Pour sa première exposition collective, le 1700 La Poste réunit trois femmes qui ont de l'étoffe : Anna Torma, Claire Labonté et Marigold Santos.

Isabelle de Mévius est une femme d'instinct, ce qui la sert bien. Avec Les mythologies singulières, première expo collective au 1700 La Poste, elle lance un singulier, mais pertinent, fil d'Ariane entre trois tisserandes de mythologies. Art brut ou pas ? Art vrai, non conceptuel, en tout cas, répondrait la commissaire. 

ANNA TORMA

Comme les deux autres artistes de cette exposition collective, Anna Torma s'intéresse aux mythes et sa pratique utilise les textiles, dans son cas, au sens propre. La soie, surtout, qui donne relief et miroitement à ses créations. 

Ses « tableaux » présentent des animaux, des monstres, des plantes, des humains imbriqués dans une trame narrative à (re)créer en partie par le visiteur. Comme ses deux pièces les plus récentes qui présentent des planches anatomiques et des tableaux pédagogiques.

« Je voulais tenter d'expliquer l'humain par la science, note l'artiste d'origine hongroise. Ce qu'est l'homme biologiquement. Tout ce qu'on trouve dans ces tableaux traite de l'humain, de ce qu'on est profondément. Je le fais en répétant certains motifs et certaines figures. La répétition du travail me plaît, ça me rend joyeuse. »

CLAIRE LABONTÉ

Claire Labonté tisse également, mais sur papier, des histoires encore à inventer. La répétition est son mode de création. Cela donne des oeuvres faisant penser à l'art aborigène australien autant qu'aux oeuvres du grand artiste ghanéen El Anatsui, même si celui-ci favorise des matériaux métalliques dans son travail.

L'or et l'argent sont des couleurs qu'aime aussi Mme Labonté, mais c'est dans son regard brillant, enflammé et dans sa méthode de travail proche de la transe qu'on sent sa passion dévorante. 

« Comme ça, quand je fais une touche en peinture, c'est là qu'apparaissent notre raison et notre mémoire collective, dit-elle. Pour moi, c'est un processus où j'hésite entre résister et ne pas résister. Je résous le problème dans la répétition, en fait. C'est un rituel. L'idée vient après le geste. Je ne suis pas dans les codes ni les concepts, ma quête est anthropologique. »

MARIGOLD SANTOS

Le tressage est également un symbole qui revient dans les pièces que Marigold Santos présente ici. L'artiste d'origine philippine fait ainsi se rencontrer les mondes imaginaires et mythologiques. Ses racines mordorées ouvrent la porte à un univers narratif riche, fécond.

L'artiste unit comme elle désunit, frôlant les figures grotesques, mais créant des ensembles très construits où un motif appelle l'autre sans cesse, créant un effet luxuriant. Un monstre, chez elle, peut être construit de plusieurs paysages, par exemple. Un peu comme les géants de David Altmejd, artiste qu'elle adore.

« L'imagerie de choses tissées, tressées, tricotées est importante pour moi, dit-elle. Je travaille en fragments. Ces techniques évoquent l'attachement ou le détachement. C'est symbolique et cela a toujours fait partie de mon langage visuel. Je travaille avec les idées de folklore, d'immigration, le paysage, la culture pop, ma vie personnelle. J'assemble le tout. » 

Les mythologies singulières sont exposées jusqu'au 18 décembre au 1700 La Poste (1700, rue Notre-Dame Ouest).

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Les oeuvres d'Anna Torma présentent des animaux, des monstres, des plantes, des humains imbriqués dans une trame narrative à (re)créer en partie par le visiteur.