L'exposition new-yorkaise Sensory Stories est produite et présentée en partenariat avec le Centre PHI jusqu'au  21 août à Montréal. Treize oeuvres sont offertes cette année. L'interactivité est plus que jamais utilisée dans  ces nouvelles façons de raconter des histoires. La réalité virtuelle (RV) reste aussi omniprésente comme technique de pointe, mais les créateurs poussent toujours plus loin les expériences sensorielles des spectateurs. La Presse a expérimenté cinq des oeuvres présentées.

Famous Deaths

Cette expérience sensorielle nous arrive des Pays-Bas. Les artistes Frederik Duerinck, Marcel van Brakel et Mark Meeuwenoord ont eu l'idée, morbide diront certains, de faire vivre aux spectateurs, par l'ouïe et l'odorat, les derniers instants de personnalités célèbres. Placé dans une boîte métallique ressemblant à un tiroir de morgue, le spectateur est couché dans l'obscurité muni d'un bouton de panique. La Presse a expérimenté les derniers instants de John F. Kennedy (on peut aussi revivre ceux de Whitney Houston). On entend pêle-mêle les cris de la foule, la voix de commentateurs, on sent les effluves de l'été, le parfum de Jackie Kennedy, puis... les trois coups de feu. Comme tout bon film d'horreur, c'est le suspense qui crée ici le sentiment de peur. Quatre minutes d'angoisse!

Nomads: Sea Gypsies

Les contemplatifs et paisibles préféreront le plus récent documentaire des Studios Félix et Paul qui poursuivent leur quête des diverses populations nomades de la planète. Le peuple bajau vit depuis des siècles dans des maisons sur pilotis ou flottantes le long des côtes de Bornéo. Clapotis de l'eau de mer qui se fond au loin dans le ciel, jeux des enfants, transports en barque silencieuse, cuisine en plein air... Oui, cette existence au rythme de la nature ressemble au bonheur tout simple de vivre. Loin du bruit et de la vitesse des villes, loin du stress et la routine du travail à la chaîne. Ces gitans de la mer ont compris quelque chose qui nous échappe encore dans la modernité nerveuse qui est la nôtre.

The Turning Forest

Dans le même état d'esprit et en RV aussi, mais en fiction animée, The Turning Forest de la BBC narre la rencontre entre un enfant et une créature fantastique faisant penser à un dinosaure. Le son est bien utilisé pour nous faire plonger littéralement dans cette histoire toute simple - trop simple? - sur la beauté de la nature. En plus des lunettes de RV, le spectateur porte un sac à dos vibrant. Nos mouvements de côté ou vers l'avant et l'arrière ont donc des répercussions sur l'angle de vue et ce qu'on peut apercevoir à l'écran. C'est charmant et gentil, mais un peu simpliste, comme beaucoup de créations issues de ce nouveau média qui fait encore ses premiers pas artistiques.

Late Shift

Qualifié de premier film interactif de l'histoire, Late Shift des Suisses Tobias Weber et Baptiste Planche se présente telle une projection normale sauf que les spectateurs, munis d'un téléphone portable, peuvent choisir, à divers moments du récit, de ce qui adviendra par la suite. Dans la peau d'un jeune gardien de stationnement souterrain, le spectateur peut ou non devenir complice d'un cambriolage. Les options du récit suivent les choix de la majorité des membres du public. Expérience intéressante qui pose des questions morales, mais le caractère ludique du film prend ici le dessus sur la réflexion.

Notes on Blindness: Into Darkness

Sans doute l'un des projets les plus beaux et aboutis en RV qu'il nous ait été donné de voir depuis trois ans. Cette coproduction franco-anglaise utilise les enregistrements audio réalisés par l'écrivain John Hull qui a perdu la vue en 1983 après des années de détérioration oculaire. Ce journal intime tout en finesse nous fait vivre de l'intérieur la perte de la vue. À mesure qu'il devient aveugle, la voix de Hull prend les couleurs du questionnement, mais aussi d'un certain émerveillement devant l'inconnu de sa nouvelle réalité. Les images évanescentes sont magnifiques et les sons de la vie quotidienne souvent amplifiés. Une idée brillante, brillamment réalisée.