Les voies de la masculinité et de la féminité empruntent jusqu'au 16 juillet les cimaises de la galerie Joyce Yahouda, à Montréal. Pour son deuxième solo au Belgo, Sébastien Worsnip présente des oeuvres évoquant la virilité, mais aussi l'espace, tandis que Nadine Faraj s'est intéressée aux femmes dont le corps devient message...

Nadine Faraj est une artiste féministe. Ses aquarelles abordent la sensualité des femmes, explorent la frontière physique du corps chez Adam comme chez Ève et parlent de séduction et de provocation. Exposée lors de son précédent solo chez Joyce Yahouda en 2013, l'oeuvre The Secret Places Everywhere est, par exemple, un écho saignant de L'origine du monde, de Gustave Courbet (1819-1877). 

Sa deuxième exposition au Belgo, The Whole World Has Gone Joyously Mad, comprend des portraits individuels d'une quarantaine de femmes qui ont manifesté torse nu ces dernières années, leur corps recouvert d'un slogan.

Parmi elles, les activistes du mouvement Femen qui font régulièrement irruption les seins à l'air devant les caméras des médias pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis des façons dont les femmes sont traitées dans certains pays. L'artiste de 39 ans représente ces manifestantes audacieuses dans des postures de protestation.

Les aquarelles sont suggestives, à la fois réalistes et expressionnistes. Énergiques ou passives, ces femmes transpirent la détermination, la force et cette espèce de fierté d'utiliser son corps pour affirmer un désir de liberté et rejeter sa fonction d'appât. 

MANIFESTANTES

Les femmes que Nadine Faraj a esquissées sont par exemple celles qui ont manifesté seins nus, en 2012 en Suède, pour la liberté des musulmanes et contre la charia en Égypte, mais aussi celles sorties dans la rue à Londres la même année pour protester contre l'appui des nations occidentales aux « régimes islamistes sanglants ». 

Représentée également par la galerie Anna Zorina de New York où elle exposera seule l'an prochain, Nadine Faraj a aussi peint ces femmes qui se sont battues pour le mariage homosexuel en France en 2013 et qui affichaient des slogans tels que « In Gay We Trust » ou « Homos égaux ». 

Elle rend hommage aussi aux Africaines qui ont manifesté seins nus en 2009 au Nigeria, pays où leurs droits comme ceux des LGBT sont bafoués, ainsi qu'aux neuf activistes françaises qui avaient inscrit « Pope No More » ou « Crise de foi » sur leurs corps, en 2013 à Paris, pour célébrer la démission du pape Benoît XVI. 

Parmi la quarantaine de femmes, on reconnaît aussi les étudiantes québécoises qui ont manifesté - un carré rouge sur les mamelons - dans les rues de Montréal le 3 mai 2012 pour s'opposer à la hausse des droits de scolarité.

SÉBASTIEN WORSNIP 

Deuxième solo également pour Sébastien Worsnip chez Joyce Yahouda. Sept ans après sa première présence, l'artiste de 46 ans propose une séduisante série de peintures, Real Men Don't Look at Explosions, qui évoque la masculinité autant que le sens cosmologique de l'existence. Son nouveau corpus utilise des titres de films d'action hollywoodiens. Pourtant, ses peintures n'ont rien de trivial. Au contraire, elles se gaussent indirectement du côté dérisoire de ces personnages invincibles du cinéma américain dont les prouesses viriles ne parviennent pas à cacher la pauvreté du jugement. 

Certaines oeuvres de Worsnip sont douces, aériennes et virtuelles, d'autres plus complexes et habitées. On a particulièrement aimé Skyfall, une composition équilibrée extrêmement bien travaillée. On sent - dans cette peinture qui suggère l'expression explosive de la matière - un élan passionné et en même temps cette immuable sérénité de l'évolution de l'univers, cette imperturbabilité élémentaire du cosmos selon laquelle tout perdure en se transformant dans l'espace-temps.

Pour ce travail, Sébastien Worsnip a utilisé des techniques variées telles que le pochoir, la superposition de couches colorées ou le découpage, des techniques imbriquées avec harmonie et qui donnent un ensemble réellement splendide, empreint d'une belle sensibilité... masculine.

The Whole World Has Gone Joyously Mad, de Nadine Faraj, et Real Men Don't Look at Explosions, de Sébastien Worsnip, à la galerie Joyce Yahouda (372, rue Sainte-Catherine Ouest, espace 516, Montréal), jusqu'au 16 juillet.

Autres expositions

Marie Côté

La Maison des arts de Laval met la céramique contemporaine à l'honneur jusqu'au 17 juillet avec l'exposition Contours, détours et retournements. Marie Côté y présente des poteries créées depuis une vingtaine d'années. L'exposition se rendra ensuite au Musée régional de Rimouski.

À la Maison des arts de Laval (1395, boulevard de la Concorde Ouest, Laval - métro Montmorency), jusqu'au 17 juillet.

Rodolphe Duguay

La Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières, la Maison et atelier Rodolphe-Duguay et le Musée québécois de culture populaire présentent, jusqu'au 15 janvier, Rodolphe Duguay, regards contemporains, en hommage à l'illustrateur, graveur et peintre mort en 1973. L'exposition revisite son oeuvre avec des créations de 10 graveurs, dont Valérie Guimond, Benoît Perreault, Michel Barzin (Belgique), Slobodan Radojkovic (Serbie) ou encore Victor Manuel Hernández Castillo (Mexique).

Au Musée québécois de culture populaire (200, rue Laviolette, Trois-Rivières), jusqu'au 15 janvier 2017.

Jean Paul Riopelle

À Québec, la Maison Hamel-Bruneau vient de vernir l'exposition Riopelle au cap Tourmente qui présente, jusqu'au 18 décembre, des lithographies du maître Riopelle jamais exposées dans un lieu muséal québécois. Un véritable événement artistique autour des migrations des oies blanches et de leurs rassemblements récurrents au cap Tourmente. Bonne visite !

À la Maison Hamel-Bruneau (2806, chemin Saint-Louis, Québec), jusqu'au 18 décembre. Du mardi au dimanche, de 11 h à 17 h. Entrée libre. Renseignements au 418 641-6280.