Lieu pivot de la 9e Biennale de Montréal, le Musée d'art contemporain, est jusqu'à la mi-janvier l'écrin principal de l'événement d'art contemporain intitulé Le Grand Balcon par son géniteur, le commissaire européen Philippe Pirotte. Un grand balcon avec vue sur l'art international. Un art en représentation, théâtral, source de plaisirs et d'interrogations...

La Biennale de Montréal est un jeu, et l'amateur d'art aura autant de plaisir en se promenant dans les grandes salles du musée dirigé par John Zeppetelli qu'un enfant découvrant Disneyland pour la première fois. La Biennale est une expérience pour le corps comme pour l'esprit. Et chacun y puisera, ici du bien-être, là matière à la rêverie, à l'introspection, à la réflexion, voire à l'envie de réagir...

Comme l'insinue par exemple le film de David GheronTretiakoff. L'artiste français présente deux oeuvres à BNL MTL 2016, notamment une vidéo de 20 min, A God Passing, réalisée au Caire en 2008. Le bouillonnement populaire accompagnant le déménagement de la statue de Ramsès dans les rues de la capitale égyptienne laisse présager les événements qui surgiront trois ans plus tard, sur la place Tahrir. Un film saisissant sur l'histoire qui s'écrit au rythme des volontés et des exaspérations.

L'histoire est aussi au rendez-vous avec le tableau Portrait of a Lady, peint vers 1540 par Lucas Cranach l'Ancien.

Cette toile, que Philippe Pirotte a découverte lors de sa « traversée » du Canada, préalable à la genèse de cette Biennale, a une histoire. Elle représente Sidonie de Saxe (1834-1862), morte à 28 ans, mais il semble que le résultat final ne soit pas conforme à l'oeuvre initiale. On aurait effacé un plateau présentant une tête humaine pour le remplacer par les bras et les mains de la duchesse allemande. Une anecdote historique qui a marqué Philippe Pirotte, la toile devenant une sorte de symbole d'une Biennale où se mêlent réalité et fiction.

Réalité et fiction sont aussi au coeur du travail de Thomas Bayrle. L'artiste berlinois né en 1937 expose des oeuvres en caoutchouc et en bois qui évoquent l'activité humaine, ses conséquences sur l'environnement et ses liens avec le sacré. Une pile montre des pneus dont la bande de roulement montre des croix romaines. Au mur, deux pneus créés en bois tourné sont incrustés de phrases latines de la religion catholique.Encore la réalité et la fiction avec les dernières sculptures de Valérie Blass. L'artiste montréalaise a travaillé sur le visible et l'invisible avec des sculptures créées entre figuration et abstraction. Pour Mieux vaut une vraie tristesse qu'une fausse joie, Valérie Blass a moulé un tissu sur les jambes d'un mannequin avant de durcir le matériau et d'extraire le cobaye devenu homme invisible dont on devine les formes. L'empreinte du modèle tombe comme le pantalon d'un toréador.Enfin, on est plus dans le réel avec l'excellent travail de l'artiste néo-zélandais Zac Langdon-Pole, qui a créé une installation rendant hommage à son oncle mort du sida dans les premières années du ravage de cette maladie.Sa mère ayant recueilli un poème de son frère, My Body, alors qu'il vivait ses derniers instants, Zac Langdon-Pole a reconstitué le poème sur deux murs en utilisant des lettres majuscules ornementées. Il faut reculer pour bien distinguer les mots (en anglais), et la Biennale a eu l'heureuse idée de faire appel à des guides qui vous récitent par coeur le poème en français. Un beau moment de poésie en ces lieux plus que jamais enchantés.