Tous ne sont pas devenus célèbres comme Fragonard, Berlioz ou Balthus mais tous sont passés par la Villa Médicis: l'Académie de France à Rome propose de parcourir 350 ans de création dans la plus prestigieuse des résidences d'artistes du monde.

«Avant d'être l'artiste que l'on sait, Fragonard était un peintre, avec ses doutes», a expliqué la directrice de la Villa Medicis, Muriel Mayette-Holtz, en présentant jeudi cette rétrospective.

«Ce parcours montre l'importance du travail et des recherches des artistes pendant leur séjour à l'Académie de France, alors qu'ils étaient encore jeunes et inconnus», a-t-elle souligné.

Symbole du rayonnement de la culture française, la Villa Médicis accueille chaque mois de septembre une nouvelle promotion de pensionnaires sélectionnés pour un an par un jury international.

Plus d'une centaine d'oeuvres nées à la Villa depuis sa fondation en 1666, sous Louis XIV, sont présentées jusqu'au 15 janvier. Elles sont réparties dans sept salles couvrant chacune un demi-siècle de création.

Première thématique abordée: «la quête de l'idéal antique et moderne». La fonction originelle de la Villa Médicis était en effet de former ses pensionnaires - peintres, sculpteurs et architectes - à la réalisation de copies de chefs-d'oeuvres italiens de l'antiquité ou de la Renaissance.

Ces copies étaient ensuite envoyées en France pour embellir les résidences royales comme le Louvre, Fontainebleau ou Versailles.

«Cette première période est celle où les artistes apprennent de la nature», explique le commissaire de l'exposition, Jérôme Delaplanche.

Parmi eux, le peintre et architecte Charles Errard qui fut aussi le premier directeur de l'Académie, de 1666 à 1672 puis de 1675 à 1684.

Il y réalisera une série de dessins de vases, de statues et d'édifices romains dont celui de la Villa Médicis, deux siècles avant qu'elle ne devienne le siège de l'Académie.

C'est en effet en 1803 que Napoléon a transféré l'Académie de son siège initial au palais Mancini à la célèbre bâtisse renaissance offrant une vue imprenable sur la Ville éternelle depuis la colline du Pincio.

Berlioz, Ingres, Balthus...

Le parcours créatif de l'Académie se poursuit au XVIIIe siècle avec la découverte par les artistes «d'une idéalité romaine différente», explique Jérôme Delaplanche.

À cette époque se développe une esthétique «de la ruine pittoresque» qui se détourne de la solennité antique et dont l'oeuvre du peintre Hubert Robert est une illustration. Lors de son séjour à Rome, de 1759 à 1762, il a réalisé quantité de dessins, esquisses et études de la ville.

À l'Académie de France, il a croisé le jeune Jean-Honoré Fragonard avant qu'il ne devienne le grand peintre de la frivolité et du rococo. Un de ses dessins, La Grande cascade de Tivoli, témoigne de son passage à l'Académie entre 1756 et 1760.

D'autres grands artistes sont passés par la vénérable institution: de Berlioz à Debussy en passant par Gounod, Ingres, Charles Garnier ou le peintre Balthus, qui l'a dirigée entre 1961 et 1967.

L'exposition présente certains de leurs travaux réalisés bien avant qu'ils ne deviennent de grandes figures de l'histoire de l'art.

Parmi eux, la partition autographe de Don Procopio écrite à l'âge de 20 ans par Georges Bizet, pensionnaire en 1858 à 1860, ou encore une vue de la Villa Médicis réalisée à 27 ans par Jean-Dominique Ingres, qui fut directeur de l'Académie de 1834 à 1841.

Mais l'annuaire des anciens pensionnaires regorge de centaines d'autres noms moins illustres «dont les oeuvres méritent d'être montrées à leur niveau de qualité», explique Jérôme Delaplanche.

Ainsi, le peintre Pierre-Henri Ducos de la Haille a laissé Terre latine, une toile réalisée en 1924 et considérée par le commissaire comme «une véritable provocation d'une imagerie classique selon un sentiment très personnel, défiant le goût».