est jamais monté sur scène à Budapest.

La Hongrie est «la face sombre» d'Houdini, affirme Merlini. «Il n'était pas fier de ses origines, celles d'un immigré juif pauvre d'Europe. Mais nous devons garder sa légende vivante».